été 2020 atelier comme un roman 7
atelier d’été 2020 numéro 7 (voir aussi ici) : vaguement le sentiment de redite; probablement une façon d’adapter la consigne qui semble un peu mécanique – après, les choses changent; on verra, il arrive que je pense aussi à Lino Ventura dans le rôle (ici mais pas avant) (un film où il joue ce rôle de « justicier » quelque chose, le Vautour, le Fauve (est lâché, certes) (Maurice Labro, 1959) ou le Rapace (c’est ça, pas à son meilleur, ça ne fait pas de doute) (José Giovannni (ah oui, c’est pour ça), 1968); on verra pour la distribution – s’il y en a une – autant trouver des acteurs vivants (Albert Finney (bien) ? (ah non, il n’est plus parmi nous) (Samedi soir dimanche matin, cette merveille (Karel Reisz, 1960)) Anthony Hopkins (oui, lui) ? (à l’image) (ici il sera doublé – il est de 37 quand même hein…) (Le silence des agneaux…) – tu vois bien qu’il est en beige hein…
(dans l’autre distribution, on aurait dû penser à Daniel Day Lewis – voilà,c’est fait (sauf qu’il a fait ses adieux à l’écran la scène et tout ce qui s’ensuit) ) – et peut-être bien aussi, ici, ou là, à Jacques Gamblin) (on continue à marcher sur deux jambes – on verra)
C’est par l’arrière de l’hôtel qu’il a dû sortir, il ne peut pas en être autrement. Cette nuit-là. Il sortit par l’arrière de l’hôtel, la veste beige, le chapeau, et dans la poche intérieure des enveloppes, des papiers, il se dirige vers la place, c’est lundi, vers trois heures et demie, ça ne fait pas trois heures qu’il est là, je le suis qui prend le boulevard et il se retourne et ne me voit pas, il regarde dans les yeux un homme qui fume sur le pas de la porte de son magasin de bijoux. Sur la droite du boulevard, les arcades comme à Rivoli. Le croiser sous les arcades ne change rien, il entre dans une banque, prendre en photo son entrée, le surveiller et le suivre, il reparaît dix minutes plus tard, il a mis ses lunettes de soleil, il marche jusqu’à son hôtel, on le reconnaît à peine sur les images, si c’est bien lui – les heures ne correspondent pas, on regarde et c’est bien lui, une demi-heure plus tôt, qui rentre, le hall et les tapis rouge foncé, c’est bien lui mais les heures ne correspondent pas – il lit un journal dans le salon mais ne boit rien, ne fume pas ; c’est la fin de l’après midi quand il regagne sa chambre, on distingue parfaitement son ombre dans l’axe du couloir, troisième étage, tapis consoles fleurs fauteuils – on le suit, il referme la porte derrière lui sans qu’on sache très bien s’il est seul ou accompagné, on attend : pas un bruit, pas de radio, pas de téléphone, rien – plus tard, il ressortira, à la nuit, on perdra sa trace, mais il est là, dans cette chambre particulière et précisément, pas d’appel téléphonique, juste sa présence : on l’entend respirer, il ouvre la fenêtre à un moment, il la referme, il soupire il s’allonge sur le lit, il se peut qu’il s’assoupisse, rien d’autre– on a découvert la maladie d’un secrétaire général du parti en analysant, de l’étage d’en dessous de sa chambre d’hôtel, la composition de son urine – ici, rien, on ne sait rien, c’est comme s’il n’avait pas été là, comme si de rien n’avait été fait : aucune empreinte, aucun papier, rien – on perd sa trace, et on ne la retrouve que le lendemain matin lorsque le concierge le salua, et qu’il lui rendit un petit sourire – pour régler sa note, il sort une carte bancaire, il ne fait pas très attention, ne prend pas le reçu ne prend pas la facture qu’on lui tend, au bout de son bras le sac qu’on lui a vu porter en rentrant hier, vers midi, son pantalon de lin est un peu froissé comme sa chemise – il porte son chapeau sur la tête et ses lunettes de soleil, il marche et descend l’avenue, tout comme hier – c’est par l’arrière qu’il sortît cette nuit, sûrement, je n’ai pas réussi à savoir quand ni comment – il porte du noir, on ne le reconnaît pas, ou alors par les toits, une espèce de rat d’hôtel, il ne porte pas de masque mais tout de noir il marche sans se retourner, un peu une ombre, main dans la poche de sa veste, l’autre libre, sans épaisseur il marche vite (peut-être une