Atelier 18.2.15
15. consigne : une des silhouettes ci-dessus évoquées, en tout cas un personnage extérieur au narrateur initial, l’apostrophe et vous avez à situer vous-même de l’extérieur ce narrateur qui parlait pour vous : on parle dans un je extérieur à soi-même
à la rencontre de la passerelle, ses escaliers, entre les deux volées, et le chemin surélevé, qui court tout le long de l’axe est ouest, bordant le canal de la première passerelle jusqu’au bouquet d’arbres qui se trouve là, au coin du rond-point dit des canaux, qui existe depuis qu’ils ont été conçus, construits, creusés, édifiés les quais, les promenades, les passages, depuis que là ici, même, c’est à coup de marteau sur le coin du crâne qu’on tuait les bêtes, la chaleur des eaux et des graisses, cette fumée, ce sang et ces effluves, puis là autre chose je te trouve là debout face à la ville, tournant le dos aux passants, regardant Dieu sait quoi, petite planchette sur laquelle est fixé de deux vis boulons un compteur muni d’une petite manette que tu actionnes à chaque fois que quoi, au juste, au fond le pont de chemin de fer, en bas l’eau noire, là, péniches, oiseaux, pêcheurs, vigiles touristes couples solitaires esseulés perdus impatients ou lents, cigarettes ou pas, et là sur ce promontoire, neuf marches au dessus du tablier à activer ce petit mécanisme, si encore il pleuvait, mais même pas, c’est là que je te trouve patient durant quelques heures, marquant sur la feuille au juste quoi, puis marchant un peu et c’est là que je te retrouve encore lorsque le plan incliné qui permettait aux bœufs et chèvres et porcs et le reste de monter et de se diriger vers leur rien, beuglant hurlant gueulant vociférant mais ces premiers jours-là il n’y avait plus rien, il pleuvait, la boue, flic flac, mais plus d’odeur de mort, de sang, ou de tripes, abats rouges abats blancs nerfs échaudages éviscérations et tout le bataclan qui va avec forts et maquignons, ouvriers tueurs, tabliers cuirs peaux poils dents non – et puis voilà, une bibliothèque d’école de cinéma – la dernière roue du carrosse celui des films et celui d’or (ah Anna…
), quelque chose comme ça – et puis autre chose encore et tout oublier, «j’ai tout oublié des campagnes, d’Austerlitz et de Waterloo » (photo taxée chez Michel Volkovitch qui lui-même j’ai l’impression…)
une chanson pour chacun des gestes, chacune des pensées, ici, les vieillards et les enfants en bas âge, ça court dans l’herbe et ça rit à toute force, ça sommeille, ici que je te trouve encore, sur le bord du canal, et Jane qui te prend en photo (je sais que tu serres cette diapositive dans ton portefeuille, avec ton pull vert Daniel Hechter acheté dans la rue de Reuilly à la solderie – je sais bien des choses encore mais je n’en dis plus rien) et plus tard encore, à arpenter les pelouses le matin des dimanches quand les footeux annoncent et éructent « ah non les journalistes dehors ! » ce doit être ton imperméable qui leur fait croire à cette profession, à une appartenance à une corporation mais aujourd’hui non, plus rien, alors, tu n’y passes qu’incidemment de temps à autres, le matin tôt sur la passerelle du nord, parfois pour aller ailleurs, mais alors les cirques, les bals, les expositions, les visiteurs les publics les usagers – tous les mêmes, toujours, tous les mêmes – des noms différents seulement – des catégories des typologies des classements comme il faut qu’on puisse en produire pour que le monde puisse y croire – mais tous les mêmes, cette idée un peu lasse du temps présent, faire attention au petit se préoccuper d’un ballon qui roule vers le canal, mais qu’est-ce que c’est que ce travail ? une imposture, juste une imposture, vous voulez un gâteau ?, une place différente de celle où on croit que tu te tiens, à présent il se pourrait que tu te retrouves dans la peau de ce type qui disait (il suffirait qu’on te questionne sans trop le montrer) « j’ai toujours cru que l’âme des bêtes stationnait en haut de la halle, tout en haut là où il n’y a rien, ça ne sert à rien mais c’est un espace un lieu un endroit vide et ce vide moi je crois bien que… » et l’autre te relancerait « mais elles y seraient prisonnières alors? » et toi « chacun croit ce qu’il veut, mon jeune ami » et tu montrerais du doigt, là-haut, tu serais assis dans ce lieu à l’écart du passage,
comme tous ceux qui se tiennent un peu à l’écart : en retrait, pour ainsi dire, ces immenses fenêtres, ces dizaines de fenêtres, de ce côté-ci du canal, t’en souvient-il de ce repas, ça s’appelait « le petit boeuf » et l’air catastrophé de ton commanditaire, devant le rapport (trop, mais beaucoup trop) littéraire que tu avais produit, (vraiment trop, non impossible) non, ça n’avait rien à voir avec ce qu’il attendait – on ne sait jamais à quoi s’attendre, on essaye, on voit ensuite mais – ce jour-là c’en était presque risible, le teint pâle, le profond embarras (comme s’il y avait à être embarrassé) de ce type (la qualité pour ces gens-là n’en est pas une, sinon ils ne seraient pas aux postes où ils se trouvent, ce sont des choses qu’on apprend à mesure sans doute, mais quelle importance ?) on avait mangé de la viande, on avait parlé : refaire dans les limites du dispositif mais si tu veux, bien sûr, sans problème, quelle importance ? et plus tard, ce même texte tu sais bien où il se trouvait dans la bibliothèque derrière le bureau, mais à présent ? pas de nouvelle et alors comme ça, tu essayes de le refaire donc, c’est ça ?
cette fois encore découvre ici
et aime bien entendu, oui aime