atelier hiver 20-21_10
on en termine donc – un atelier aux dix consignes auxquelles je n’ai rien entravé (j’ai juste pris les mots qui me convenaient, j’ai écouté les podcasts, j’ai essayé de m’y retrouver) mais Chantal Akerman est (le lien est propre) dans mon palmarès ou mon Olympe, comment dire ? je l’ai tant aimée, peut-être (je m’étonne d’ailleurs qu’elle n’ait pas rencontré la Duras – attends je consulte l’index – non en effet – j’en suis à son cinéma qui n’en est pas un tout en étant puisque c’en est – enfin je me comprends) et donc cet atelier lui sera (à Chantal, pas à Marguerite) (encore que pourquoi pas Margot – qui dégrafe son corsage – après tout) ici dédié (image des Rendez-vous d’Anna (1978), Aurore Clément)
et elle à Beaubourg dans la petite salle du bas (on pourrait dire »ça c’est Paris »)
d’elle
Nous autres à l’orée de l’au-delà nous tombons, fin mars il y a bien des années on avait averti « elle est tombée cette nuit » elle marchait dans la nuit et elle s’est cognée, elle allait chercher un verre d’eau elle est tombée, on l’emmène chez le docteur elle s’appuie de ses deux mains sur sa canne, d’où tient-elle cet objet, elle attend sur le trottoir dans cette rue large comme une avenue, devant le jardin, elle attend dans son tailleur grège, ses chaussures à parements vert et rouge, elle attend et sourit, monte en voiture, on s’embrasse, et on attend pour la ramener vers le jardin où les fleurs commencent à s’ouvrir venir couleurs parfums elle s’est assise à l’avant, elle moque les quelques autos qui n’obtempèrent pas suffisamment vite aux injonctions des feux, des gros mots comme on disait dans l’enfance, à peine osait-on donner du « crétin » ou de l’« idiot », elle est assise, elle se lèvera puis quelques semaines plus tard, au téléphone on entendra encore une chute, encore une fois dans cette danse avant-coureur, elle se sera blessée, elle jurera, grondera puis elle ne parlera plus que par son regard, ce sera septembre, l’été aura passé, la plage qu’elle avait aimée loin du cœur et des yeux, au centre de cette ville, juste devant le jardin, non, c’est un quartier qui n’est pas vivable, le marché il faut aller à Bastille mais c’est direct, elle disait {« c’est formidable tu le connais ? »} en en parlant, elle riait souvent, s’énervait aussi, criait parfois, hurlait et s’effondrait en pleurs très rarement mais elle avait dans les yeux ces gestes loin et profondément ces gestes elle riait et jurait, invectivait et maudissait jetait sur l’écran sa pantoufle, laissait tomber sur un homme politique un {« et dire qu’il y en a une qui est folle de lui… »} clopait comme un sapeur ses gitane riait encore et voulait faire une partie de cartes, et puis non non elle ne lisait rien ne voulait rien savoir, de l’actualité elle s’en foutait, elle riait avec ses amies gin-rami ou poker, dans ses jeunes années elle avait appris le bridge qu’elle qualifiait durement, d’une autre classe distinction lieu du monde, ah le poker oui, alors là voilà bien un jeu, elle chantait aussi parfois, et dansait au son d’une musique qu’elle aimait, Brésil Portugal Italie elle rappelait ses amours de jeunesse, ses Errol Flynn ou ses Stewart Granger, marchait dans le salon, toujours à faire quelque chose dire rire appeler sa mère ou sa sœur, riait encore disait comme son mari {« tout ça ne vaut pas la musique arabe »} puis elle les maudissait (mais pas lui) tous tant qu’ils sont, allait boire un verre avec son frère vers six heures Intercontinental – jamais d’alcool non, la migraine tu sais – ou Harry’s bar elle dansait encore sur cette musique – de l’eau, qu’est-ce que tu crois ? on raconte des blagues, c’est tout, lui est parti par Neuilly, il avait de ce genre de coquetterie, quelque chose de la classe à laquelle il appartenait, en riant lui aussi, et puis vers trois heures trente un samedi de septembre ça a été fini
beau votre texte… et je l’aime à travers vous et ses jurons cette femme et sa danse en chutes