Journal de l’Air Nu (# 15, 16, 17)
15. Lundi 30 mars 2020 (6 avril 2020) (Franky, Tony, Félix)
on regardait nos mains : elles portaient peut-être notre propre mort – on regardait ceux qui éternuaient dans leur coude – la toux, les humeurs, la mort si proche – tout n’est pas si noir – les gestes qu’on apprend à l’école, se laver les mains, tousser en mettant sa main devant sa bouche se laver les mains encore – la cité scolaire en septième – les deux années suivantes en horaires aménagés – trop de choses en même temps : tant pis – l’heure avait été changée, pourquoi faire ? rien – on avait des idées de la semaine sanglante (je parviens à la fin du livre de C.Talès : une horreur)
(on ne parvient guère à trouver quelque grâce à cette humanité versaillaise – ni à l’autre, pourtant non plus…) (du vingt-trois au trente mai) – un texto à mes sœurs – les quotidiens avec mon frère et mes filles – les mômes restés à l’appart – retrouvé la version New York New York Franki et Tony (je ne sais plus son nom à lui) (Bennett je crois, Tony Bennett) (co-incidence…!)
(ici avec Ella,en souvenir de son amitié avec Marilyn – la façon de traiter les femmes de « la voix » et notamment NJB avait quelque chose de tellement contemporain…) (ignoble, certes) – cette horreur que le travail comme il est conçu aujourd’hui : son code est mort, tué par la loi et les décrets, l’état d’urgence sanitaire t’en rajoute une couche : on se demande dans quelle mesure ils n’en profitent pas mais on le sait : on bosse avec ses propres outils, on paye ses assurances, on paye son électricité son internet l’usure de sa machine – ça va bien, on télétravaille – merci qui ? –
on avait réalisé une copie d’une messe qu’on lui avait donnée et qu’il écoutait , agenouillé devant son lit tout en priant : pendant ce temps-là – un peu plus tard quand même – fin avril (le 26 si mes souvenirs sont bons) un pape plus ou moins mourant (plus ou moins fumier) (cette parenthèse aurait valu six siècles plus tôt le bûcher à son auteur : les temps changent) un pape paulo the sixth écrirait une lettre où le « sans conditions » employé signerait l’arrêt de mort du président enlevé et largué laissé pour compte honnis perdu à jamais (journal du jour) –
l’affaire de la superstition (à l’hôtel, il n’y avait pas chambre treize, ainsi qu’ici n’existe pas de numéro de ce genre pour samedi dernier) – celle des années passées (le Gaffiot ouvert à une bonne page en 4°composition de latin (Félix me dit Ivan); à cette même époque, de l’importance de porter les mêmes vêtements aux compositions et à leur restitutions ; les patiences faites dans la rue – soixante six) – la Commune (terminée dans le feu et dans le sang, cette horreur); Aldo Moro (idem); l’enfance ailleurs et le changement de respiration : la Bourboule, l’été soixante deux – pratiquer le générique de la maison[s]témoin – la carte postale de la girafe « loin des yeux mais pas loin du cœur » envoyée à mes frère et sœurs – ce sentimentalisme qui parfois m’anime qu’exècrent d’autres – l’épisode de la crise d’asthme à l’hôpital Percy du Petit Clamart – la confusion de Petit Clamart avec Pont Cardinet (ça commence pareil) : la gare Saint Lazare et arrivé là, non, celle de Montparnasse : courir – toujours rechercher le point de vue à adopter : celui des enfants peut-être – écouter Django Reinhardt – et Stéphane Grapelli : le visage du violoniste à la télé des années soixante – et celui de cet organiste, j’ai oublié son nom Pierre Spiers ou Spierce non ? faudra chercher (qui ressemblait à Pierre Sabbagh mais cheveux blancs) – je ne sais plus – la télévision d’alors – on siffle le gouvernement aussi, c’est une affaire qui roule
16. Mardi 31 mars 2020 (7 avril 2020)(Voyage en Orient)
la nuit dernière une auto fonçait dans la rue, il était trois heures du matin, elle freine au bout au croisement de la départementale, les pneus crissent – le conducteur avait-il trop bu ? – était-ce un rêve ? Faudrait-il expliquer les affres , les dire, les faire exister en les exprimant plus encore qu’elles me sont apparues, la nuit du lundi au mardi, quand il a bien fallu se déterminer à rester ou partir – sans point d’interrogation, non – c’est sans doute aussi que le spectre s’éloigne (c’est justement cette expression-là qu’on essaye de ne pas faire exister) (qu’est-ce que l’écriture si elle est insincère?)
