atelier d’été (automne -osef) vingt 18
à un moment j’ai eu vingt cinq ans – je me suis dit que je ferais mieux d’écrire quelque chose – j’en ai écrit des histoires, pas mal (elles sont dans « nouvelles ») (mais pas ici encore) et des romans entiers (ils sont ailleurs quelque part si je les retrouve – je ne disposais pas alors d’informatique, j’avais l’hermès que ma mère me donnât un jour, l’Underwood achetée aux puces d’Aligre, le ruban bicolore à celles de Saint-Ouen, un truc tenu, volée dans le garage avec les deux ou trois cents disques noirs (merci belleville la chiotte) – et puis voilà que réapparaît le roman policier – je m’en fous, certes, mais enfin je perds mon temps en un sens – je vais aller travailler (« c’est dur à gagner sa vie » disait-on – et plus tard « j’aime pas bien les types qui tapent dans la tôle » (qui ne font pas le travail pour lequel on les rétribue (mal peut-être) mais quand même : la dignité c’est tout) – avançons vers la pénultième.
Fixons les idées une première fois : l’enquêteur arrive sur les lieux
Avenue des Tilleuls
J’ai cherché un moment puis je suis tombé sur cette agence de location sise à Milan – elle gère les placements de nombreuses personnes et est reconnue sur les places internationales comme sérieuse et efficace – son nom a été prononcé quand je me suis rendu sur place, ce mardi après-midi où le corps a été découvert – l’épicier qui venait toutes les semaines livrer deux kilos de riz plus quelques fruits a déclaré qu’il avait pris cette initiative lors de la première semaine, à l’arrivée du vieux (il l’appelait « le vieux » sans autre forme de procès) : l’infirmière était venue chez lui pour faire quelques achats et il lui avait proposé d’en faire la livraison, ce qu’elle avait accepté ; lorsqu’il était venu livrer quelques heures plus tard, il avait trouvé le vieux assis sur sa véranda, dans son fauteuil à bascule et il avait commencé à parler avec lui ; le type était souriant et assez disert, et ils avaient sympathisé (ça n’avait rien d’exceptionnel, le Moktar (l’épicier s’appelait Moktar) en question avait sans doute le chic pour amadouer les étrangers) ; ils avaient décidé d’un accord commun que la livraison serait effectuée tous les mardis parce que le mardi il y avait marché et quand ce mardi donc, le fait est que c’était hier, Moktar était arrivé là vers une heure de l’après-midi, il y avait la police, on l’avait empêché « d’entrer et de livrer », il était reparti soucieux avec sa livraison. J’avais été voir Moktar, il ne savait pas à qui appartenait la maison mais pensait que plusieurs autres étaient louées de la même manière. « Sur l’avenue des Tilleuls, toutes les maisons ou presque appartiennent au même propriétaire » m’avait-il dit. Au quinze de la rue (ou de l’avenue mais c’est plus une rue), j’avais trouvé cette femme rousse, enceinte, qui m’avait indiqué le nom du mandataire qui faisait office de syndic – on payait en adressant les chèques à la banque (suivait le nom inconnu d’une banque locale). Je m’y étais rendu, j’avais demandé des informations – à quel titre avait demandé le chargé de comptes, j’avais inventé une salade quelconque (je m’apprêtais à louer une maison, nommé prof ou quelque chose je ne sais plus, quelque chose de crédible) – improbable peut-être mais tant pis ça avait marché, j’avais eu le téléphone d’une agence en ville. Une espèce d’enquête, puisque arrivé là on m’avait indiqué qu’ici n’était qu’une antenne, personne de l’agence n’y travaillait mais que tout était retransmis vers une société jamaïcaine – le nom de la société ne menait à rien, l’adresse à une de ces officines de centaines de boites postales qu’on trouve dans ce genre de pays. Les noms ne peuvent jamais mener à grand chose, de toutes les manières, comme on sait mais j’ai quand même téléphoné : j’ai découvert à nouveau le nom de cette agence milanaise. On y accède par le numéro quatre de la rue Ugo Foscolo, juste à côté de la galerie Victor Emmanuel. Le siège était au quatrième étage, par les baies on découvre non loin les pointes du Dôme ; la femme qui me reçut ne me demanda rien « je connais parfaitement les lieux, oui » la cinquantaine tailleur mise en pli maquillage m’indiqua le montant du loyer, « c’est vraiment donné » la maison était libre tout à fait oui, je pouvais emménager si je voulais. Je ne sais pas exactement pourquoi je lui ai posé cette question, mais avant de signer mon chèque, ça m’est venu : « et la maison d’en face, sur l’avenue des Sycomores, elle est libre ? » – En face, vous voulez dire celle dont le jardin est attenant, sur l’arrière ?… Elle est sur l’avenue des Tilleuls, mais elle n’est pas à louer, non… Voilà peut-être dix ans qu’elle est vide, mais le propriétaire ne désire pas la louer, non. Mais nous en avons quelques autres, sur l’avenue des Peupliers, si vous voulez… »
(le voici qui ressort
)
