Carnet de voyage(s) #71
Rubrique(s) : Carnets de Pierre Cohen-Hadria / Carnets de voyage(s) / Ville (ma) vue du sol
11 novembre, 2014 1
Revenant de ce petit voyage au golfe du Paradis (un vieil homme à la fenêtre, met au point, regarde son objectif, il porte un sac en bandoulière à l’épaule gauche, les vitres du bateau donnent des aperçus lointains contrastés de la côte ligurienne, à l’intérieur jour du bateau : presque personne)
riviera italienne, bordée par une Portofino inqualifiable et une Finale Ligure que je ne connais que de la carte (mais c’est tellement joli comme non, Finale Ligure)
(il s’est penché un peu à la fenêtre – il a mon âge probablement- il a regardé son cadre dans le petit viseur, déclenché sa photo) (ici la même mais vers l’avant, ce qui est important, c’est le bleu qui vire au noir, en bas bord cadre)
(d’ailleurs nous avons pris presque le même cliché) on s’approche du port, il y aura un porte-conteneurs chinois
(cet entassement contenu probablement choses aussitôt achetées, brisées -notre contemporain appelle ces fractures « obsolescence programmée » car ainsi lui-même n’y entrave que pouic- choses jetées sous produits de plastiques, jouets sans besoin appareils sans fins, usures électriques et déchets atomiques – à quand la grande panne ?- gâchis innommable croisant sur les mers des îles de déchets sur des bateaux qui, eux-mêmes, finiront en déchets inutilisables de l’autre côté du monde…), il y aura les teintes pastels du ciel et les tours au loin, sans doute des milliers de caisses en ferraille que livre l’énorme bateau (la Chine l’usine du monde on connaît cette chanson sans harmonie ni nuance et on aimerait en savoir un peu sur les façons dont y vivent les ouvriers, on se souviendrait de Germinal, des tandems de trente six, et des éructations abjectes du fils d’un président de conseil national), à l’ouest, le soleil s’en va
tout à l’heure la lanterne s’allumera (on la distingue ici, en presque milieu de cadre, à la gauche du bateau et des grues portiques) on passera devant un ferry allant en Tunisie, on entendra dire que les prix ici défient la concurrence de ceux pratiqués en France, dans l’eau vivront des poissons, on entendra
doucement l’eau glisser sur le babord (tribord à droite et babord à gauche : les deuxièmes lettres sont les mêmes dit la mnémotechnique) (elle glisse autant sur le tribord, certes, mais je suis à gauche), l’embarcation qui, à l’arrêt précédent de Bogliasco, a laissé descendre une centaine de randonneurs après avoir laissé à Camogli un homme infirme et malade, l’embarcation qui entre au port doucement, sans trop de vagues
il est cinq heures (des oiseaux volent et nagent sans s’apercevoir du passage du temps, on les distingue à peine), on s’en ira marchant doucement sous la passerelle Aldo Moro (une voie rapide dédiée aux autos qui roulent à six ou huit mètres du sol tout au long du bord de mer – 6,8 kilomètres- , une défiguration très années soixante dix -inaugurée en 1965- , Grand Embouteillage (Luigi Comencini, 1979 – adapté d’une nouvelle de Julio Cortazar) enfin tout le bazar : en italien, Sopraelevata Aldo Moro, élevée au dessus en mot à mot, une route qui traverse la ville sans aucune attention à ceux qui y vivent) on ira sas doute à nouveau (mais il commencera à faire nuit) chercher un ascenseur
piur admirer encore à nouveau, à la nuit l’étendue du port
et la lumière rapportée de la lune laissera ses augures sur ces voyages infinis
Les photos, avec les phrases qui les encadrent, peuvent être – comme ici – des conteneurs de rêves.