#26 Sur le bureau
Rubrique(s) : Carnets de Pierre Cohen-Hadria / Sur le bureau / Ville (ma) vue du sol
16 juin, 2014 3
Tirage au sort : j’ai du temps, un peu, je travaille, un peu, je fais ce que je dois, comme je crois qu’il le faut. Par exemple, je n’écris pas en « mp » sur facebook bien que je me sente sur une ligne où je risque le basculement dans le précipice… Trop peur d’anéantir l’espoir, peut-être. Je classe, donc, je trie et je choisis, puisqu’aujourd’hui, le jour de ce Bloom ( le livre qui conte sa journée est ici, en deux volumes Folio 771 et 772, « traduction d’Auguste Morel, revue par Valéry Larbaud, Stuart Gilbert et l’auteur ») j’ai trié donc (23 éléments sur les 2220), et voilà que commence la succession des images de cette ville, et par plusieurs fois, aussi, d’autre, une autre, que j’aime tant aussi, les gens, les places et les points de vue
on la voit du jardin de Belleville (la municipalité préfère pour ce lieu un pluriel), pixellisée, le ciel gris, comme ici il va aux mauves, sur le chantier de cette philharmonie inutile
à présent c’est un monstre, tout aussi inutile, des chantiers, des doublons, des nouveautés, Paris la ville qui bouge, mue se change et embellit
ici le salon de coiffure du faubourg, un moment, l’été, bientôt, il y avait cette flèche comme un paroxysme
il y avait aussi d’autres personnages, le parrain qui stationnait devant l’église, il y avait aussi d’autres personnes, capturées dans le métro
ici ce ne sont que des choses qui au vent flottent, c’était l’automne je me souviens, il y avait de la pluie et du vent, oui, les étoiles au ciel invisibles et l’espoir du retour du beau temps
un peu comme lors de l’épisode du volcan, un peu comme je me souviens de cet avion de la Malaisie qui a disparu, corps et âmes, périr en mer, non, le temps se trouve sur la Terre, on s’appuie, on discute, le temps, la casquette et la canne
les gens, il faudrait ne jamais les voir, ne jamais les connaître et tomber sur eux par hasard
regarder ailleurs, j’étais à la tour Montparnasse, était-ce l’année dernière je crois, ici le boulevard vert, c’est celui du Port Royal
j’avance au pas de cent, je ne tiens pas un compte précis, mais je m’y tiens, il y a là quelque chose alors le voilà
ici c’était au coin de la République et du boulevard, lequel abrite Maigret et a vu naître Desnos, je pense à toi, oui, qui va de la Bastille à la grisette, à la statue de Frédéric Lemaître, enfants et paradis
l’intérieur d’une boutique de la place Dauphine, là où vivaient Montand et Simone (le triporteur de « Z » ) et Charles Denner, et Jean-Louis Trintignant, une sorte de jeunesse, je lisais ce matin qu’au cimetière du Montparnasse repose Marcel Bozzuffi, et donc à Françoise Fabian faire un signe, je regardais les yeux des passants
sont- ce deux frères comme les précédents ? ils fument à la fenêtre (c’est rue Rambuteau en été, allions nous au cinéma ? sûrement), alors voilà ce matin, il ne reste qu’une semaine de printemps, et donc les jours bientôt vont raccourcir à nouveau, ce n’est pas que le temps en soit long, non
mais à force il nous use, la Terre tourne encore autour de cet astre, quatre milliards et demi d’années, qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ?
