Oublier Paris #61
La ville en compte quelques-uns (Montceau-pfff-, Montsouris -d’accord mais seulement pour Cléo-, les Buttes Chaumont -passent encore pour Gaumont mais ce sera tout-, le Luxembourg, -quelle affaire, des trains de sénateurs, des ânes, des petits bateaux; à Javel, on en a construit un autre sur les ruines de l’usine de la marque au chevron… D’autres plus étroits (la ville les nomme des « square » -en anglais, cela veut dire idiot ou carré c’est selon) (ici sont-ce les deux ?), quelques promenades, une coulée dite « verte », d’autres choses encore, la nature qui suspend son vol comme le temps s’en empare puis cette municipalité les transforme en « réinventions », c’est à ne pas croire, n’importe, mais voilà, il en est un, de ces espaces, que je fréquente et même avant son ouverture, du temps où on y recevait les Rolling Stones, ou la bibliothèque de l’Idhec (ça existait encore cette affaire-là)
(ici une photo du robot -regarde les nuages et leur lisière…-, du temps où l’horizon à l’est n’était pas bouché par cette sorte d’éléphantesque et tellement inutile salle de spectacles (et voilà, PIerre Boulez est mort…) : c’est ainsi aujourd’hui (photo de l’auteur)
en plus c’est l’hiver – ils sont gris, ils ne brillent que peu mais c’est juste une idée) (ça va s’arranger) et donc, je marche dans le parc parfois, je regarde ce qui s’y passe, j’entends la musique des gymnastes taï chi qui font un petit peu braire, mais enfin chacun comme il l’entend meuble l’espace, ici il est libre semble-t-il, mais est-ce une raison pour nous infliger ces sons ? Non.
On ne voit rien, je marchais sur la promenade surélevée qui longe le canal, et voilà qu’elle était en travaux… Le parc ouvrait en quatre vingt quatre : trente ans plus tard, il est à refaire . Faire et défaire c’est travailler… Il en est de même d’ailleurs de ses « folies » (l’ignoble communication (lapalissade) indique sur les palissades « qu’elles se refont une beauté » ou qu’on la leur refait, enfin c’est pour mai, ça a le don de me foutre hors de moi), je croise ce panneau
(je passe sur l’état dudit mais j’ai tort) juste là, à cette place j’interrogeai un jour un type, il sortait de la fête foraine, il avait une veste élégante de couleur dans les tweed, vous voyez le style, peut-être bien une sorte de foulard autour du cou, lequel dans sa chemise ton sur ton (était-il avocat ?), il n’avait pas soixante ans cheveux blancs ondulés, un homme et moi on parle, et puis un moment plus tard : « j’ai eu deux filles, mais lorsque la seconde s’est mariée après la première, je vous jure que ça a été comme si j’avais déposé deux énormes valises », les gens parlent, et je me souviens du temps où ce hall commençait à vivre, installé dans des préfabriqués plus loin vers le sud mais juste là, ils y sont encore, je me suis souvenu aussi de cette velléité de réaliser quelque chose avec les vieilles gens d’ici, leurs vieilles chansons, les vieux abattoirs qu’on veut oublier, ce type qui disait : « dans la grande halle, ce sont les âmes des bêtes qu’on entend parfois », j’écoute Bertrand Belin et je n’ai jamais rencontré Charles Aznavour, je marche c’est toujours aussi incommode, sais -t-on pour quoi ?
moi je ne l’ai jamais su, je ne l’ai non plus jamais demandé (à qui ?) il reste que parfois, nos pieds peuvent ne pas se tordre, on peut aussi avancer sans remontrance de cycliste plus ou moins stupide, on peut marcher, regarder comment les reflets se posent sur les façades (ici il y a une salle Charlie Parker, une autre Boris Vian :
ces intitulés se souviennent-t-ils de nos héros ? deux hommes en tous cas -plus loin, dans la proximité, tu me diras, il y a des arrêts de trams nommés Ella et Delphine : respecter les places, les bienséances, les présupposés…wtf), toute la différence, écoute et regarde ici et là
les « cochons de payants » tu connais ça ? les passe-droits, les coupe-fils les happy few et consorts, c’est ainsi que va ce monde-là, les médias, les affaires du show, le cinéma et le reste, le tapis rouge et les empreintes de main dans le ciment, ici l’avant-garde porte la barbe (trois jours, ni plus ni moins), les baskets en fin de semaine, décontractées, poussettes ou petits enfants, smartphone pour voir si on va dîner chez qui, on se le demande, je me souviens bien de ces idées-là, sur les pelouses les gens qui divaguent à l’été, bronzent se dorent rient se jaugent et se pèsent, le monde a changé mon ami
j’aime venir ici, en plein air on projette du cinéma (il y avait ce vieil homme son pliant assis au pied de la cabine de projection, tous les soirs -sauf à la pluie, oui – un vieil architecte quatre vingt piges, short bretelles marcel qui venait à pied de l’Opéra (Garnier) quartier où il vivait, on parlait mais que donnait-on ? « Abyss« (James Cameron, 1989) si je me souviens bien, le cinéma rapproche on aime la science-fiction, on aime Galaxie et Fiction – laisse, va), on aime lire, cette femme, âgée elle aussi, « toute ma vie j’ai travaillé dans la même boite, toute ma vie vous vous rendez compte… » elle rit, cache ses dents, elle porte ce genre de blouse à fleurs sans manche, c’est juillet, on parle, elle me dit « j’aime tant lire, vous savez… » ah oui, moi aussi, et quoi ? c’est alors que ses yeux se mouillent, elle a dans le regard cette tendresse des enfants, elle avoue peut-être « Danielle Steel, ce que c’est beau… » oui, mes contemporains, oui, on oublie, on regarde
le conservatoire musique danse en constants travaux depuis qu’il a ouvert (en 1991, il me semble) et ça continue, dans quel état laisse-t-on la musique et son enseignement dans les lieux qui ont le pouvoir d’y remédier ?
miroir, mon beau miroir… Il fait gris sur Paris, la musique, les chansons, le magnifique billet d’aux bords des mondes tu comprends le gris du ciel, le vent, le passage des cieux, vivement, garder en soi les souvenirs, les images de Jane Evelyn Atwood, le texte, le pavillon blanc, garder par devers soi les bals, le Royal de Luxe qui balance un piano dans un air parfumé d’odeurs de pizza, les rires, les cirques, la joie du soleil… Attends, je me souviens, et marchant ici aujourd’hui, je préfère (ne pas) oublier
oui et oui mais…
tant eu de bonheurs à la Cité (vous savez en face du Conservatoire) avant mon départ et la construction du grand truc
La « sorte d’éléphantesque et tellement inutile salle de spectacle » dont tu parles est une idée de Pierre Boulez lui-même.
Ce lieu, à l’esthétique agréable et imposante, dont le manque pénalisait Paris (à l’inverse de la Philharmonie de Berlin) permet d’ouvrir désormais la musique à tout un public populaire, même si la musique contemporaine reste cloisonnée principalement dans la Cité de la Musique, qui devrait d’ailleurs retrouver bientôt son nom d’origine.
@Dominique Hasselmann : Une idée de Pierre Boulez merci de m’informer : un équipement de quelque quatre ou cinq cents millions d’euros alors que la ville (cette ville « pénalisée », « humiliée » et que sais-je encore manque cruellement de logements sociaux, ton commentaire est une insulte à ce que tu oses nommer un « public populaire » comme si tu y connaissais quelque chose (pas plus que moi, imagine-toi)