Pour mémoire Journal d’Air Nu (#41 à 45)
(41). Samedi 25 avril 2020 (ce jour)
rien ce jour que couper du bois, lire un Fred Vargas (se souvenir de Jeanne Favret-Saada) – d’autres choses sans doute
(42). Dimanche 26 avril 2020 (la carte du monde)
une femme qui « affichait » sur son balcon « macronavirus en finir » ou quelque chose d’approchant à été placée en garde à vue – je ne sais plus où ; trois personnes qui s’étaient arrêtées pour discuter à distance (distançons nous d’un maître) ont été verbalisées à cent trente cinq euros pièce – les flics s’en donnent à cœur joie, ils ont une espèce de pouvoir – il faudrait peut-être les confiner aussi surtout – « distançons nous d’un maître » annonce aussi un tag donc – dix milliards à air france : emprunte carbone, quand tu nous tiens, hein… business as usual comme disent les néo-libéraux décomplexés
hikikomori – je lisais tranquillement, les enfants restent à la maison, dans leur chambre, ne sortent pas – je me disais quelle drôle d’enfance, difficile à oublier – je me souvenais du fait qu’ils étaient coupables d’être tombés malades – les images de la carte (elle se trouvait sur le mur, c’est un objet qu’envoie « médecins <strike>du monde</strike> sans frontière » à ses mécènes, ou ses contributeurs, ou en cadeau si tu donnes des sous ou pour que tu en donnes– on l’a ôtée de là pour mettre du lambris) – les diverses explicitations géographiques, pourquoi faire ? un épisode de l’employé aux écritures (dont le copyright genré appartient à Martine Sonnet) (encore merci de l’autorisation) – le café au coin de Gay-Lussac on en reparlera– je ne dispose pas d’une imprimante : ça ne sert à rien, sans doute – mais quand même : travailler ou mourir –
(43). Lundi 27 avril 2020 (quarante et soixante-dix-huit)
la voiture était garée en descendant la rue de Maubeuge, juste après la rue d’Abbeville, sur le couloir d’autobus – quand on est revenus, elle avait disparu – aller la chercher à la fourrière de Pantin ? Savait-on où elle se trouvait et avait-on sur l’A2D une case à cocher pour être autorisé à y aller ? Ça allait encore coûter un bras et on n’avait plus d’argent – il fallait faire des courses – on revenait de où, je ne sais pas –
hier et avant hier, jour sans – hier sans publication – sans envie sans espoir : colère intense, mais cette colère-là vaut-elle une vie ? – c’est reparti comme en quarante dit l’habitus – j’aurais dû opter pour une chronologie dans les années soixante – dès le 20 juin l’État français n’était plus qu’un état croupion fantoche faux jeton ignoble, l’autre vieillard de quatre vingt huit ans donnait son corps (dans cet état-là c’est plus facile) à sa nation : ma vie (j’en ai six six) vaut-elle cette colère ? Ray Aron s’embarquait à Bordeaux, son petit camarade, je ne sais pas exactement (j’ai beaucoup aimé « Les mots ») (bientôt je lirais « La vieillesse » du Castor) (add. du 27 mai : le livre vient d’arriver) – j’ai une petite liste de livres à acheter – dans « L’humanité » qui est un canard communiste une critique au vitriol prolétaire des nantis (dont il me semble que je fasse partie) qui tiennent un « journal du confinement » – j’en avais déjà vu une il y a quelques semaines (il faut dire que l’exemplaire du canard est daté du début de ce mois) – on ne se refait pas, c’est reparti comme en quarante donc – demain sera le sixième mardi de réclusion (on n’a pas faim mais on nous oblige à nous nourrir auprès d’officines auxquelles on n’avait recours qu’exceptionnellement – le marché a réouvert, on y entre, tels des concombres, plutôt masqués – comment respirer, je ne sais pas je n’y arrive pas – je n’en porte pas – me confondrais-je en excuses pour ne pas payer une amende ? une statistique un décompte un compte indique qu’un quart des parisiens a quitté la capitale (a fui ; a déserté ; s’est enfui, échappé; a lâché, largué, détalé; a abandonné ; a vidé ; s’est tiré ; a filé, déguerpi) (on en passe sans doute) – pour se garder en vie ?
