Pendant le weekend

été atelier comme un roman – 5

 

 

Pour la 5

cinq heures

À vrai dire je n’en ai pas besoin – c’est un objet, mais c’est une torture, une tuerie, une horreur : peut-être est-ce le pire du monde, on en a tous un toutes aussi bien – c’est fixé sur le travail, l’obligation, la subordination, la politesse des rois comme on disait – celui de mon amie est cubique et blanc, avec deux regards plus le fameux accessoire, sur le dessus – c’est l’accessoire qu’on aime, d’ailleurs, autant qu’on agonit l’objet en lui-même : le bouton-poussoir, souvent positionné sur le dessus de l’outil – c’est un peu notre condition, à tel point qu’on en a mis un dans nos machines, un peu partout, parfois (je me souviens) il était intégré à la montre – je crois que dans un film, peut-être pas James Bond (ce serait un peu trop vulgaire sans doute, mais peut-être quand même) ou alors un autre de ce genre, la montre-bracelet du héros était munie d’un petit ergot en or, hein, rétractable, lui-même doté d’une demi-lune acérée qui piquait le poignet alternativement d’un côté puis de l’autre – pourtant le mot en lui-même n’est pas désagréable, enfin pas vraiment il y a le rêve, l’éveil et peut-être bien la veille – il y a des gens qui aiment tant la convention qui vont vous dire « moi je suis du matin », ce genre de phrase un peu toute faite pour expliquer qu’ils aiment à se lever, se réveiller, sortir de la chaleur du lit pour se mettre « en route », mais je les soupçonne de se mentir à eux-mêmes : on n’aime pas se réveiller, je ne crois pas, en tous cas moi je n’aime pas ça – ne pas le faire, on sait aussi ce que ça veut dire – mais il est vrai que je n’en possède pas, sinon dans mon téléphone qui a de multiples usages comme on sait (mais il ne fait pas encore couteau-suisse – d’ailleurs il me semble bien que ce sont ces voisins-là, neutres mon œil, qui en ont fait un de leurs chevaux de bataille (comment dit-on chevaux-légers, quelque chose ? j’aime bien l’expression, probablement du vocabulaire militaire, mais on y reviendra), ils ont aussi le chocolat tu me diras puisqu’on en est là – supplantés par les Japonais (qui sont plus ou moins passés maîtres aussi des ninos intelligents, ça ne peut pas être fortuit) (« nino » c’est l’abréviation de téléfonino chez les Italiens) – les lieux communs, j’aime assez : il est quatre heures cinq et j’écris le cinq – quelque chose avec le temps – il faudrait ne pas trop digresser, j’ai posé Moondog sur la platine – je fais mes exercices, je me souviens que la torture était précédée, avant, dans le temps (c’est le cas de le dire), d’un autre obligé : il fallait le « remonter » – l’avait-on descendu ? – il avait alors dans le dos deux ou trois (comment ça s’appelle, ce genre de bidule?) manettes dont l’une servait à tendre retendre le mécanisme, un ressort qu’on pliait pour que fonctionne le bruit : le bruit, c’est sa force à cet instrument – saloperie – une autre de ces manettes, remontoirs sans doute, servait à donner l’énergie nécessaire au fonctionnement de l’objet en lui-même et il arrivait qu’on oublie l’un ou l’autre, ou qu’on n’enclenche pas le mécanisme qui agissait sur la sonnerie (la sonnerie, son bruit son effet) et de ce fait, il ne fonctionnait pas (et se faisait alors traiter comme du poisson pourri : il n’y était pour rien, cependant – les objets n’y sont jamais pour rien, il faut le reconnaître – encore que, mais le ton n’y est pas, on a le droit de s’amuser aussi) – on pourrait, s’il le fallait, parler de ce qui se passe dans les institutions comme l’armée (les militaires adorent ce truc) (les religieux aussi, si tu vas par là), les hôpitaux, psychiatriques par exemple, tous les matins, est-ce à six ou plus tôt qu’on embauche ? – l’heure du boulanger disait une des auteures d’ici – je ne connaissais pas l’expression, mais oui, le boulanger, de combien en dispose-t-il ? Parce qu’il y a certains (ou certaines, soyons juste) congénères qui en utilisent plusieurs, ils se connaissent (ou elles) et savent qu’une seule occurrence est insuffisante, ils entendent bien la première plainte mais l’oblitèrent (il arrive qu’ils se couvrent les oreilles, qu’ils se retournent après avoir flanqué un coup de poing au malheureux bouton-poussoir et râlent un peu), le second prendra le relais dans cinq minutes (ils l’auront posé dans un lieu inatteignable de la chambre) – il se trouve dans la pièce intime de notre intérieur – ils pourront aussi bien le laisser s’essouffler (les modernes ne s’essoufflent pas, les chiens) et c’est alors qu’ils seront en retard – il y a une légende qui dit que le grand (pas le petit, non, lui a perdu la guerre je crois – je ne sais pas comment a fini ce petit-là) non, le grand non pas par la taille d’ailleurs il me semble bien (c’est Raymond Pellegrin qui l’incarne à l’écran comme on dit) n’en avait pas besoin, qu’il était debout avant le clairon (il y a chez les militaires cet instrument, dans lequel souffle un conscrit mais qui réveille le conscrit ???) – Napoléon – il y a ce tableau qui me fait penser aussi à ce truc, il se nomme « Le rêve », un Edouard Detaille – je poserai l’image en commentaire, t’inquiète – c’est la guerre, avant la bataille : car il faut bien dormir, même avant une bataille – nous autres, ici, avons ce travers : il nous faut dormir, sinon on meurt – et le réveil obligatoire, à heure fixe ou fixée d’avance a quelque chose de la torture : dans la panoplie des ordures de la Pide (cette police ordurière de cette pourriture de Salazar) il y avait le fait d’empêcher de dormir le supplicié : s’il n’en mourait pas, il devenait fou – il y a sûrement, dans « L’écriture ou la vie » dans « Si c’est un homme » ou dans « L’espèce humaine » quelque chose sur le réveil dans les camps de la mort : une torture orchestrée par des sadiques – il y a cette scène dans Full Metal Jacket où le sergent instructeur rentre dans la chambrée réveiller la soldatesque marine – ça m’étonnerait qu’on en fait une chanson, mais si sûrement (Boby Lapointe, oui, voilà) – j’aurais dû aller regarder un peu ce que propose cette saloperie de moteur de recherche à ce sujet, ça en aurait jeté un petit peu : mais justement, non – Altavista souviens-toi – des choses auxquelles on ne pense pas, après Moondog j’ai mis les variations G par GG mais quand on tourne en rond, c’est que c’est fini – peut-être y reviendrais-je, qui peut savoir ? Parce que parfois il y avait la radio aussi qui se déclenchait à l’heure pré-dite, il y avait aussi des réveils à sonnerie multiples (celui cubique, là sur la table de nuit est de cet acabit) – à cinq heures j’arrête – comme la marquise

 

 

Comme c’est un exercice, disons, je galège un peu – trop sûrement : ça se fait dans un roman ? Sûrement aussi – c’est le ton qui est différent comme le style et l’exercice – mais j’ai pensé à Queneau fatalement, à Boris Vian je ne sais pourquoi – et puis je suis allé me recoucher (codicille en spéciale dédicace à l’amie des Taillandiers)

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