Carnet de voyage(s) #73
Rubrique(s) : Carnets de Pierre Cohen-Hadria / Carnets de voyage(s) / Ville (ma) vue du sol
23 novembre, 2014 2
Il y a dans le dernier jour comme ce qu’il y a eu dans le premier : le voyage (j’en ai tant usé, pour le travail mené durant tant d’années, qu’il me paraît -parfois- faux : mais seulement de loin : ici, c’est le temps qui s’en est allé, puisque deux mois se sont presque écoulés depuis cette merveille : les voyages à Gênes, ce sont (je me souviens du film « la bocca del lupo » (Pietro Marcello, 2010) qui se déroule pour part à Gênes), ces voyages, ce sont des étoiles dans un ciel parfois fait d’ombres et de nuits : ce ciel-là, c’est celui du quotidien, et nous n’aurons, jamais, de cesse que de tenter de faire que le quotidien devienne l’extraordinaire des jours de voyage, jamais ne cesserons de vouloir repartir, encore même s’il s’agit du faubourg, de la place de la République ou de la rue de la Roquette. Jamais.
Le matin, on ouvre la fenêtre
dans ces arbres vivent perroquets verts et autres volatiles qui dorment mais crient dans le crépuscule, on aperçoit le panache d’un avion, ce sera tout à l’heure, on voit le terminus de l’ascenseur d’où à la nuit on découvrait la ville, il n’est pas si tôt
les étoiles y étaient géométriques, sombres ombres nuits mais matins
tout fait sens dans un moment pareil, faire les sacs, les poser à l’accueil (d’une gentillesse…) et s’en aller en ville, où ? on ne sait, le train, qu’on prendrait vers une heure, pour un avion à quatre ou cinq à Turin, direction Paris Roissy (Charly Airport, tu sais), oui ça oui, mais ce matin aller où ? Vers l’est de la ville, là où l’autoroute surélevée côtoie la ville, la piazza Cavour
au vrai, il y avait là un grand soleil mais pas pour le robot, n’importe, on aperçoit au loin les gros bateaux qui vont cingler bientôt, on avance, ce sont de petites rues, on prend des repères pour la prochaine fois (des restaurants, des bars, des lieux, des endroits, des ambiances, des gens), on va acheter un gâteau en cadeau (le panettone génois – je ne me souviens plus comment ils le nomment, pandolce ou quelque chose du type – est une merveille, compacte mais une merveille), quelques biscuits, on se retrouve sur la place du théâtre : c’est le gros bâtiment blanc un peu à droite, face à nous qui sommes sous les arcades de la piazza Raffaelle de Ferrari, la fontaine aux eaux rouges
(j’ai pensé à ce sommet, là où des jeunes gens sont morts, antimondilaisation, 2001, non rien n’est jamais simple) l’entrée style bourse ou temple qu’on aperçoit au fond ouvre sur la galerie Guiseppe Mazzini un peu désaffectée), si on prend la rue de Rome un peu plus loin, on découvre Finolo, le faiseur de cravates connu dans le monde entier (mais connu de qui ? c’est tout le problème…), passer et découvrir un hall (béni par la Madone-lui envoyer, comme dans la chanson, des baisers)
l’heure est venue, marcher, croiser cette porte verte
le roi des animaux, flouté, tient en gueule un heurtoir
ne se laisse pas capturer, marcher encore, prendre les sacs aller à la gare Principe, attraper un bus, arriver au quai et attendre, manger un peu et peut-être une heure et demie plus tard, rallier Turin
tour de Babel construite à la vitesse du vent
passer sous un pont, attraper une publicité de bière
sortir de la gare éternellement en travaux, par l’ouest pour rejoindre l’autobus
chantier en ville, la gare, adieu Turin, se souvenir des couleurs
avec ces gens toujours à leurs portables scellés, attachés (lui joue, une autre tout à l’heure à Roissy téléphonera), tarmac bientôt, ceintures montres monnaies téléphones dans un bac, radiographie des sacs, bonjour, buon giorno, buona sera, comment ça va ? Turin, l’avion qu’on regardait il y a trois jours est là
on s’envolera, on passera les frontières, elles n’existeront plus, les gens liront la presse
il y aura des scandales financiers, des ex-premiers ministres traduits devant la justice pour fraude fiscale à moins que ce ne soit simplement des ministres, ou d’autres encore responsables de fonds monétaires, de fonds de pension, de fonds en tout cas, partir revenir que sont nos amis devenus, ce que permet le travail, le voyage
survoler les montagnes, la température extérieure est de ici le commandant ravi de vous accueillir, un verre d’eau, un biscuit, et puis la nuit tombera, à Paris il pleuvra, les yeux embrouillés sortir du hangar, un autobus encore
pas le point tant pis, fumer une cigarette, oui il pleut sur Paris, nous en sommes loin, encore Paris, un autre autobus, une autre personne au téléphone
nos fétiches, nos objets, avancer vers la capitale, Opéra dans trente cinq minutes
éclaircir els photos, debout et se tenir, bientôt, l’arrivée, passer sous le pont
back in Paris, Bienvenüe, Rochechouart et Rochereau, Duvernet et Poissonniers, et oui Babylone, il fait gris, il fait doux
et regarder le soir descendre sur une cour, remercier pour cette évasion (et le petit signe)
On ne baisse pas assez souvent les yeux vers le sol (non en signe de soumission).
La tour Torino, la pub bien saisie, et derrière la porte verte…
J’aimerais retourner à Turin car je n’ai pas vu le musée du cinéma.