J’ai oublié mais on a consulté la base, les diverses colonnes, et ceux et celles qui se trouvent sous les verrous, le verdict est tombé : la peine de mort (on doit à la vérité de dire qu’il y avait trois ou quatre partisans de le laisser vivre) – le pape Paul sixième du prénom (deux cent cinquante huitième ou quelque chose dans la fonction) s’est fendu d’une lettre aux ravisseurs, inspirée par l’ordure
sans doute, où la libération « sans condition » indique qu’on ne négociera pas, qu’on laissera donc crever le président, voilà un moment qu’on l’a largué, lâché, abandonné : sa sainteté acte la mort d’Aldo lequel comprend, ce jour-là, que sa vie ne tient plus à rien – il y a quelque chose avec ce verdict et ce renoncement, quelque chose qui indique qu’on ne pourra plus reculer (parce que dire « reculer » c’est déjà indiquer le choix de la lâcheté et du déni : pourtant, laisser partir Aldo Moro, le laisser en vie aurait changé le cours des choses ; peut-être cela aurait-il été témoigner au plus haut point une espèce de charité dont le pape se targue mais dont il ne fit aucunement preuve – c’est bien l’inverse qu’il accomplît ce jour-là : c’était un vieil homme malade, ceci excuse-t-il cela ? j’ai peur que non – j’y repense, et je me dis que (note du claviste : ici commence un récit de diétrologie, ce qui indique que personne n’est à l’abri de ce genre de salade) s’il avait été relâché, remis en vie à ses proches, peut-être lui aussi aurait-il largué la politique – les brigadistes auraient-ils été arrêtés et probablement plus ou moins lynchés ? quoi qu’il en soit, c’eurent été leurs « mandants » qu’ils auraient trahi – ce jour-là, lors de la lettre que le pape fit parvenir (par la presse, certainement) les jeux furent faits – je ne crois pas que cela empêcha Aldo de prier – le pape mourra en juillet je crois – on devrait oublier, comme on devrait laisser le temps faire son œuvre ; hors le symbole (et la puissance de l’argent – voir l’histoire de la loge Propaganda due, dite P2) qu’est-ce que c’est d’autre qu’un homme, ce type vêtu de blanc et d’or ?
(44). Mardi 28 avril 2020 (des histoires – journal attentat accident)
il y a dans le livre de Mario Moretti (je ne l’ai pas là) (Brigades rouges, peut-être chez Amsterdam) la description du rapt, de la rétention, de la mise à mort – on ne peut pas reculer – dans ces jours-ci, on essaye encore de négocier – la famille d’Aldo surtout essaye : le mur et les chiens – les gardiens de l’État – c’était ce mot qu’avait pris tonton quand, après avoir lâché son ministre des finances/premier et sans diplôme, emprunteur sans frais et homme loyal et honnête autant qu’on peut l’être j’imagine (TNPPI disait ma tante :
non, je ne peux pas, non), après qu’on ait appris sa mort, sur les bords du canal, c’était un dimanche matin il me semble me souvenir (il est venu me visiter en rêve au numéro 40) – (un peu comme quand on apprit la mort de l’ex-princesse, fin août, fin de siècle, sous-terrain de l’Alma, Ritz et paparazzis) tonton donc Mitterrand allégorisait sur la presse, probablement – les chiens dont lui-même faisait partie cependant et malgré tout – cette affaire-là aussi dans la mémoire : j’ai commencé à lire le journal (quotidien) à propos d’une autre affaire (comme on dit : mon maître disait « elles sont ce qu’elles sont » je traduis – affaire, business) celle de l’assassinat (ou le meurtre – une fille et un gars ont été convaincus d’en être les auteurs, homicide involontaire a décrété la justice, dix ans de tôles aux espions exacteurs, en ont fait deux, c’était suffisant sans doute – serviteurs de l’État) la mort du photographe dans l’attentat contre le Rainbow warrior (soit le chasseur d’arc-en-ciel) (juillet) affrété par Greenpeace (soit la paix verte) c’était en Nouvelle Calédonie je crois me souvenir (on a oublié son nom, à ce garçon, mais on retrouvera ça) : je crois qu’il s’agit d’un attentat terroriste, et que, de ce fait, il faudra en parler dans le futur musée – 1985 – (dans le port d’Auckland, en Nouvelle Zélande, le 10 juillet 1985, Fernando Pereira – portugais, 35 ans, père de deux enfants…) – des images de lui et de sa fille sur le site – c’est un journal sans lien – enfin presque – c’est un journal qui parle du monde d’aujourd’hui – il y a trente cinq ans, l’État français pratiquait-il des essais nucléaires à Mururoa ? Vingt cinq ans avant, en pratiquait-il dans le Sahara algérien ? –
les mers constituent un exercice d’écriture et de géographie – je reviens en dixième, le premier jour d’école européenne, c’était en neuvième, une première dictée – probablement une dizaine de fautes sinon plus – rétrogradé en dixième immédiatement – l’après midi peut-être bien : bienvenu chez nous – couplé au raccourcissement des jours les institutions disaient bien ce qu’elles avaient à dire (le nouveau pays, la nouvelle maison, les nouveaux trajets, les nouvelles gens, les nouvelles mœurs – sept ans – mais cependant aussi mes sœurs mon frère mes parents – puis mes grands-parents maternels et ma grand-mère, leurs séjours, la venue de TNPPI – mais non, pas du tout mais alors pas du tout du coin, non, pas du tout, et après ?)