à chacun des automnes tomberont les feuilles, les arbres noirciront, le temps sera à l’eau et à l’humide, chaleur et incommodité, pieds gelés et mouillés, l’eau, la neige, je ne sais pas vraiment ici aujourd’hui, il fait une chaleur pénible
à la nuit, on va se promener sur l’île, les couleurs du soir, les lampes au sodium, cet orangé c’est donc la nuit
celle-ci a déjà été prise dans l’une des « todoliste » de Christine Jeanney, cet homme et cette vapeur, ce gilet et cette casquette, ce vert fluorescent à moins que ce ne soit un jaune, faire mentir les couleurs et nous voler les mots, je repense à ce discours d’un tribun, presque en pleurs
ah saudade, fado, la place du Commerce, qui donne sur les rives lentes du Tage, c’était en travaux, à droite cadre, presque là où on voit une lumière officie un libraire un peu fou, son étalage est là, lui s’assoit sur un tabouret, pliant, en veste adossé à une des colonne-arcade , cheveux coiffés, coudes aux genoux, il parle seul, ce matin, parfois il crie, j’ai posé Antonio Zambujo sur la platine (j’ai regardé son site, le voilà qui se produit au Brésil), ballon rond, continuer sans en entendre parler (la télévision est morte, je ne la regarde pas sur l’ordinateur, ce n’est pas que je n’aime pas, non, je préfère lire)
il y avait un livre (je crois que c’est « Paris ») de Milou Zola dont le héros projetait de faire sauter cette construction bâtie sur les morts et les suppliciés du fait de cet abject avocat historien homme d’Etat (oui, l’Etat peut s’enorgueillir de ce type de pedigree, oui) prénommé Adolphe, le monument est une basilique, point culminant de cette capitale
fermeture, potelets, faubourg, ne jamais rater une occasion c’est ce que me permet le téléphone de mes jours, la semaine dernière nous passions pour la vingt cinquième fois consécutive un mercredi où rallongeait le jour, je regardais au ciel passer les aéronefs
c’est entre la Chapelle et Barbès Rochechouart, le train qui file vers cette Albion perfide, jaunes les lumières du hall au fond de l’image, tu sais des gens se battent aujourd’hui, pour que ce que leur ont légué leurs aînés ne soit pas foulé aux pieds par ceux qui, à la bouche, aux lèvres et aux dents, n’ont que ce mot « marché », c’est ce que disent ces trains, aujourd’hui, là, devant cette gare
l’écharpe, l’alliance, les gens il faudrait ne les connaître que par ce qu’ils nous inspirent de sympathie, mais non, ils oeuvrent, et ils font, le temps passe, les cieux s’éclaircissent
ici il s’agit de ce qu’on voyait du bureau lorsqu’on voyait quelque chose du dehors, à présent les fenêtres n’ouvrent que sur un débarras presque hostile, peut-on mieux dire où est relégué le travail ? C’est dans l’ordre des choses, pourquoi écouter quelqu’un si c’est pour ne pas tenir compte de ce qu’il nous dira ? Inutile, mais ce n’est certes pas l’hypocrisie qui manque, un peu, à chaque carrefour, ici ou là, garder à l’oeil cette envie de surprise et cet étonnement curieux, garder au front la joie de vivre et le plaisir de revoir les amis, voilà tout, le monde n’en sera que meilleur, alors ici voici en un bouquet surexposé quelques roses pour vous
« philharmonie inutile » : j’ai été dans celle de Berlin et la prochaine sera magnifique (avec des tarifs acceptables), la musique n’est pas réductible à des bâtiments : chacun fait sa construction.
l’envie de surprise, ça me fait penser à ce passage de mary poppins (parfaite en tous points) lorsqu’elle fait s’échapper les chevaux de bois du manège (à chaque fois que je suis tombée sur l’extrait (avec l’enfant no1 puis l’enfant no2 puis l’enfant no3, y’a des choses qui se succèdent joliment même dans le vieillissement) c’est l’empreinte que laisse la tige du cheval dans le sol que je regarde, elle laisse un creux, puis rien, un creux, puis rien, et je trouve ça très beau, très juste, et puis le paysage de craies ouvert et disponible, qu’à dessiner un sentier et un pont et hop, forcément que ça donne envie)
et puis les gens, il faudrait les connaître par le coeur et par les fleurs reçues les fleurs données, l’offert, tout comme la vue offerte et la ville, c’est statique et ça tourbillone en même temps, le tour de force invraisemblable avec tes photos et tes mots comme une brassée de fleurs, c’est beau, merci Pierre
@cjeanney : merci à toi, Christine, et que durent tes origami (bon courage cartons…!)