Carnet de voyage(s) #61
Rubrique(s) : Carnets de Pierre Cohen-Hadria / Carnets de voyage(s) / Ville (ma) vue du sol
12 décembre, 2013 3On ne vivait pas tellement loin de l’avenue Diagonal (sans « e ») mais on allait ailleurs
vers l’est de la ville, la place d’Espagne (comme il en est une à Rome), ornée (si on ose dire) de deux tours en travaux, d’une arène qu’on voit ici à droite (accès par ascenseur, 1 euro, visite du toit des arènes, sans doute y tue-t-on des taureaux), et cette avenue Paral-Lel qui va avec la géométrie de l’endroit. Elle part de (ou aboutit à) cet immeuble
immense comme le ciel qui le surplombe, des nuages, de l’air doux.
On marche, l’avenue qui se prend à gauche s’appelle ensuite Mistral (on se souvient du train, du vent trois jours durant sur le rivage de la Croix-Valmer), j’ai marché, des boutiques un peu partout, sans voiture sur la Mistral, au bout de cette allée faite d’arbres et d’immeubles cossus, ce marché
San Antoni, je suppose, que je voulais aller voir, mais fermé pour travaux. Le beau temps. Beau temps, douceur de l’air (aujourd’hui, sur Paris, le froid, le gel, mais pas la pluie ni la neige). Marcher donc vers le marché, des poissons, des gens et des légumes : toutes les tailles tous les coloris, appareil en rideau, tant pis, marcher encore, un café et un croissant plus tard (deux euros), j’allai au musée d’art contemporain (dit MACBA), duquel je n’ai rien retenu, photos interdites ou pas, je ne sais pas, je n’ai rien vu qu’une architecture magnifique
surplombant une place charmante où jouent des jeunes gens planches à roulettes, des groupes de mômes assis qui écoutent
je n’ai pas pris de photos des oeuvres, il y avait pourtant une collection de cartes postales d’arcs de triomphe (ceux de l’étoile et du Carrousel de Paris, par exemple), il y en avait peut-être un millier, toutes disposées sur de petites corniches, je n’ai pas souvenir, sinon de ces baies
et de ces couloirs blancs
souvenir de Mondrian sans couleur
un tour à la plage, voilà la bonne idée, il suffit d’un métro
on l’attend, il y a là quelques lignes, un croisement, place de la Catalogne c’est peut-être une sorte de centre, le voilà qui file gris et orange on le voit à peine
les gens absents comme dans celui d’ici, pensent à autre chose, on embarque, on patiente, le bruit et la fureur, les contrôles, les portes, sortir, et marcher dans le vent, marcher, des restaurants devant lesquels des types font l’article, abordent le passant, quel métier et au loin, enfin de l’air
oui, c’est une ville à la plage, c’est son charme probablement, c’est ce que tu aimes, au loin la ville nouvelle et blanche
on peut toujours appuyer à gauche un palmier, faire des effets, la plage, les douches, je me souviens de celles de Latina il y a quarante ans, souvent je me demande ce que j’ai bien pu faire de tout ce temps et puis je pense à autre chose, il commence à être temps de penser à s’en aller, alors on repasse par les planches, on contourne Barceloneta, on y entre, on mange (menu à 10), on marche, on avance, on va rechercher les valises laissées dans un casier, puis retour vers la place
il va être l’heure, (s’appuyer à gauche sur un lampadaire, prendre la photo de côté, verticale, fil de couleur, ligne de nuages, horloge monumentale, jets d’eau invisibles), partir donc
mieux ou pire ? je ne sais pas, l’autobus est là, on monte, (5,9), on repasse devant les tours en travaux (la place d’Espagne, la place de Catalogne : les places de ces derniers mois, Tahir, Taksim, l’avenue de Tunis, la Libye – Fortunato y naquit-, le monde qui bouge, les usines qui défilent
le soir qui tombe, la banlieue
oui, bien sûr j’accentue, mais les jours sombres, les jours où la lumière s’en va si vite, ces jours-là qui défient l’année qui vient de s’écouler, un peu vers la droite
dans un jargon, on appelle ça des « transferts », on va de là à ici
je n’avais pas vu ce petit écran aux lignes vertes et jaunes qui doit renseigner le chauffeur sur quelque chose d’inutile, le soleil s’est caché, la nuit commence à prendre le pas sur la lumière, la journée s’est passée
au loin on trouvera la mer, les bateaux qui appareillent, ici se transforme en oubli, la nuit tombe, on fume devant l’aéroport, on se dirige vers les aéronefs, les pilotes, les hôtesses, les stewards tous à leurs places et dans leur rôle, il y a assis devant premier rang pour sortir plus vite un membre directoire du journal de référence qui paraît l’après-midi, sans doute jouit-il d’une préférence qu’il paye suffisamment cher pour le privilège qu’il obtient – évidemment la photo du paparazzo est ratée, mais on ne balance pas impunément non plus
voilà, une heure et demie plus tard, on se retrouve (aussi vite que ce type, là qui s’enfuit dans sa voiture de fonction, chemise bleu rayée de blanc, costume gris, cravate pochette sourcils profus et sourire crispé : « on m’a reconnu ? oui c’est bien moi oh je regarde ailleurs », aller faire des affaires, n’importe, ici
alors évidemment,; tout revient, bascule, on attend le bus, on attend le « transfert » comme ma mère attendait le « cadre » (la lecture du Notaire du Havre, à ce moment, les rues descendaient vers la Somme, le froid emplissait les poumons, comme ici, on monte (7,2), à nouveau dans la nuit
laisser l’aéroport (ne pas omettre ces bribes « le dimanche maman fait du rangement/ tandis que mon père à la télé/ regarde les sports religieusement/ et moi j’en profite pour m’en aller)
cent mille volts, oui, autoroute du sud, bientôt ce sera le lion de Denfert, la descente vers le centre, le fleuve, l’autobus, bientôt quelques heures ailleurs et le reste prend le relais, il fait froid, on relève son col, on rage un peu de revenir ici et vers la capitale filent les autos floues
et suivre émerveillée, rêver que ce soit accentué ou non
et puis je ne suis pas allée à la plage ni au MACBA d’ailleurs ni même sur la Mistral
D’un coup d’aile, de quelques déclenchements, la mémoire revient aussi en rafales…
(rafale, rafale, ça me dit quelque chose…) (Brésil ?) (Suède ?) (hummmm…) Merci de ton commentaire…!