je ne me perds pas mais il y en aura aussi ailleurs – dans la maison[s]témoin demain – j’avance avec quelques personnes (mon amie, mes filles, et ses enfants, mon frère et d’autres) – le temps a tourné avec la nouvelle lune – les satellites processionnaires de l’ordure (je ne suis pas certain de trouver un autre mot) tournent au ciel – mais il y a longtemps de ça, mon petit – j’aimais quand Léo disait « dans le cocktail molotov, il faut mettre du … mon petit » (du martini) j’aimais beaucoup Léo, c’est vrai même ses exagérations – on y avait été, porte Maillot l’écouter diriger je ne sais plus quel orchestre, revenir à ses premières amours, je me souviens et je n’y ai jamais vu Aznavour – dommage, pas dommage je ne sais – un soir d’octobre peut-être mon père me prêta son manteau pour aller au Paris, un nouveau cinéma de la rue aujourd’hui piétonne, centrale donc, où passait Georges Brassens accompagné de son Pierre Nicolas de contrebassiste, ils souriaient et ils s’amusaient – le public aussi – plus tard je l’accompagnais (mon père, pas Georges, bien que j’eusse longtemps chanté ses chansons au changement de la Motte-Piquet – dans le petit couloir qui relie la Balard-Créteil à l’Étoile Nation par Denfert) mon père m’emmenait (acheter une peau lainée) dans le Sentier où travaillait son frère (C. qui quelques années plus tard, porterait son calot bleu dans l’allée Berlioz, soutenant sa mère : j’aimais et son sourire et sa gentillesse, à cet oncle-là) (et d’autres encore et je travaillerai pour lui dans son entreprise de pantalons (mises en cartons, scotch et adresses, descendre dans le camion les cartons) – je me souviens du repas de fin de contrat (le mot « contrat » est un peu lourd, certes) offert dans un restaurant du passage des Panoramas : au dessert on donnait des profiteroles au chocolat (glace vanille) – nous étions la quinzaine – je me souviens de la pizza offerte en fin de contrat (le mot est assez lourd aussi) pour l’inventaire de la papeterie de cette amie de TNPPI (elle vivait chambre 24 du quai mais aussi au Montalembert années cinquante soixante) dans un petit restaurant du bas de la rue Saint-Denis –
(45).Mercredi 29 avril 2020 (N.E.T (never ending tour))
un mail à mon ami côte-d’orien – un autre au président (je vous tiendrai au courant) (add. du 30 avril : réponse « nous connaissons bien les observations de nos visiteurs ») (add. du 4 mai : en réponse « il y faut certes volonté farouche et ténacité sans faille ») – un peu de Bobby McFerrin – l’internet déconne encore ça devient une espèce d’habitude (on s’habitue toujours, sauf à la connerie ambiante) c’est égal, lisons, réa-lisons aussi – un article dans la maison[s]témoin (sixième occurrence de résister) puisque c’est mercredi, j’ouvre le fichier sans nom, je commence j’attends que les choses viennent ou se tassent – il ne se passe jamais rien pour que rien ne change : ne t’en fais pas, je vais bien – un titre de film je crois – je ne suis pas sûr que le cinéma me manque ? c’est que c’est la ville ; du temps de la fac de maths, on allait voir « il était une fois dans l’ouest » en bas du faubourg, c’était un cinéma Action, république fatalement; l’autre du côté de la rue Lafayette (c’est devenu un super-merdique U) – je crois me souvenir que le Bricomonge a été remplacé par une officine de ces distributeurs dégueulasses – je vais cesser, mais cependant quand le type qui manage cette officine au nom de rond-point profite d’un avantage CICE d’un gouvernement de droite socialiste et qu’il fout à la porte deux mille ou plus employés, quel mot sinon dégueulasse? Je ne vois pas – et l’exploitation abusive de la peur, depuis un moment, par les hystériques qui nous gouvernent se peut également ainsi qualifier – c’est mal dit ou bien ?