une seule solution : le moratoire universel sur la dette publique et fuck off les banques et les fonds de pension – Donald, Xi et Boris, Vlad, Jaïr et Recep, tant d’autres : on fait quoi ? on nationalise la dette pour privatiser les laboratoires et les fabricants de masques ? la guerre disait micron, à cause des armes sans doute –
toujours rien des « amis des cheveux blancs » – bof je ne rappelle pas j’ai à faire (add. du 4 mai : non, rien)
l’infirmière devant la boulangerie « oh moi vous savez je suis personnel soignant hein… » elle attend son tour – je la salue, poing de la main droite fermé me frappant du côté du cœur « merci pour tout » – elle sourit, au revoir – ici on n’applaudit guère à huit heures – il semble que ce soit le cas : avançons, veux-tu ? – sur quel chemin ? dans quelle direction ? – j’ai pris en partant sans le savoir « Voyage en Orient » du Gustave Flaubert – offert à l’anniversaire ou Noël je ne sais plus très bien par E. je crois – périple magnifique en Méditerranée – les pérégrinations d’un bourgeois ? je me demande comme si ça n’avait pas d’importance – ou comme si ça en avait – ce qu’on sait de sa syphilis peut-être – de sa résidence sur les bords de Seine – les Andelys ?- on verra – peut-être – Croisset dit l’exemplaire – plus loin : à l’ouest de Rouen, sur la Seine où le Gus mourra en 1880 – naissance en 21 – une préface longue comme le bras, un texte long comme un jour sans pain ni boire (zeugme ?) – il y est dit que le voyage de Gus et Max a coûté selon une note de bas de page de l’ordre de 30 ans de salaire d’un prolo – un article posté dans la maison[s]témoin compte pour trente quatre méga-octets – deux images huit cent treize mots (l’association 813 je me souviens – je me souviens de Francis Lacassin qui nous expliquait un peu les bandes dessinées ; je me souviens de cette annexe de la bibliothèque nationale sise à Versailles le long de cette avenue insensée) (ça ramène à Versailles avec ce fumier de Thiers et ces ordures assassines) – le 3 avril, une sortie du périmètre : fiasco complet –
un article « Le seuil » sur pendant le week-end : on verra (c’est fait)
17. Mercredi 1° avril 2020 (peut-être)
pas trop envie de faire des vannes (déjà que d’habitude, cette histoire de poisson hein) (tellement idiotes aussi toujours) – les gens passent moins : la boulangerie ferme un jour sur deux – dehors les gendarmes contrôlent – on lave le linge à la main – Annie Ernaux portait à l’agenda les jours de lessive des draps, je me souviens – je me souviens de Cergy-Pontoise, Corbeil-Essones, Evry-Courcourone, Saint-Quentin-en Yvelines – et Marne-la-Vallée à cinq heures du matin « vous allez travailler ? » – je me souviens de la Vache noire, des Quatre chemins : on comptait les autos, il faisait moins douze à Sceaux – il faudrait regarder (on regardera) la chronologie exacte s’il se peut mais il s’agissait de ces jours-ci, tandis que Aldo restait dans son réduit, à prier souvent, à penser à son petit fils souvent aussi, Andreotti (Giulio, président du conseil des ministres de l’Italie d’alors – assez mouillé (trempé dégoulinant dégueulasse) P2 et Gladio et le reste, notamment mafia) et Romano Prodi (probablement alors – à vérifier – son ministre des affaires étrangères : eh non, ministre de l’industrie du commerce et de l’artisanat – le 4° ministère de l’enflure) (je ne suis pas sûr de la présence lors de cet événement de Sandro Pertini, président de la république)
Prodi, Pertini, Andreotti
