Journal de l’Air Nu (#21, 22, 23) – pour mémoire
21. Dimanche 5 avril 2020 (retour aux rues)
comme c’est dimanche on est fondé à tenter de croire à la religion : démocratiquement, la start-up naichionne étant majoritairement (en diable) catholique (la fille aînée de l’église tu te souviens), feignons d’en être les instigateurs (j’aime beaucoup le cinéma de Cocteau) et imitons, comme tout bon marane qui se respecte, les us et coutumes de l’endroit (hier si j’y avais pensé, j’aurais imité celles des juifs) (et avant hier celles des musulmans) (on fait ce qu’on peut : on tente de ne pas péter un câble un plomb ou une durite) (il en va de notre santé mentale mais de celle-là, tu remarqueras, le gouvernement sifflé tous les soirs – pas ici cependant – n’en a rien à foutre) (on dit partout (?) qu’il vaut mieux être à notre place qu’à la sienne la leur : peut-être) ce matin il fait beau, les oiseaux chantent et tout va comme il faut – je fais un billet pendant le week-end c’est quand même le moins – avant-hier le voisin (d’en face) a rappliqué frappé à la porte on a ouvert la fenêtre « bonjour, c’est pour mon fils, il se demande si votre jardin est à louer, là ? » – tu sais que j’ai lu Pierre Jourde quand même hein – le billet a pour objet certaines images du retour aux rues – ce n’est pas qu’elles nous manquent, remarque non plus – il y en a ici aussi (des rues,pas des images de B2TS) – non c’est le monde, les gens, le populaire, les cris, les gaz d’échappement et tout le bazar – peut-être : on en est revenus ? pas encore sans doute – tout a changé, tout à changer –
(re)découverte : deux autres mers (Égée et Ionienne) (oubliées, sans doute : un certain nombre (par exemple l’Iroise de la chanson de Souchon (le Marin) n’est pas dans le compte mais les autochtones doivent sans doute donner à leurs étendues d’eau salée des noms, des appellations, des toponymes (avoue que ça jette) de leur cru) – des bras de Méditerranée sans doute – comme l’Adriatique ou la Tyrrhénienne – on se perd en conjectures pour le nombre desdites – les trente sept mers me convient parfaitement cependant – je vais garder trente sept
22. Lundi 6 avril 2020.
hier, probablement parce que c’était dimanche : que peu écrit – ou alors à cause des travaux qu’on a entrepris – ou parce qu’il faisait beau et qu’on a bullé dans le jardin – au programme du menu cependant pâtes et salade – en général je n’écris que peu – c’est ce qui me désespère d’ailleurs – l’allergie qu’on traita à la Bourboule (pollens, poussières, acariens) avait pour effets aussi (déterminés par le médecin traitant, un type brun assez sympathique, quarante ans, différent de celui de mon père) d’interdire au jeune garçon atteint d’ingérer fraises, œufs et chocolat : il préféra haïr ces trois aliments (ce qui aujourd’hui continue avec le chocolat mais pas avec le reste – je ne fais pas partie de l’ASOM (association pour la sauvegarde de l’œuf mayonnaise) mais j’en suis les évolutions notamment le grand prix décerné chaque année – au bouillon Pigalle l’année dernière – moins de deux euros l’entrée ça mérite une mention – jamais été cependant – il paraît qu’il est bon) (le médecin de mon père vivait dans cette maison de la rue adjacente, où, plus tard, emménagerait un prof de maths – je me souviens de son nom mais je ne balance pas – qui portait une blouse grise en cours, et qui avait formulé l’horoscope imparable en pleine classe : « s’il n’y en a qu’un ici qui aura le bac, c’est Cohen ! » – c’était en terminal qu’on nommait C et en 72 – elle est devenue S – et j’ai manqué l’oral du bac de 5 ou 6 points – moyenne 7,96) (il y avait cette blonde pétillante (ou piquante) comme on dit, cheveux courts qui chantait « j’ai la mémoire qui flanche » avant cette époque – tellement française) (Micheline ou Danielle?) – la théophyline Bruno se présentait sous la forme de suppositoires vert clair – il y avait là une forme de viol : la traitement de l’asthme en passait par là – la prise (!) du médicament avait un effet radicale sur la crise dans les trois minutes qui suivaient l’effraction – je n’ai plus jamais fait de crise (à Percy, celle provoquée par le médecin qui a failli me coûter la vie (le type était interne et son teint prit la couleur de sa blouse – blanc sale – lorsque je faillis succomber), fut la dernière – il avait placé les doigts de ma main droite sur le bras gauche de cette blouse pour estimer à leur couleur ma tabaco-dépendance) mais la gêne ressentie ces temps-ci en campagne a quelque chose à y voir : je n’ai jamais respiré normalement sur ce continent (le voyage en Tunisie de 2012