on nous apprend la « distanciation sociale » nouvelle mouture idiote dans ces temps de communication – la lutte des classes existe – ici elle est physique, mais disons « sociale » ça rappellera le socialisme peut-être (on espère qu’il ne tombera pas dans le national) – la puanteur s’exhale même de leurs propres mots – je vais cesser, je cesse
Mon ami côte-d’orien me portera dans ses prières, ce soir – je ne m’en fous pas, non – je respecte la foi, j’ai reçu cette espèce d’éducation – je n’en ai pas bénéficié, sans doute – il y avait un petit livre dans la bibliothèque de l’entrée (celle que j’avais construite à façon pour les livres de poche, sous le placard à électricité/fusibles) qui faisait « comment croire en Dieu après Auschwitz » quelque chose de ce genre – j’ai oublié – j’ai retrouvé un dépliant magnifique de Venise que m’avait offert madame Clémente il y a peut-être dix ans – (encore merci) (image du jour enfin de ce jour-là)
et le never ending tour de bob dylan ? il y a dans cette chanson qui tourne en boucle ici (merci Clèm) un« I don’t believe in Zimmerman » qui ne me va pas (pour le reste, ça va encore – j’aime bien Lennon) (il me fait penser, parfois, à Marvin Gaye) (j’aimais assez les Beatles – ici quelques titres d’eux, mais aucun des Stones – pourtant on ne va pas aller comparer pas Watts et Ringo) (prochaine date 4 juin, Bend, Oregon – je me rassure…)
oublié la Commune, mais elle ne se termine que durant la semaine sanglante (ces temps-ci, Bismark libérait les prisonniers, lesquels allaient gonfler les rangs versaillais, et cette saloperie de thiers déversait (sans doute à travers canards et autres vendus) des obscénités sur ses adversaires) – la dernière du mois de mai 1871 du 21 au 28 mai – vingt à quarante mille morts, fusillés ou éventrés – une guerre civile que l’histoire ne nous raconte que peu : je pense à celle qu’on nous enseignait, à l’école du haut de la rue D. (je me demande un peu si justement le type C. qui faisait s’agenouiller les enfants sur des règles en fer n’en était pas le directeur – ce qui ne m’étonnerait pas – je ne fus pas dans sa classe, mais mon frère oui – une septième, une autre se tenait dans le bâtiment B du groupement scolaire proche, où on allait pour la cantine) – apprendre aux enfants à avoir peur, cette éducation nationale-là – mise en scène et musique par cette équipe-là, ce ministre-là agoni par la presque totalité du mammouth comme disait un précédent (il cachetonne chez total maintenant, laisse), tu crois que ça peut tenir ? Non, sans rire, combien de temps ? – la même qu’on voudrait leur inculquer ces temps-ci – avoir peur de cette saloperie de virus, certes oui – l’angoisse diffusée toutes les heures, chacun contre chacun, l’autre porteur ennemi potentiel, tueur tout à fait probable :ça profite à qui ? l’humanité ne s’aime plus – ne s’embrasse plus – ne se parle plus –
Aucun signe de vie angle Gay-Lussac/Ulm, vous verriez comme c’est mort, à se demander si ça rouvrira un jour…
@l’employée aux écritures : ça rouvrira, et on s’y retrouvera Employée, n’ayez crainte… merci du passage
Journaux du confinement : ce sera bientôt le trop-plein. Les éditeurs en embuscade !!!
– les amendes de 135 euros pour infraction à la fameuse ou fumeuse « Autorisation de déplacement dérogatoire » : C. Castaner devrait figurer dans le « Guinness Book des records » puisqu’il a atteint, durant la période du « confinement », grâce à l’aide zélée de ses troupes enfin utiles, le chiffre astronomique d’un million de « verbalisations » (b.a-ba).
Il peut être, en l’occurrence fier-à-bras.
– Aldo Moro : je présume que tu as vu le film « Il Divo » de Paolo Sorrentino (2008) ? 🙂