Atelier d’hiver 17-18 §3
C’était à Hamilcar, le centre de Carthage…
Depuis longtemps, se retourner vers les années qui virent les débuts et les prémisses de cette vie-là, depuis longtemps recensés en une espèce de liste, toujours sur le bureau (le début, à une table de café un midi sur un carnet noir cadeau de noël de E. 2012), les souvenirs qui me reviennent, ils sont à présent une cinquantaine je pense, je n’ai pas compté, c’est peu, ce sont sept années, c’est peu et c’est beaucoup, il n’y a, dans les termes employés, aucun verbe (ou alors très peu, dans une parenthèse ou après quelque pronom relatif j’imagine – je ne sais plus la grammaire, ni les noms qu’on donnait, mais c’était plus tard, à l’analyse logique, cette chose qui ressemblait ensuite, ce fut plus tard encore, aux mathématiques et leurs fonctions, leurs ensembles), je me disais raconter ces histoires-là – deux copiées-collées : l’escalier et la rampe de marbre de la maison du belvédère (glisser dessus) ; au bout de la rue (du Mexique, du Belvédère) le parc les arbres la peur – et faire en sorte qu’elles aient quelque chose de commun, esprit style nécessité, vérité sincérité, quelque chose comme une image photographique, quelque chose enfin qui puisse ressembler à ce que c’était donc que cette enfance-là et de se souvenir de ces jours de cette lumière, plomb du soleil ou bleu blanc de la maison, à l’esprit était cette image-là, cette image – cette image-là
– et au début de l’année un appel téléphonique disait avoir retrouvé un tapuscrit, une histoire qui évoquait vaguement au loin, quelque chose comme un écho, puis on me dit s’être emparé de ce texte – « est-ce de moi ? je ne sais pas » me disait-il – pour en faire un autre, plus élaboré, différent parce que celui-là avait quelque chose de daté, ancien, révolu, suranné, vieux jeu, on m’en lut quelques lignes et j’entendis « fais-en ce que tu veux, de tes deux gosses, balance-les sous le tram si ça t’amuse, moi je n’en ai rien à faire » et ce sont ces mots qui me firent comprendre que le premier texte était mien, envoyé sans doute dans la fin des années 70, afin qu’on le lise, et qu’on m’en dise quelque chose – cette pratique, juste une illusion, à peine une sensation dit la chanson, chacun fait ce qu’il peut, mais c’est fini – « c’est moi qui l’ai écrit ce truc » dis-je, puis – nous étions au café, on écoute on rit on parle on répond on invente ou pas – « si tu trouves ce type une mèche blanche parce qu’il a serré tout ce qu’il a pu, je me souviens avoir écrit ça aussi, tu verras », il l’a trouvé, ce sont trois cents pages que je viens de finir de lire aujourd’hui, et aujourd’hui j’entreprends de faire cet exercice d’un paragraphe qui pourrait en durer cent, des pages, parce que entre ce moment-là, cette mèche blanche – Jean Gabin, la Bête Humaine, Jean Renoir et Simone Simon – et celui d’aujourd’hui est arrivé, sans doute par facebook, un signalement d’une résidence internationale de recherche et de création, de l’autre côté de la mer, et c’est là-bas que ça se passe, il y a un de ces souvenirs aussi bien, ces escaliers noirs qui conduisent au cabinet du médecin qui nous fait les piqûres vaccin anti polio, un oncle
de mon père, croisé dans la lecture du cahier 39-45
de l’employé aux écritures, cet oncle croisé par lui, mon père, à Mulhouse en 45, de recherches en retrouvailles, non qu’il ait été tant aimé, il faisait plutôt peur, mais c’est lui parce que c’est moi, et j’en ai décidé, conclu, de cette histoire-là, un petit souvenir qui jouxte quand même la réalité vivante de ce que je suis, et de mon père et du sien, de père, frère de cet oncle – la génération précédente de la précédente – celui-là est né en 98 du dix-neuvième, ça ne nous rajeunit pas – le jeunisme, cette plaie cultivée diffusée comme une gale par ce monde-là, ici maintenant, avec publicité sourires membres tatoués peaux soyeuses sport chic glamour à vomir : ses ordures – mais ça ne fait rien, j’ai conçu d’en faire quelque chose d’hybride, de composite, de métisse parce que, indissolublement, sans doute, comme l’éclaire sa notice dans le dictionnaire biographique-mouvement social-mouvement ouvrier (Maitron – si gentiment offerte, encore merci), il se pensait autant français que tunisien que juif, indissolublement, donc, ainsi qu’il en est de moi, et c’est, la peur à l’âme sans doute, que j’ai posté le questionnaire (« en 5 lignes votre projet » wtf ?), plus la notice du travail envisagé (de mi-août à mi-octobre ai-je laissé entendre), augmenté d’une photo de mon passeport et de ma date de naissance, adresse mail et autres composants indispensables à l’institution… Après ça, il n’y a plus qu’à attendre.
lu, et d’autres, aimé et presque tous appréciés
et paralysée suis, tellement sure de ne pas vouloir, ne pas oser, contrairement à l’adolescence, penser que peux « faire »
vous vous ouvrez si bellement (pourrait être une piste mais non ce serait vol, donc nul et forcément ni vraiment sincère ni à ce niveau
me vient de dire pourquoi ne peux pas..; demain peut-être
mais merci pour ceci
Si vous saviez comme, lu d’ici, on vous souhaite d’écrire l’autre côté de la mer, résidence ou pas, écrivez l’autre côté de la mer !