Pendant le weekend

 

Les circonstances de la production de ce billet (on s’en fout un peu, c’est vrai) : je parlais d’Aldo Moro avec une amie, « je fais un truc sur lui tu sais qui c’est ? lui dis je – Non… » et donc il s’agit d’expliquer. J’ai relu (pour partie) les quelque cent quarante pages que compte aujourd’hui le projet, et je me suis aperçu d’une espèce d’angle mort : pour ceux et celles qui ne connaissent pas cette affaire, cette histoire, cette fiction (non, pas cette fiction, non) il s’agit d’un inconnu (on prévoit, comme pour une espèce de rire jaune mais cristallin et enfantin, une publication pour le cinquantenaire).

On pourrait alors intituler ce travail « Lettres d’un inconnu » et aller, par là, vers Max Ophüls et Stefan Sweig – on pourrait mais non. Il ne s’agit pas d’une histoire d’amour.

Sans relation (croyais-je), dans l’autre journal j’avais écrit à la date de samedi (ce n’était qu’avant-avant hier – j’ai déjeuné avec cette amie vendredi) :

à expliciter les deux films :
1. Mort à Rome de la série Assassinats politiques (télévision réalisation Michel Noll – années 90 je suppose – doku fiction (reconstitution de la geôle prison du peuple , recours à une 4l rouge etc.) assez informé sur la loge P2 (une trentaine de photo-télé-grammes))
2. Ils étaient les brigades rouges réalisation Mosco Levi Boucault (impek), quatre entretiens avec les guerilleros qui attaquèrent le « convoi » au matin du 16 mars 78 (une dizaine de photo-télé-grammes) – où on parle entre beaucoup d’autres choses de l’activité sexuelle des brigadistes (raison pour laquelle le réalisateur se fâchera avec Mario Moretti, le chef du « commando » qui ne voulait pas que cette mention libidinale soit abordée – au point de faire retirer son nom de la jacquette du dvd) (les trois autres intervenants : Valerio Morucci, Prospero Gallinaro (aujourd’hui décédé) et Raffaele Fiore y sont toujours.

 

Je commence donc ici une espèce de remise à jour des connaissances dont je dispose – et plus particulièrement à l’aide des quelques images. Elles ont déjà été posées sous une autre forme d’écriture, en maison[s]témoin sous l’intitulé Cuisine
Rapidement, un homme politique (Aldo Moro, 1916-1978) est enlevé par des guerrilleros d’extrême gauche (les Brigades rouges) le jour où va être signé un accord de gouvernement entre deux partis assez opposés : la Démocratie Chrétienne (à droite) – dont Aldo Moro est président – (ici son image (souriante)

et le parti communiste italien (plutôt à gauche) dont on voit ici Enrico Berlinguer (1922-1984), le secrétaire général

Cette union nommée « compromis historique » ne plaît pas du tout non seulement à la droite de la Démocratie Chrétienne (incarnée entre autres par Giulio Andreotti (1919-2013) qu’on voit ici monter à la tribune ce 16 Mars-là

bouleversé pourtant. Les États-Unis n’apprécient pas non plus du tout cette espèce d’alliance selon eux contre-nature – quelques années auparavant (en 1974 je crois bien), le secrétaire d’État de l’époque indiquait à Aldo Moro alors ministre des affaires étrangères de l’Italie qu’une telle éventualité risquerait de lui faire subir, à lui Aldo Moro, et à ceux qui le soutiendraient le même sort qu’à Salvador Allende en 1973 – on le voit ici à droite de l’image (Henry Kissinger, lequel comme Andreotti finira centenaire… : comme quoi, ça conserve) (1923-2023) avec Aldo Moro, à peine souriant

ce qui n’était, en somme, qu’une mise en garde normale (grossière donc) des US envers les pays de l’Otan. Aldo Moro eut peur. Décida presque d’arrêter la politique, alors. Mais y revint. Organisa le compromis historique donc, mais fut enlevé avant qu’il soit signé. Le jour même de cette signature.
Ce jour-là, Aldo Moro n’est pas mort, son escorte a été assassinée mais lui survit : un otage. Un otage à échanger; probablement.
Pourquoi cette alliance « contre nature » ? Pour gouverner le pays (garder le pouvoir, le conserver) et tenter de le faire échapper à la droite extrême incarnée par le MSI : les fascistes mussoliniens dont fait partie cette Georgia Meloni qu’on voit aujourd’hui au pouvoir (son parti (frères d’Italie) est une resucée du MSI  – peut-être à peine nettoyée des actes abjects de celui qu’on ne peut nommer que il bouffone). Cela ressemble à quelque chose, ici.