cagoule, sûrement un bonnet) il est difficile à suivre, il se dirige vers les faubourgs, (c’est une capuche serrée) croise la gare d’autobus et le marché couvert, rien d’autre ne bouge et on ne le remarque pas, il se colle contre une porte, attend, guette, attend encore puis comme il n’est pas suivi, il entre dans un immeuble, pour en sortir par une rue adjacente – il n’est pas quatre heures du matin, la pluie ne va pas tarder, un léger souffle de vent presque froid, il ne fait aucun bruit – une petite maison dans les bleus fait un coin dans une petite rue du faubourg – on n’entend pas un chien, un peu à peine le vent, il entre par l’arrière de la maison, une terrasse en bois, vieux mais qui ne grince pas, un fauteuil en osier, une petite table où on a laissé un verre d’eau vide – à peine trois minutes sont nécessaires avant qu’il ne ressorte par le même chemin il s’en va – pas un bruit, pas une lumière, rien – le verre vide sur la table, la pluie ne commence pas encore, le vent ne faiblit pas – il marche dans la rue, emprunte un autre chemin pour regagner l’hôtel, il marche vite, sans se retourner comme s’il connaissait par cœur le chemin, il ne croise personne, il se glisse dans les ombres des immeubles, remonte l’avenue dans les coins obscurs des arcades, tous les commerces sont fermés, chien ou loup personne rien pas un bruit, quelques gouttes seulement il remonte l’avenue et croise la porte qui ressemble à celle de Saint-Denis, prend à droite, les lampadaires ne discernent pas son ombre, il passe sous les acacias, la petite impasse à gauche où aboutit une des entrées des services de l’hôtel – la pluie tombe et tombe et tombe encore – sans tonnerre sans éclair un rideau d’eau – le train est à dix heures et demi et il descendit l’avenue, sous les arcades – il y a là un chauffeur de taxi qui lui propose une course, il lui sourit fait non de la tête, il porte ses lunettes de soleil et son chapeau de fausse paille, dans les beiges, dans les jaunes, un épais ruban le borde – grège brillant en soie – ou une imitation adroite – il porte son sac au bout du bras droit, ce n’est pas qu’il flâne non, il ne se dépêche pas non plus, mais il marche d’un bon pas, assuré, sans s’arrêter ou regarder les vitrines ou les gens qu’il croise, il marche et descend l’avenue vers la gare, un vendeur de jouets en plastique tente de l’aborder –il vend des singes qui jouent du tambour, des voitures de police qui clignotent, des chiens qui jappent en remuant la queue – il ne sourit pas, fait non de la tête mais ne s’arrête pas, continue sa marche, décidé, le sac ne semble pas bien lourd, quelques vêtements noirs, une paire d’espadrilles un journal peut-être, tout au plus un bonnet, même pas – un vendeur de jus d’orange l’interpelle, il continue de marcher – on entend une musique qui sort d’un transistor sous l’étal, rythmée chaleureuse sympathique – bientôt c’est la gare, le hall qui n’est pas désert, il ne prend pas de billet et va vers les quais, sur un banc deux amoureux s’embrassent et se promettent toute la vie, il se dirige vers l’ombre de la marquise du restaurant dans lequel il n’entrera pas, il pose son sac sur un banc libre – il se tient debout, auprès, attend, sur le quai d’en face, deux femmes sont assises et discutent à mots couverts comme si elles ourdissaient une révolution de la plus extrême importance, elles portent toutes les deux, deux sœurs peut-être, ou plus sûrement deux belles-sœurs, qui portent toutes les deux le même type de tissu, léger, fleuri, l’une dans les mauves, l’autre dans les verts, fond noir pour l’une, marron pour l’autre, les fleurs d’un même ton, jaune d’or quelque chose, des aubergines, des courgettes et des poivrons dépassent des sacs à leurs pieds – le mardi il y a marché – le type est debout, adossé au mur dans l’ombre de la marquise, il attend, son sac posé sur le banc qu’on a peint en bleu clair comme les grilles qui bordent les voies de chemin de fer jusqu’au tunnel, au loin – on annonce le train avec un retard de dix minutes – à l’ombre il fait meilleur, un courant d’air flotte juste là – le type a l’air calme, tranquille, reposé – il bout – il y a là le chef de gare avec son signal, un drapeau rouge dont il retient le tissu, il est en chemise casquette insigne et sue, passe devant lui sans le voir, le type ne bouge pas, ses lunettes sont de soleil, son chapeau est beige, le ruban y brille un peu – le chef de gare a aperçu au bout du quai un type en capuche assis sur le dossier d’un banc, les pieds sur l’assise, il va lui faire remarquer que c’est fait pour s’asseoir, le type fume et rigole puis descend de ce qu’il avait pris pour un siège tout le monde peu se tromper hein, il rit, le chef de gare ne rit pas, le train entre dans sa gare – on annonce les destinations, les correspondances, le train hurle en entrant en gare sous la ramure de ferraille, c’est une machine à vapeur qui doit dater d’avant guerre, le train hurle, ça pue un peu le chaud le souffle la vapeur, les fumées bruissent, les roues crissent et s’immobilisent : si on regardait du côté du type on verrait qu’il a disparu – « trois minutes d’arrêt, vente ambulante sur le quai » dit le haut-parleur mais il n’y a personne qui vende quoi que ce soit, le train souffle et souffle encore, puis siffle, une fois, deux fois – c’est au tour du chef de gare, il agite son drapeau rouge – dans la locomotive, le chauffeur lui fait un signe, on le lui rend, on siffle, le train va repartir, fumées blanches sifflets hoquets fumées sifflets en refermant la porte du dernier wagon, le contrôleur fait un signe à un type qui nettoie les ordures, à l’autre bout du quai – une porte va se fermer, un retardataire court, une femme agite la main, puis se retourne – le train s’en va, vers le tunnel – sur le quai ne reste plus personne – sur le quai d’en face, les deux belles-sœurs assemblent encore quelque chose mots tus et couverts secrets interprétations sournoises plans de comète mensonges ou contrevérités affections désespoirs – le type à la capuche a fumé son mégot et d’une pichenette le balance sur les voies, devant lui : on ne sait pas s’il attend quelque chose ou s’il est là par simple désœuvrement – on attend la venue d’un prochain train, celui qui les emportera tous vers midi – direction le grand est, quai numéro deux – le train a disparu dans le tunnel, il fait quarante, la journée ne fait que commencer
{je ne voulais pas faire ça, mais c’est venu – j’ai l’impression d’être un peu comme à chaque fois à côté de la plaque – par exemple j’aurais préféré ne pas faire l’ellipse de l’exécution (elle ne dure pas trois minutes) mais je n’ai pas réussi à (me) résoudre : le problème n’est pourtant pas compliqué, mais non – on n’en sait pas beaucoup plus (moi-même je dois dire que je ne sais pas exactement : j’ai quand même une vague idée, je suis allé voir la gare de Montevidéo, celle de Mar del Plata, parce que c’est plutôt en Amérique du Sud que se déroule cette affaire-là (j’en sais quelque chose quand même) mais je n’ai rien trouvé – j’ai trouvé le décor propice à Oulan-Bator et dans sa gare (je pose la photo en commentaire : celle de cette femme seule dans un hall marbré de colonnes, elle me dit quelque chose – j’ai continué à regarder (c’est sur le blog), mais ici il fait chaud, on sait que là-bas c’est plutôt moins vingt/trente cependant) – je n’ai pas non plus exploité le fait qu’il assassine son jumeau ou lui-même – je verrai bien le gros Jules Maigret se pointer là-dedans mais c’est pour l’ordinaire; c’est fait de points épars, sans vouloir commander quelque chose, le départ par l’arrière est venu du fait que, lorsque je faisais des enquêtes dites poubelles dans les arrondissements un deux trois quatre à Paris, années quatre-vingt(s), j’avais été au Ritz et que le type qui m’avait reçu (on est reçu au Ritz on ne se pointe pas comme ça bonjour c’est la mairie, c’est pour une enquête poubelle, non) m’avait fait visiter les cuisines, les buanderies, les locaux – la sortie par la rue Cambon (qui n’était pas encore un « bar Hemingway » à mon souvenir) – la petite impasse vient en droite ligne de Tunis – } {(ce matin, ça me rappelle, bien que je n’aie jamais réussi à le lire entièrement, le début du Malraux « La condition humaine »)}