Atelier 18.2.14
consigne 14 : silhouette (en images : un jeu qui semble danse)
La route aux cinq chansons
Là-bas, les dimanches d’été, « des milliers d’oiseaux s’envolent sans effort » et la musique les couples vers cinq heures, jusqu’à la nuit, c’était là, ne me demande pas qui était là, mais ces jolies histoires, ces « emportés par la foule qui nous traîne nous entraîne écrasés l’un contre nous ne formons qu’un seul corps »(Edith Piaf et Marcel Cerdan, on ne peut pas moins)
autour on s’asseyait sur le gazon, on parlait ensemble, eux buvaient, il fallait s’éloigner, il fallait ne plus entendre ces chansons, ces « comment ne pas perdre la tête serrée par des bras audacieux car on croit toujours aux doux mots d’amour quand ils sont dits avec les yeux » des personnages, comme s’il y avait des personnages, non, ils étaient tous là – entre l’italique, entre les lignes, ils apparaissent, on ne s’en souvient plus – un jour il faudra consulter un peu ce qui reste de tout ça, au besoin – vingt minutes de Moondog parce que c’est une espèce de contrainte, ça a l’air d’être une espèce de paradis, mais c’est aussi quelque chose de la cruauté, on se souvient des bals du samedi soir, des garçons bouchers ou des ignobles individus – ça existe, des ignobles individus, plutôt chez les hommes, comme c’est bizarre, armés et abrutis d’alcool ou d’autre chose comme l’envie de paraître aux yeux des autres, cette imbécilité crasse et brute – il y en a six ou sept des bribes de ces personnages qui ne sont que des paroles, leurs airs on les entendra et les rythmes afro-cubains, les maracas, les pagnes, les joues rosies ou maquillées, « habibi tu les aimais ces fruits les noyaux d’abricots pour toi c’était des billes » il aurait fallu prendre autre chose, un autre endroit, Sidi Bou Saïd ou la Marsa, quelque chose qui grille au soleil, la place du Commerce et les oeillets aux canons des fusils, quelque chose d’autre, la route surélevée de Gênes qu’ils ont baptisée Aldo Moro, cette horreur en effet, non ça ne parle jamais de ça, c’est hors du temps, ça indique quelque chose comme une rencontre, on ne s’était jamais vus et voilà que tout à coup, on se retrouve, avait-on mis ses plus beaux habits ou ne s’en était-on même pas soucié – il y a toujours dans l’air ce joli parfum, quelque chose qui attirerait sans trop se prendre au sérieux, du jasmin dans un sourire et un verre de bière – des jeunes gens qui dansent, et des anciens comme on les appelle, « toutes ces choses qui avaient un prix et qui font le désir et le plaisir aussi » la mémoire des lieux, des gens et des regards tout pour oublier la semaine et le gris du soir d’hiver, tout ça, pour oublier et n’y plus penser, regarder le soleil se coucher sur le fond de la ville qui sera détruite ou alors non, simplement changée, tout changer pour que tout reste pareil, la liberté, revenir au début : les portes de prison, les attentes derrière les barreaux « pour quelques mots qu’il pensait si fort » et puis la mélancolie de l’océan ouvert à tous les vents, au loin parti le marin, tant aimé celui de Gibraltar, des hommes en uniformes aussi bien – la veille du quatorze, ou quelque chose – non plus, celle qui chantait pieds nus, celle qui buvait du gin ou du wisky, sa bouteille cachée dans un sac en papier beige, assise sur le bord du chemin sous l’ombre un peu détruite, cinquante ans peut-être, éviter passer outre, repenser encore à « L’amour est inutile: la lumière des étoiles, personne ne s’y chauffe ou ne l‘allume, et si nous les appelons, leur flamme bientôt au ciel déclinera » la clarinette basse, le rythme langoureux, l’amour et les baisers, les taillis les caresses les mots doux, au loin, vers le rond-point illusoire, dans la lumière du soleil qui s’en va, et puis les pleurs, renifler sans élégance « qu’est-ce que ça peut bien me foutre après tout ? » une robe dans les roses, sans doute l’avait-il laissée choir, peut-être s’en était-il allé avec une autre, quelque chose comme ça dans le dessin du rimmel qui avait un peu coulé, les lèvres rougies, par ici apprentie coiffeuse, fleuriste ou couturière, les métiers qui ne gagnent que la vie mais rien de plus mais digne, le dimanche après-midi on passe d’attirants atours, on se parfume un peu, on se maquille et on sort, une copine ou une connaissance, le frère de l’une ou de l’autre, on remonte l’avenue, le soleil décline et comme le coeur nous bat, on marche et bientôt au loin, doucement d’abord dans les basses, puis plus nettement à mesure qu’on s’en approche, la musique et « on n’oublie rien, de rien, on n’oublie rien du tout, on n’oublie rien de rien, on s’habitue c’est tout »
encore un lu avant de le découvrir sur le site (ai pas recommencé depuis que François Bon en a mis en ligne, parce qu »occupée, et puis ensuite dans mon 14 que vient d’envoyer, aimant pas, trop long et pas dans les clous et trop banal) et en plus ici il y a de vraies silhouettes !