Deux entités secrètes alors au moins mènent un combat particulier dont le rapt exacerbe les visées : il s’agit de deux réseaux composés d’un nombre difficile à concevoir d’hommes (le plus souvent) assez déterminés et au pouvoir, plus ou moins. Plutôt plus, pour le premier, un peu moins pou le second. Quelques centaines, ou quelques milliers. Cette description-là est celle, pour une part, de la droite et de l’extrême droite en Italie, pour l’un; ailleurs en Europe, pour l’autre.

Deux groupes.

– une entité dite loge Propaganda Due (dite P2) façon loge maçonnique mais qui n’en est pas, n’en n’a ni l’obédience ni l’éthique et ni encore moins l’aval; elle compte un millier de personnages; clairement identifiés dans le film  1 Mort à Rome :
– le chef militaire des services secrets italien (Santo Vito);
– le même mais au civil (général Bassini),
– le chef de la police financière (Giudicce);
– un homme des services secrets militaire ((Peruzi)
assez secrète mais cependant connue plus tard, une liste d’un millier de noms fut aussi découverte (Berlusconi en était); en lien avec la banque Ambrosiano (dite du Vatican) dont le pédégé Roberto Calvi est de la loge P2 – le journal indique qu’on a repêché ce banquier dans la Tamise (il était, en vérité, pendu sous le pont Blackfriars) (s’est-il donné la mort ? probablement est-ce une question sans (trop de) réponse : encore que se donner la mort, pendu sous un pont, les poches et le falzar remplis de caillasses vous a un air d’assassinat mafieux assez soutenu); il indique aussi que le jeudi précédent sa secrétaire se serait, elle aussi, suicidée

– une entité dite Gladio (Glaive, ainsi que la courte arme blanche des romains) : partout en Europe, on ne sait trop combien d’agents dormants (se savent-ils seulement dormir ? ) recouvre cette appellation – disséminée dans tous les pays de l’organisation du traité de l’Atlantique nord, elle est censée faire pièce à tout ce qui pourrait se dérouler sous l’égide de l’union soviétique –

De tout ce déroulé, Moro ne pouvait pas ne pas être au courant : compromissions, concussions, compromis, « convergences paralèlles » et autres substituts : il ne fait pas de doute (pas le moindre doute) qu’il en a abreuvé son « juge » dans la prison du peuple (Mario Moretti) . Les liens entretenus par le pouvoir (tenu, depuis plus de trente ans, par le parti dont il est le président) avec la mafia sicilienne, les firmes de l’organisation du traité de l’Atlantique nord (Lookheed au hasard), pour sa partie droite et extrêmiste les attentats qui débutent dans la banque agricole sise piazza Fontana en 1969 et les autres (assez régulièrement restés impunis), il ne peut pas ne pas en être informé.

Ainsi donc écrit-il, de sa prison, des lettres à ses amis – à ceux qu’il croit encore être ses amis. Mais en politique, comme dans tous les organes où se jouent les pouvoirs, qu’ils soient symboliques, économiques, imaginaires et par là réels, l’amitié ne compte que peu.
Une bonne centaine de lettres. Certains jours aucune.
Mais l’homme est contourné : ses lettres ne peuvent pas « moralement » (dira son « ami » Andreotti) lui être attribuées. Il est sous le joug de terroristes qui le droguent. Il raconte n’importe quoi, il est comme fou, prêt à tout pour sauver sa vie (tiens donc…) : il n’est pas question de l’écouter – de le lire passerait encore, mais le comprendre et l’écouter : non.
Il

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1 Comment

    et certains (sourire – merci à eux, sincèrement) s’évertuent pour que le souvenir ne s’efface pas

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