Pendant le weekend

Atelier hiver 20-21_5

 

coin aigu saint-Dominique/Saint-Germain

 

Il n’y a pas de couleur, il n’y a que des lumières – celles des habits, celle de la peau, celle des yeux, le tissu les vêtements le twin-set (tous les ans, chez Harrods, deux ou trois jours durant les soldes – puis plus tard l’aller-retour dans la journée « c’est formidable ! » disait ma mère – cette manière de (se) dire « on va renouveler la garde-robe » comme si on en avait une… – ça c’était plus Baloo le fils de Y. avec ses cachemires pastels chemises roses mocassins à glands) (ton sur ton) ou la veste, cintrée ou à martingale comme dans le temps, Clark Gable ou ce genre de type, cette posture, il y avait au coin Saint-Dominique, un angle aigu du boulevard, la vitrine faisait une espèce de demi-cercle, une officine intitulée « vêtements pour pays chauds » (ou comptoir qui se dit emporio en italien) on y voyait parfois un casque coloniale dans les blancs cassés, une veste très pochue qu’on appelait saharienne – c’est fini, perdu, c’est fini, de nos jours, perdu c’est fini – c’est devenu une enseigne pour vêtements d’enfants, les temps changent – un autre magasin s’intitule « Comptoir du désert » c’est le même esprit, sable mais légèrement plus foncé, pas celui, noir, des abords des volcans, non, Tenerife ou Santorin, non, le lin, et sans doute aussi la soie, le tissu pâle laissant le vent ourdir mais le soleil moins, cette façon de porter des habits un peu froissés, la jolie couleur du lin dans les champs fleuris si peu de temps ce printemps qu’on n’en prît pas de photo – mais il ne s’agit pas non plus de ce bleu, il ne s’agit pas d’une couleur particulière mais d’une teinte, d’un ton, d’une nuance dans l’appréciation du sable – celui dont on fait des verres et des vitres, on voit on estime, est-ce que ça va au teint, assortir à la couleur des yeux (« tu ne me trompes pas, vas, avec ton cinéma ») est-ce que ça se porte avec des tongs (il y avait dans le quartier ce groupe de jeunes gens qui avait pris pour nom « Ta mère en tongs » tu te rappelles ? Théâtre spectacle vivant comme ils disent comme si les autres étaient morts…) c’est un peu désassorti il se peut que ça jure des sandales en cuir peut-être quelque chose de souple et d’ample vient avec, une taille au dessus peut-être, ça appelle quelque chose comme le luxe, les Bermudes Antilles (Hawaï non), les îles sous le vent – ça n’a rien de criard ou d’éhonté, de volubile, de choquant, ça disparaît un peu dans le nombre, dans la foule des avenues qui bordent les plages, {longomare} promenade ça transporte (ou charrie peut-être plus) une image de bien-être (ça sue : justement non, pas d’humeur, et si quelque chose vient, ce sera une fragrance) un atout un charme – probablement aussi quelque chose qui connote la différence d’avec le noir (celui de la peau des esclaves, des diminués, des dominés – probablement aussi quelque chose de l’ordre du masculin ou des personnes âgées et sages, sagement comme le pays qui se tient dans cette position, là aujourd’hui, avec ses couvre-feux, ses maxs, ses gels, ses incarcérations obligatoires, la première, la seconde, combien encore en subir, combien encore obéir ? Le président de la République d’alors cet oncle de fantasme – c’était un homme malade dès le début de son premier mandat, mais qu’est-ce que ça peut faire ? – portait cette couleur dans ses costumes, il me semble me souvenir que du haut de sa terrasse de l’hôtel où il a appris, le brave homme, qu’il était élu, magistrature suprême tu parles, il en portait un de ce ton : il me semble que ça jurait…), sûrement aussi quelque chose de l’ordre des choses sans innocence, sans violence, un ton calme, serein peut-être en tout cas assis, sûr, aisé, sans défauts mais dont les qualités se cachent, se taisent, ça n’a rien de véhément ou de revendicatif, c’est juste là au soleil sûrement d’abord, chercher ce sable et l’irruption de Curd Jürgens (le vieux beau de Vadim – quelque chose de Michel Strogoff – il portait aussi des vêtements de ce calibre) dans cet autre film (marquant, de la jeunesse, la télévision dans le salon, mais la chaleur les dunes le soleil, et le sable) « œil pour œil » et vient alors assez immédiatement plus loin plus tard quelque chose qui se souvient aussi du consensus, du conforme et du normal, d’une certaine mode, d’un certain type de contexte, les vacances sans qu’il y ait jamais de travail, qu’il n’en soit jamais question, quelque chose du superflu et de l’inutile, luxe pompe faste éclat – ça va avec tout – en tout cas ça a l’air d’aller avec l’apparat, le costume, le déguisement et l’illusion, l’homme est là, debout devant ce petit banc bleu, sur le quai de la gare, chapeau et lunettes de soleil, son sac est posé là, il attend, on le reconnaît bien sur l’image, il porte son costume un peu froissé, une chemise dans les blancs cassés, il ne semble pas spécialement nerveux ou inquiet, il attend simplement, sans trop bouger et il se peut que d’au loin lui parviennent amoindris par la touffeur de l’air et cette chaleur insupportable de poussière, les cris et les hurlements des roues sur les rails