d’autres encore interrogeaient les astres, une voyante les cartes ou les âmes mortes lors d’une séance de spiritisme – il faudrait trouver où, et dans quelles conditions – qui était présent et le bastringue, mais enfin, ça en dit un peu long sur leur façon de gouverner (du moment?) quand même – qui était-ce déjà pour tonton, je ne sais plus une docteure en sciences humaines frelatée(s) je crois bien – l’ordure faurisson était bien prof aussi (il me semble que cette pourriture de salazar aussi) – début avril, les capitaines commençaient-ils à penser à ce qu’il adviendrait, vingt six jours plus tard, en cette année 74 ? – en Angola, une chose est certaine c’est qu’on tuait tant qu’on pouvait d’indigènes – les images, une quinzaine, du début du film de Maria de Medeiros, le froid dans le dos – Antonio Lobo Antunes était-il déjà au Portugal ? affrétait-on des navires ? – ici on a éteint la radio lors des informations (cette pourriture, cette complaisance pour l’abrutissement par des chiffres idiots : le gouvernement quant à lui légifère : dans quelle mesure ces gens sont-ils des assassins ?) – les vieux meurent, on les isole dans leur chambre, qu’ils meurent donc seuls mais en s’acquittant, ah oui quand même, des loyers à trois mille euros mensuels – quand même : on est philanthrope ou on ne l’est pas – complètement dégoûté du tour pris par les choses –
lessive à la main, essorage en torsion – sous le soleil, exactement (chanson de merde)
autre chanson de merde (message radio) : « si vous toussez, si vous avez de la fièvre vous êtes peut-être malade » dit le poste, et par là, le gouvernement (il y a comme on sait équivalence pratiquement totale grâce à notre si bien campée wtf Sybille Karaoké) : on voit la pertinence dudit car tout est dans le « peut-être » – mais non, si tu tousses, et si tu as de la fièvre, tu es malade – point.
le sable brûlait aux pieds nus, on courrait on riait – on restait allongés dans l’eau, au loin les rochers faisaient une barrière à ne franchir sous aucun prétexte – au coin de l’avenue il y avait la maison de R. qui klaxonnait pour qu’on vienne lui ouvrir le portail ou pour prévenir de son arrivée – sur la fin, nous vivions dans la maison qui fait le coin de l’avenue et de la route principale,en face de la station service où ma mère connaissait suffisamment le couple de pompistes pour aller boire avec eux un verre à l’apéritif – quelque chose à l’anis, ou plutôt du whisky – je ne crois pas qu’elle aimât l’anis mais peut-être – l’après midi sur la plage passait le vendeur de bomboloni – ces ont des beignets, ce pays a le beignet en amour, on en fait des sandwichs qu’on trouvera à Belleville (fricassée au masculin pour frit/cassé : on ouvre le beignet, on y pose une couche de caviar d’aubergine – ça ne se dit pas comme ça mais purée – passons – deux ou trois morceaux de pomme de terre cuite à l’eau, pas mal de thon, une ou deux variantes (des légumes cuit dans du vinaigre) un quart d’œuf dur plus deux olives, un peu d’harissa et au besoin une cuillerée à soupe d’huile d’olive : emballez c’est pesé deux euros cinquante sur le boulevard – le pain perdu au miel de ma grand-mère ou les manicotti de (ma tante) TNPPI (je crois qu’on appelle ça ici des roses des sables) – on peut en trouver aussi dans les restaurants tunisiens, par exemple le Carthage presque au coin de la rue de la Verrerie et de celle des Archives – le mieux c’est d’aller chez Douïeb du côté de la rue Montmartre évidemment (rue Geoffroy Marie) –