n’a ni confirmé ni infirmé ce fait : le pli est pris, je respirerai mal jusqu’à ne plus pouvoir) – la cure d’une année s’est montré suffisante aux yeux de la médecine (normalement s’il y a norme en ces matières : une cure se déroule sur trois années consécutives) – quelques années plus tard, la capacité respiratoire de l’ordre de zéro sept a été mise en évidence par un certain Prospère qui officiait du côté de la place de l’Abbé Hénocques – à l’hôpital des Peupliers (la poterne n’est pas loin non plus) rue de la Colonie (bien que la Tunisie ait été un protectorat) – en deux mille peut-être bien – place de sinistre mémoire où fut abattu Pierre Goldman (20 septembre 1979) par cet abject groupuscule fasciste auto-proclamé « honneur de la police » –
les rêveries du promeneur solitaire – j’ignorai qu’à ce point le Rousseau fut paranoïaque (certes, il en vit de vertes et de pas mûres) j’en ai lu deux – j’avance – je bricole – je fends du bois –
23. Mardi 7 avril 2020. (système pileux)
les jambes complètement prises de poils noirs, presque ainsi que des cheveux, même sur les genoux : telles étaient-elles, mes jambes… on aurait (en plongée) dit un des acteurs de la première partie de « 2001, l’Odyssée de l’espace » (Stanley, 1968) – quelle étrange affaire…
on revient vers nous avec les masques – c’est le quatrième mardi de réclusion quoi que le premier ne le fut qu’à moitié – la réalité des choses deviendra-t-elle la norme ? ce qui est certain dit celui qui regarde le doigt lorsqu’on lui montre la lune, c’est que ça va se terminer, cette période prendra fin (on n’entendra plus parler de cette saloperie de virus – mais est-ce vraiment une saloperie ? – ce sera devenu un mauvais souvenir) sauf si ça continue, évidemment – jolis bruits qui indiquent des « confinements » (décidément j’agonis ce mot) possibles pour les vieillards jusqu’en juillet – un bruit de chiottes, mais il y en a un certain nombre qui s’ébattent sur radio wtf france angoisse notamment (mais pas que, le pervers du matin sur france q sévit à nouveau aussi) (le matin, on n’est vraiment pas aidé – non plus que le soir…) sur sa « chaîne » inter – on a fini le travail : plus rien à faire ? dans ce compartiment du jeu, ça ne répond pas –
dans les années soixante et dix, une désensibilisation a duré plusieurs années – pour consulter le médecin allergologue qui affectionnait la démithridatisation – ah j’ai oublié son patronyme, mais je me souviens de sa blouse, blanche, de ses lunettes monture d’acier, de son léger embonpoint – il fallait se rendre dans le Montparnasse Monde entrer dans l’immeuble qui abrite aussi la caisse nationale de prévoyance (en bas de l’image)
passer devant la petite chapelle qu’il y a là, et prendre l’ascenseur jusqu’aux étages supérieurs – 7, 8 12 ? – l’homme recevait dans les locaux de la mutuelle générale de l’éducation nationale – on achetait de petites bouteilles de liquide empoisonné aux pollens, aux acariens, aux poussières, qu’on entreposait dans le frigidaire de l’appartement maternel – on n’avait pas de frigo tu penses bien – et tous les vendredi on allait se flanquer une intramusculaire dans la cuisse, laquelle provoquait une bouffissure assez large – une enflure, si tu préfères – qui disparaissait à mesure que passait le temps – une heure, deux ou trois parfois le truc demeurait quinze ou vingt heures puis disparaissait – on regardait apostrophe – on mangeait du couscous s’il se pouvait on s’en allait en prenant le soixante trois – on descendait au coin de la rue du Bac, on passait devant la café L’Escurial qui faisait cuire des croissants qu’on pouvait déguster chauds vers six et demie sept le matin du dimanche et des fêtes avant d’aller embaucher au CRT à huit – centre des renseignements téléphonés –
troisième rêverie de JJR