Je n’ai rien de particulier à vous dire, je n’ai fait que mon travail, comme je le fais toujours, avec honnêteté rigueur et efficacité. Il n’est pas dans mes habitudes de révéler le nom de mes clients, encore moins quand je ne les connais pas, ce qui est le cas ici : je ne sais tout simplement pas pour qui j’ai mis en place cette structure, si vous voulez bien appeler les choses par leur nom. Il ne s’agit pas d’un contrat au sens où vous l’entendez : il n’a jamais été question de commettre quelque exaction que ce soit ou de se soustraire à la loi de quelque manière que ce soit. Que cela soit bien clair : notre agence n’est pas une officine de je ne sais quelle entité ourdissant coups d’état, coups tordus ou quoi que ce soit de ce genre, d’ailleurs notre image dans le monde entier prouve bien que nous agissons dans la plus complète et parfaite légalité. Nos collaborateurs pour la plupart sont des fonctionnaires dignes du plus grand respect. J’entends bien que le {modus operandi} que vous me rapportez a quelque signification, encore que je ne voie vraiment pas laquelle, mais je ne vois pas non plus en quoi cela nous concernerait… Oui, je reconnais avoir rencontré cette personne, je ne vais pas me mettre à nier des faits que rapportent vos informateurs d’autant moins que ces images en attestent, mais je vous répète que vous n’avez pas affaire à je ne sais quel établissement plus ou moins louche… Je ne connais pas son nom ni quoi que ce soit d’elle, c’était la première fois que je la rencontrai et probablement la dernière… Non, enfin je n’en sais rien, mais il est rare que je traite avec les mêmes personnes. La logistique, j’ai en charge la logistique… Oui, mon supérieur… À l’ambassade, oui… il m’a appelée la veille, vers seize heures, j’avais une enveloppe à aller chercher au consulat et à apporter à cette personne. En main propre, évidemment… Mais le rendez-vous était fixé et cette personne devait arriver à l’heure dite, c’est une question de confiance…. mais oui le lendemain, à sept heures du matin, c’est fréquent… Dans le parking du bas de l’avenue des Champs-Elysées, oui, il n’y a rien d’illégal à cela, je suppose… Ah excusez-moi mais je ne sais pas, je n’en sais rien et on compte sur ma discrétion… J’essaye de ne pas porter attention à ce genre de détails, je n’ai pas de renseignements, il y avait certainement des papiers à l’intérieur de cette enveloppe, mais je ne veux pas le savoir, c’est tout ce que je peux vous dire… Vous comprenez bien que je ne vais pas m’amuser à regarder ce qu’il y a dans ce genre de pli, on compte et on a raison, permettez-moi de vous le dire, on compte sur ma plus entière discrétion… Je n’en ai aucune idée, comment voulez-vous que je le sache ? Un appel téléphonique, la veille ? Mais certainement oui, j’en passe des dizaines par jour, évidemment, oui… Vous dites ?… Ah je ne sais pas, je ne crois pas avoir de relation avec cette banque… Mais écoutez c’est possible, si vous surveillez mes faits et gestes, c’est que vous en avez l’autorisation je suppose donc il faudrait que je consulte mon agenda, il se peut que j’aie eu une conversation… Ah le voilà, oui, c’est bien mon agenda, oui vous l’avez, oui donc, c’est inscrit ?… Mais je n’ai pas fait attention, je ne vais pas me souvenir de tous les coups de fil… Permettez que je regarde ?… Six fois, vous dites ? Ah bon ? peut-être… en tous cas il n’y a rien de tel qui soit inscrit… Ah oui, mais oui je me souviens… nous avions à régler un problème de virement de compte à compte… Oui je les ai rappelés je me souviens, mais six fois ?… Ça me semble beaucoup… si vous le dites je veux bien vous croire…
j’ai probablement compris de travers mais ça n’a pas tellement d’importance (je crois que tout cet atelier, je l’ai compris de travers) (je me suis fourvoyé, je voulais écrire une histoire de famille), c’est venu après la dix-sept, une nuit un peu comme aujourd’hui, cette femme dans son bureau – elle est probablement assez rousse mais ce n’est pas dit (elle n’est pas enceinte) (je ne crois pas qu’il s’agisse d’elle dans le deuxième volet) (j’ai voulu en écrire un troisième avec des chansons mais je n’y suis pas parvenu – ça viendra peut-être au dix-neuf que je n’ai pas encore entendu écouté vu lu) ; le fait que ce soit la fin de cet atelier influe sans doute sur celui (le fait) qui m’impose de cesser – il y avait une autre version de ce genre de non pas de fin mais provisoirement d’arrêt des hostilités (le crime est commis ou n’avait-ce été qu’un rêve ?) qui aurait voulu que ce soit le vieux (ou Fauteuil comme dit NH qu’on remercie ici) qui soit lui-même le commanditaire de son éviction de l’histoire (ça en aurait fait un suicide – je ne suis pas certain qu’il soit répertorié dans ce livre qui fit scandale dans les années quoi, quatre-vingt ?) – ou celle de NH justement qui voulait que ce soit Norma qui honorât le contrat – qui est une belle idée…
(les toponymes du premier dix-huit sont directement issus de la villa de merde sise en bordure de périf quand même dans le seizième parisien)
ben moi suis contente de ne pas avoir travaillé dans cette agence. (même si j’ai travaillé avec des romains mais pour leur beau pied-à-terre parisien)