Oublier Paris #58
Ce qu’il y a, en ville, c’est qu’on ne sait jamais sur qui on va tomber. Ou sur quoi.
Pourtant, ça se passe en ville, en France, capitale de Paris vers cinq heures et quart (ah, quel terrible cinq heures et quart…)
L’affaire est faite : il s’agit d’une place (d’autres sont plus connues, Tahir, Taksim, d’autres encore, bien que celle-ci ait vu, assez fréquemment, des intermittents du spectacle débarquer) (le ministère n’est pas loin) (c’est une autre histoire) : le palais Royal où on trouve le conseil d’Etat (une sorte de palais, une sorte de bâtiment fermé aux publics, une sorte d’Elysées de la loi, de la Constitution, de l’existence de la République, ou de l’Etat : quelque chose décrit par Bruno Latour (on dira qu’on s’en fout, et en effet, ce n’est qu’un décor) (mais le décor aussi a ses influences) : ici on peut y découvrir un personnage flouté du diable s’il se peut
(sa propre mère ne le reconnaîtrait pas) et puis un autre, celui-là occupé à clore un portail
(son père n’y verrait que pouic) mais on sait qu’il ferme cette porte car peu de secondes précédemment de cette cour sortait une sorte de sous-marin
quelques secondes, une voiture bleue, une jeune femme qui en jupe avance sur le trottoir, on la retrouvera ici
un peu plus tard, un peu plus loin; tout ce beau monde composera le tableau. On posera, gauche cadre, un autobus blanc dans lequel monteront des touristes harassés par une visite du Louvre (lequel musée se trouve, si on peut oser l’expression, dans le dos de l’opérateur)
un chauffeur probablement en train de fumer quelque clopo d’importation
devant l’entrée du Conseil passeront deux jeunes femmes indistinctes
puis, nous rapprochant, nous verrons passer ce type à casquette : autochtone ou indigène ? nul ne saurait l’affirmer
mais on distingue, cependant l’autobus blanc (l’homme se trouve dans le champ, ses lunettes de soleil, son sac à l’épaule, ses chaussures sans doute de marche sportive dirait-on) et à l’extrême droite du cadre, cet autre probablement touriste (ce sont les chaussures, la teinte de la peau, les vêtements et l’hexis pour tout dire qui m’influencent, mais de sa provenance géographique, on se perdrait à gloser)
(je ne suis, d’ailleurs, pas complètement certain de son genre, mais cela n’importe pas, non) : pour composer le tableau, on poserait encore quelques personnages, celle-ci intéressée possiblement par l’exploit
(on pourrait croire au « regard caméra », mais non, certes pas) on devra aussi accumuler quelques accessoires, soit une planche à roulettes
(tiens, voilà un autocollant « Grèce générale » qui rappelle le « rêve général » des manifestations d’il y a quelques années), un panier d’osier (mais carré, porté par un homme, dans lequel on distinguera une bouteille de (probablement) (faux) champagne – distingue-t-on une alliance à son annulaire gauche ?)
un fil bicolore fait de ces plastiques qui servent à délimiter les espaces publics mais privatisés dans le but de quelques travaux (on distingue un peu difficilement ce fil mais il est tendu entre les deux barrières du même colorie)
(on aperçoit au fond de l’image la jeune fille précédente -tête coupée pour focaliser l’attention ailleurs- , on voit aussi un type portant plastique blanc et une brioche d’estomac, mais dont le visage est caché par le fessier d’un autre semble-t-il, hein ?)
(oui c’es bien ça) d’ailleurs le voilà, cet autre, une sorte d’olibrius chaussant basketts, sur la tête casquette noire, au poignet droit bracelet brésilien (un vœu, oui) adorant les exploits simples
au fond de l’image, à nouveau cette jeune fille, certes, en pieds, mais aussi une autre, un peu plus loin qu’on n’a pas encore aperçue
qui se trouve devant la voiture qui tout à l’heure sortait du Conseil (un sous-marin sortant d’un Conseil est presque aussi improbable qu’un parapluie sur une table à repasser, je sais bien, mais qu’y puis-je ?), mais en avant plan, ici, deux bras blancs, une semblable épaule, et le couple improbable de cette photographie qui devient un tableau
le mariage de la princesse et du prince, elle toute de blanc vêtue portant un bouquet, lui martial consultant son blackberry (tout comme la jeune femme estampillée « Joe » -ajouter un Y pur obtenir la magnifique chanson de Bob Dylan, ah oui) (la vue réelle montre le portable du marié portant champagne :
(je te l’avais dit martial, tu vois pourquoi), on remarquera que la mariée porte son bouquet mais qu’à présent elle le cache, les statues du Conseil observent les choses l’une derrière un tulle grisé
l’autre à l’air libre
le tout composant un tableau que, vraiment quelle chance, ce jour-là, j’ai eu la possibilité de capturer
c’est donc ça, Paris…
(photo dédiée à O. prise en revenant de la voir, ce 14 mai 2015, sur la place du Palais Royal)
le plus étonnant est que le couple de mariés ne serve pas de borne aux amateurs de planche (pas l’heure ?)
et oui l’alliance est certainement présente
Captivante capture ! Merci de nous prendre dans vos filets.
Jolie mise en scène (déconstruction de l’image comme dans le Blow-up d’Antonioni).
Finalement, le plan général est très net et apporte sa… « résolution » aux tout premiers éléments.