entre Anvers et Stalingrad
« La force du Destin » de Verdi, ouvrait le film « Viva la libertà » (Roberto Ando, 2013) film double dont le versant français ne valait que peu, le versant italien assez vrai. J’ai posé sur le plateau cette musique, dehors il fait un temps magnifique, en Ukraine les humains se relèvent, j’ai fini les enseignements d’un cours en ligne massif et ouvert (j’ai vu la photo d’un vieux philosophe vantant cette pratique sur un kiosque) le truc était bondé d’énoncés performatifs, de prévisions auto-réalisatrices, de mots anglais pour des conceptions faciles à énoncer en français, les économistes continuent de tenir le monde, l’Etat est une faillite et le travail a continué.
ici le chantier du Philarmonique de Paris, budget de construction sur devis 220 millions; à l’arrivée probablement 450 millions
Les affaires sont ce qu’elles sont. Si nous allions à la guerre ?
le même d’un peu plus loin
Je vais au cinéma, je bénéficie d’une réduction (j’ai passé 12 lustres), hier soir c’était le magnifique « It’s a wonderful life » (« La vie est belle ») de Franck Capra (1946) (James Steward et Lionel Barrymore) qui donne à la vie une sorte de goût et de générosité : ces choses-là sont de moins en moins perceptibles.
De plus en plus de mal à regarder vivre ce monde-là.
chantier des Halles, prémices de l’horreur revêtue par la communication municipale et architecturale d’un nom que je ne cite pas
J’en suis pourtant : avant hier, je suis devenu président. Aucune gloire (enfin si, celle d’en rire) : c’est ce monde-là qui se paye de mots, cette « société » là qui intitule « ses » dirigeants. La réalité de l’horreur. Je cherche du travail, certains m’indiquent ici ou là, la communication, les rédactions publicitaires et le marketing. Oui, certes.
Tout comme je ne le lirais jamais les écrits de celui qui soignait gratuitement les malades à Sigmaringen (quelle belle humanité), non plus que ceux d’autres ordures, je ne chercherais pas à consacrer quelque chose de ma faculté à tenter de saisir ce commerce-là. Je regardais les gens, hier j’étais au travail
les grues avaient cessé leur manège, on hochait la tête pour accepter de parler avec moi, on souriait, ce travail a quelque chose d’heureux (hors la dignité, le plaisir de donner un billet bleu à ma fille qui va au théâtre ou ailleurs), c’est qu’il permet de dire. Alors le monde dit la grandeur et la beauté de la ville lumière, la certitude de mener une existence simple, la joie de continuer à marcher des deux jambes sur l’asphalte, cette jungle
Sterling Hayden dans « The Asphalt Jungle » traduit adroitement (?) par « Quand la ville dort » (John Huston, 1950)
que nous restera-t-il sinon les coups, les pleurs, les abattements lorsque toute humanité nous aura fui ? Les îles de la Méditerranée, les femmes et les hommes chassées de leurs pays par les guerres, les affaires qui sont ce qu’elles sont, les pétroles et les gaz, que restera-t-il de nous donc, dans cette métropole visitée par des millions et les millions de millionnaires ?
Je mélange tout, oui. Le travail, le tourisme, les appels d’offre et les feuilles de paye, oui.
C’est à la nuit que j’aime me promener, il fait frais, le vent suit les avenues (ici c’est le coin Bolivar-Pyrénnées), il règne sur les villes ces airs de fraicheur, ces avancées vers le jour suivant, on marche, l’écho du bruit de nos pas nous précède, il est à Paris des rues de Rome, Tunis, Alger, Vienne Madrid et tant d’autres capitales
faire le tour de l’île à pied, voir au loin le Panthéon dans sa gangue d’échafaudage (peut-être y creuse-t-on une tranchée de 20 centimètres pour le séparer en deux ?), sur le fleuve passent les énormes bateaux restaurants, les gens dînent, les petites lumières aux tables brillent, ce n’est pas tant que le monde soit si injuste, non, l’injustice après tout a quelque chose de la nature, non, c’est plus que, pour la plupart, ceux qui le peuplent ne font rien pour la réduire,
ici une image due à Raoul Coutard, un ouvrier BIllancourt, fin des années 50
(rush non monté de « Chroniques d’un été », Jean Rouch et Edgar Morin, 1960)
comment faudrait-il donc se vêtir et se comporter pour, malgré tout, continuer à vivre ? J’ai regardé derrière moi
il y avait ces trains s’en allaient vers Londres et Amsterdam, et cette dame qui faisait de la trottinette, on capture sans le savoir, c’est la photo qui veut ça, on avance dans le monde, faisant attention de ne pas tomber du trottoir, voilà tout, attention aux feux
je suis allé regarder dans la librairie, juste à côté du cinéma ce livre, cette musique de Miles Davies m’était revenue (non, pas « Assurance sur la mort » c’est le titre qui m’est venu) mais Jeanne Moreau, blonde, comment était-ce, « Compartiment tueur » ? Non, « Ascenseur pour l’échafaud », voilà (Louis Malle, 1958)
oui, ou « Plein Soleil », ou ces films que je voyais quand je n’avais pas vingt ans, ce n’est pas pour se plaindre du temps qui s’en va, non, ni pour croire qu’alors ils étaient meilleurs, les temps non plus, non, tu regardes tes enfants grandir, parfois quelques larmes qui perlent aux yeux, tellement plus souvent (merci tant mieux) des rires et des joies, on lève à leur santé notre verre, à peine a-t-on eu le temps de savoir qu’ils étaient nôtres ainsi que nos parents, à peine ai-je eu le temps de savoir que, oui, j’étais bien leur enfant, oui en effet, le frère ou l’ami de certains, à peine, de se retourner et les ciels étaient là
et merci à vous de nous permettre de vous accompagner dans les beautés de ce monde que supportons mal (et de retrouver quelques souvenirs)
lancinant et ça ne vous lâche plus comme un solo de trompette qui s’élancerait dans une cave enfumée, on y danse, on y aime, que faire sinon continuer à vivre et tâcher d’apporter un peu de cette beauté qui enchante le monde
Le grand hôtel de Paris (il y a un film du même nom mais sans Paris) porte bien son nom.
Les grues au-dessus du futur Philharmonic… oui, retard et dépassement budgétaires : symphonie inachevée ?
La trottinette : c’est la surprise des photos après coup. Comme celle des tasses de café dans la glace, place Blanche, ce matin sur mon blog (un peu de pub, tu permets ?).
Asphalt Jungle n’aurait jamais dû être traduit par « Quand la ville dort » : heureusement, certains sont réveillés à cette heure de la nuit…
@ brigetoun : bienvenue, toujours…
@ Elise : (même chose, bien sûr, merci du passage) continuons…
@ Dominique Hasselmann : tout pareil (pour le peu de pub c’est permis, on met même un lien, mais on reste vigilant) (je vais aller voir ce film dont tu parles) (je vois sur ton billet que tu as pris la ligne par Barbès pour de Nation aller vers Etoile, pour aller aux confins si j’ai bien compris : j’ai croisé ton ami André un de ces derniers jours)