Carnet de voyage(s) #137 Trieste 4
(la fin des jours s’estompe, ils s’allongent encore – c’est la fin du mois de mai – accompagné pour pratiquement un an – le mois prochain, on ira à Gênes – quand même le gouvernement de ce pays serait maudit (parfois, je me dis que je m’en souviendrais en me disant « c’était juste avant la guerre ») j’ai parfois de ce genre de pensée – mais c’est qu’il s’agit de ces jours où, il y a quatre-vingts ans, le convoi 67 parcourait les voies vers l’est, ils et elles (et les enfants, les enfants) étaient douze cent quatorze personnes (les enfants étaient 184) – des chiffres
– hier vers midi on lut les noms de ces gens-là (et il faudrait oublier – et il faudrait pardonner) (tandis que sur cette terre promise aujourd’hui s’exerce à nouveau cette horreur – et il faudrait rire et voyager et encourager ces idées en les promouvant en lois immondes) je préférerais ne pas – on s’en alla (dans les yeux et la mémoire, j’avais Puisque vous partez en voyage chanté par Georges et Mireille, qui disait aussi revenez dans notre cage/où je guette votre retour je me souviens de l’avoir vu chanter sur la scène du Paris, le Georges et sa moustache et son sourire aux mots grivois, sur la rue des Trois Cailloux – il y avait derrière lui la contrebasse et son servant, Pierre Nicolas, il y a de cela cinquante-cinq ans) on croit tout mélanger mais non – avançons, veux-tu ? C’était ici une petite gare en pleine ville
définitivement fermé dit-on, le tramway Trieste-Opicina (mais il y a velléité de rétablir, d’un peu plus haut, la ligne) – on a pris le bus dans l’épisode précédent – et puis le train nous emmenait
on laissait derrière soi cette baie magnifique
on reviendrait sûrement (ou pas) – une étape à Vicenza (Vicence)
son théâtre olympic – sans images dommage – ses jardins calmes (on dormait dans une chambre (cent euros quand même) qui donnait sur le fleuve dans l’appartement duplex d’une femme assez bourgeoise (comme la ville et son centre) – comment s’appelait-elle déjà ? Fioralisa oui – charmante – on dîna dans un restaurant extra (j’en ai conservé la carte
au coin de la rue qui part à droite de la place
on aurait pu y manger ceci
mais non, ça c’était pour Zouzou et C. (excusé, dormait encore) avec les daurades hier – je mélange tout, oui) – ne croie pas que je ne sois pas troublé – avant de partir, on acheta quelques provisions
frittura mista non, (39 euros le kilo quand même tu remarqueras) mais fromage et jambon, pains (pas donnés non plus, mais j’ai oublié, j’ai pardonné) – pour la route (comme disait Léo à Richard) arbres plus que centenaires
merveille de calme de charme et de douceur
adieu Vicenza – la plaine du Pô
j’aime le train pourtant
beaucoup – on parcourt vite le pays
on lit on rêve on parle on rit – on s’aime – on mange on parle et viennent les montagnes
un peu d’eau peut-être
et bientôt ce sera Paris
(mes soixante-dix ans fêtés – merci encore)
à nouveau
en spéciale dédicace à mon grand-père et à Willy qui lui aussi, dans le même convoi (que la paix sur leurs âmes demeure)
on préfèrerait ne pas oui
mais que j’aimerais voir Gênes, Vicenza, Trieste et pas si loin le Trévise où vivent des gens que j’aime
« Different Trains », comme l’a écrit en musique et l’a répété le grand et toujours vivant Steve Reich…
Peut-on être triste à Trieste ? 🙂
Grande émotion à te lire. Pour eux, elles… et pas seulement. Quelle poésie ce voyage à Trieste en petit sur mon téléphone il vibre grand. Aimer les trains toujours. Pourtant. Merci Piero.
@brigitte celerier : j’aimerais aussi que vous y alliez… Merci à vous, Brigitte
@Dominique Hasselmann : « Que c’est triste Trieste » ferait un tabac (par Aznavour, évidemment). Merci à toi
@Holt : Pourtant,oui. Merci à toi