(il fallait ne pas citer la couleur, dès le départ on ne parle que de la lumière, il aurait fallu aussi peut-être développer sur Rommel (« le renard du désert » peut-être mais défait – et en repasser par la case Bir Hakeim El Alamein et autres « Week end à Zuydcoote » ou « Taxi pour Tobrouk », Dunkerque Tamanrasset l’Atlantique l’Oural, tout ça) parce que c’est une suite de stéréotypes qui s’attachent à cette teinte, couleur lumière sentiment – classique et de bon ton – le ton c’est ça – le bon ton et le bien-être – j’ai cherché un moment des synonymes de « promenade » comme le lieu où, passegiatta c’est ça, le mail aussi bien, les jardins, mais même le blanc ne convient pas (la couleur ou le ton du veston du professeur qui joue aux cartes avec Raimu) on l’a cassé quelques fois et c’est la couleur du casque coloniale – deux adjectifs qui s’entendent de la même manière – il y a là sans doute aussi la connotation de tintin quelque part, en gros et en fait l’enfance mêlée à cette conviction qu’on peut s’en servir pour écrire une histoire qui s’en souvienne un peu, de cette enfance – mais je n’ai toujours pas trouvé ni la gare ni la ville de l’action – quelque chose aussi du vêtement plutôt que d’autres choses, le choix de cette lumière peut-être, plutôt du soleil, plutôt l’été (c’est un effet de l’aujourd’hui) (sûrement) mais surtout sortir du froid, du vent et de la glace) (en tout cas j’ai la conscience que les deux sont vêtus de la même manière, c’est déjà quelque chose – c’est pour ça aussi Rommel)

coin Roquette/Keller (bord cadre gauche théâtre de la Bastille)

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2 Comments

    que j’aime (les mots de la mère, ceux de la mienne et de ma grand-mère mais pour celle-ci c’étaient les manteaux à cols de velours et abeilles brodées, et les robes à smock de Henry Alphen – ou quelque chose de ce genre – rue de la Chaussée d’Antin) et plaisir de voir que le Comptoir du désert existe toujours au moins à cette adresse (rue de la Roquette je n’en suis pas certaine)
    ai pu lire – viens juste d’envoyer mon #5 un peu triché, couleur citée mais en adjectif

  • @brigetoun : le comptoir du désert oui, rue de la Roquette – en spéciale dédicace à vous, bien sûr (et aussi à Mathilde qui vit juste à côté – ou vivait je ne sais…)