11 janvier 684
hier soir, au centre national du livre, on recevait Asli Erdogan, laquelle le matin, avait reçu le prix Simone de Beauvoir
nous étions relégués dans une salle juste sur le côté de celle où elle nous parla, il y avait là un journaliste, une comédienne pour lire quelques textes, sa traductrice, et elle s’exprimait en anglais
elle tremblait un peu, elle parlait clairement de sa vie et je dois dire qu’à ce moment-là, j’ai eu honte : pour l’humanité qui traite ainsi une grande artiste, pour le pays qui l’a emprisonnée (le jugement pèse sur elle, elle risque la perpétuité, il sera rendu le 10 mars prochain), et pour le petit homme au costume étriqué bleu et sa bobonne qui a reçu en grandes pompes, il n’y a pas une semaine, le dictateur qui est responsable de l’état de ce pays (et qui en a asservi l’Etat : cent mille personnes emprisonnées on n’en compte plus les meurtres, les exactions, les tortures et turpitudes) et donc de l’état de cette femme (on a soutenu, et on soutient encore, et encore, et encore). J’ai pensé au livre d’Eric Vuillard, « L’ordre du jour » (publié chez le même éditeur) , à Daladier, à cette maxime qui dit « pendant les massacres, les affaires continuent ». Ensuite, il y avait du vin, des cochonnailles et des fromages, du pain, on a rencontré une amie chère qu’on n’avait pas vue depuis longtemps, ça fait chaud au coeur, puis on s’en est allés dans les rues où les antiquaires fêtent leur carré, par la passerelle des arts, on a traversé le fleuve en crue
la lumière irradiait l’institut et la Monnaie, le Pont Neuf, Paris lumières, tellement beau
comme un sale goût dans la bouche, pourtant quand même, j’avais au souvenir aussi le jugement de la justice d’ici, concernant le meurtrier de Rémi Fraisse qui était tombé la veille, non lieu disait-elle, cette justice, aux ordres, un type de vingt ans, dans le dos atteint, mort à Sivens, pour rien : non lieu… Sur les quais, un peu d’air froid de l’hiver.
10 janvier zéro huit : le pont du 25 avril (et non du 28 juillet) : j’avais dans l’idée ce pont, et Pereira qui toujours prétend, et toujours aussi cet Antonio, médecin brisecard d’Angola et Maria, aux Folies, avec ses lunettes et ses ménages à l’ECF : tout le Portugal dans un verre d’océan, à la pointe de l’Europe
J’ai lu « L’Ordre du jour », Éric Vuillard a trouvé l’angle de tir.
Le CNL est toujours près de l’ancien domicile de Gainsbourg ?
je n’ai pas lu l’ordre du jour, je devrais
en attendant oui mauvais goût dans la bouche (tendance à devenir constant dès qu’on sort de l’ermitage intérieur) et oui beauté de Paris et tout spécialement de ce qu’on voit depuis ou près du pont Royal, encore magnifié par la nuit
@Dominique Hasselmann : toujours, à l’autre bout de la rue, là où vit madame Gréco si je ne m’abuse
@brigetoun : ce goût-là ne risque pas de s’estomper avec les hypocrites du gouvernement…
Merci de vos passages