Atelier 18. 21
(on pose les illustrations en fin de texte – elles ont inspiré, la lutte pour ne pas partir des images a été perdue – mais n’importe, il ne s’agit que d’un minuscule moment encore, le temps de se retourner et de revoir ensuite l’entrée par le canal)
21 consigne : lanterne magique
Tourner autour de soi
l’espace de travail sera perçu par un panoramique, trois cent soixante degrés, un tour complet sur soi-même, au fond de la perspective, le bouquet d’arbres, ils étaient trois ils sont maintenant six, le pont de chemin de fer noir désaffecté, des parents et des enfants marchent sur le quai, petits vélos stature trentenaire, on a décidé qu’il ferait beau – c’est le cliché qui veut ça – il fait beau, le ciel est au fond dans les bleus, une péniche jaune type municipale qui abrite une librairie un cinéma un espace de relaxation yoga quelque chose pour des personnes cultivées, heureuses et bien portantes, aisées et propriétaires, municipalité, dans le fond de la perspective il n’y a plus la centrale électrique elle a disparu on l’a démantelée (c’est préférable à détruire comme verbe réduite en poussière saccagée et le personnel ailleurs, qu’il aille se faire foutre) l’autre quai de bitume bordé par un hôtel en rond quatre étoiles restaurant au rez-de-chaussée qui mange là, chambre à cent ou cent vingt, peu importe l’administration du colloque de la boite de l’entreprise corporate paye raque investit sans impôts ici là comme il faut, rond point, la péniche qui veut tourner bandeau bleu et blanc on ne distingue pas son nom (une péniche porte un nom, parfois ce n’est qu’un prénom, de femme, là surgit Simenon ou quelqu’un l’homme du Picardie, n’importe) la prairie, verte, soignée, des bêtes y paissaient hier, ça a laissé traîner derrière soi, sans y faire plus attention que ça, des détritus, des emballages, des papiers gras frites ou pains à la viande fromage peaux de bananes de tomates récipients plastique recyclable ou non, la merveille des poubelles trieuses à trois bacs, comme on sait faire – dans l’ombre une camionnette tranquillement se repose, elle est blanche et c’est lendemain de bal probablement, des papiers abandonnés, des restes des déchets des ordures on oublie laisse, regarde plutôt la beauté du monde, cette petite lampe bleue et toutes celles qui lui succèdent, et puis ces garde-fous en aluminium ajourés de rond, ces filins d’acier qui prédisent la précaution qu’on prend pour les petits, qu’ils n’aillent pas se noyer tomber disparaître les petits, mauvaise publicité que ce serait imagine, cette petite passerelle où tu te tiens, passent les gens c’est midi, là abandonnée rouge et vide une boite boisson de soda étazuniens un jour dans cette ville on a organisé les jeux olympiques, du pain et des jeux disait l’autre, il y a longtemps, le soleil brille, hello, il fait bon il fait doux une musique qui se répète un moment à passer, tourner, regarder l’anneau qui ne sert à rien serti sur le quai, Marne Charente Gironde, Loire Seine Oise, on en sait plus, ils s’intitulent mais on ne sait plus, les pavés malcommodes, dans les rouges brique, dans les gris, la solitude de l’eau sans courant, bientôt la péniche passera sous ce pont-là, derrière elle l’écume de son hélice, un transport de pondéreux disent-ils, ça avancera, le temps passera et ton plan de travail, outre les cinq parents enfants qui vont aller manger, dans un de ces bâtiments neufs, là, créés pour eux, ton plan pour mesurer ce repeupler la ville, oui, mais avec des êtres solvables, des comptes en banque confortables des meubles à monter soi-même oui mais tout de même moyenne gamme, des petits vélos de couleurs vives, des petits casques sur les crânes tu n’y penses pas s’il se les fracassaient non les accidents l’angoisse non on laisse ça à l’entrée – là immédiatement là, pas vu dans cette maison rouge sang, au premier étage derrière cette bûche d’un bois qui ne sert à rien, derrière cette fenêtre en matériau composite léger alu ou quelque chose de mat de propre et de moderne comme il sied à cet endroit, un homme mange seul un tablier autour des hanches, il est assis, il mange, je crois, seul, là, tandis que sur le quai passent les vélos, les gens casqués, harnachés précautionneux vêtus dans les bleus dans l’effort pour se maintenir en forme vivre un moment de joie de gaieté de chaleur, vivre enfin calme dans le repos de la campagne à la ville, ces rouges ces verts ces couleurs criardes ou tendres, pastels ou contrastées qui revendiquent nature, joie de vivre, facilité et respiration tranquille d’un air qui ne serait pas vicié des échappements automobiles, quelque chose qui sentirait la liberté comme on aime à la souiller de nos jours, tu ne trouves pas, il y aurait une musique douce et tranquille heureuse et gaie on serait entre soi, on n’aurait pas peur, de loin sur la petite passerelle un type serait avec sa planchette, là, à compter les entrants, les sortants ou n’importe quoi d’autre, le passage du temps, celui de l’eau sous ses pieds, le tablier ajouré de croisillon de fer, d’acier, trempé, solide comme des rocs, de grosses traverses d’acier noir, trempé, épais compact robuste musclé presque et en tout cas rassurant et assuré, croisé, une passerelle sur un canal, solide, le plan de travail, là, et puis au loin, la ville au loin le calme bienheureux des rives lentes droites stables et franches…
chic j’ai la primeur
(pense que sera publié demain… moi aussi)