rétrospective 13.2
C’est cette nuit que, courants d’air aidants, j’ai pensé à deux trucs : l’un que je tais, l’autre que je découvre aujourd’hui ici alors que l’idée est de moi : tu comprendrais ça, toi ? Moi aussi. Alors je me suis dit, dans ces courants d’air froids et secs, laquelle donc choisir ? Parce qu’il y en a une, une seule qui sera prise. J’ai fait tourner le magnifique concert de Césaria donné à Paris il y a dix ans, la morna, j’ai capturé ça
évidemment il ne devrait y avoir qu’une seule photo puisque la rétro treize point deux est faite pour ça, mais tu ne mettras pas une seule photo si il y a un concert de cette dame bizarre adorable et pieds nus, alors comme il n’y a que la musique qui vaille, une sorte de souvenir (je ne l’ai jamais vue sur scène, sur scène je n’ai vu jamais que Patti Smith, Bob Marley et Bernard Lavilliers, Claude Nougaro et Georges Brassens, Pauline Julien et peut-être d’autres, récemment ? je ne sais plus, les souvenirs, tu sais ce que c’est, c’est là et puis tout à coup, un anniversaire – ma tante en tape quatre-vingt-dix-huit ce dimanche, je peux bien lui dédier aussi ce billet – ou un courant d’air, et tout se délite, tout s’en va et se reconstruit ailleurs, sur un autre air, une autre chanson, une musique différente et des paroles qui ne disent jamais autre chose) la photo gardée de l’année passée, la seule qui vaille même, s’il n’en avait fallu n’en faire qu’une seule, ç’aurait été celle-là, pourquoi celle-là ? Je ne me pose même pas la question, elle est venue presque en même temps que je me disais « oui, alors voilà, il y a aura ce premier truc, scinder le truc en deux et … », et oui, elle m’est apparue, parce que je pensais à ce qui était dit ici (on ne fait jamais que s’entregloser disait le bordelais Montaigne- il a son avenue à Paris, son cercle ou son club ou sa coterie, sans doute une promotion à l’école nationale d’administration, il a tiré sa révérence à cinquante neuf ans), c’en sera une d’un voyage, ah Istanbul, Istanbul, donc parce que très probablement, ce travail, ici, ne relève que du carnet de voyage, la musique seulement aussi, peut-être d’abord (ces voyages, que ce soit intra ou extra muros de cette ville lumière-tu te souviens des frères, tu te souviens de Méliès, tu te souviens du café de Paris, des scénario repris à la machine, des films découpés plan à plan dans les sous-sols de l’institut d’art et archéologie, tu te souviens et le temps en est passé…) relève aussi de la réalité de quelque chose que j’ai vraiment vécu et que je relate ici sans l’ombre d’une littérature mais elle se niche dans les mots même, la photo fait comme si les choses avaient vraiment existé et elles sont vraiment vraies, j’y étais je peux le dire : cette photo-là est importante parce que l’arrière fond est magnifique, parce que le type est assis là, montre quelque chose à son enfant, parce que on aperçoit les poissons dans l’eau, sous les arbres, parce que le ciel, les baies, les lianes, parce que sous le niveau de l’eau, dans l’ombre, parce que donc, il faut regarder le monde, vivre et respirer, nager et montrer, aller à la rencontre des autres comme les haïr, les aimer comme les éviter, faire en sorte que ce monde-là avec ses trahisons, ses meurtres même, ses ciels magnifiques
ou simplement égaux
ces lignes blanche sur fond de nuages, ces machines qui derrière elles laissent avec panache la trace de leur passage que le vent, lui, ôte de l’objectif, qu’on ne capture pas, le vent ni la lumière qui n’est déjà plus là, les courants d’air, les rêves, les joies et les amours, finissent-elles toujours mal en général, je ne crois pas et je n’aime pas le terme « général » il sent son militaire et sa discipline, sa lâcheté alors que ce qu’il nous faut pour affronter ce qui nous reste à vivre, c’est simplement du courage et de la chance, et du courage, encore, alors pour quatorze (nous sommes repartis, sans nous arrêter) comme pour toutes les autres à venir et celles passées (disons), il y a là et il y a eu, et il y aura à n’en pas douter, non, jamais je ne douterai de l’avenir, non jamais, il y aura donc des sourires et des pleurs et des joies et des musiques et des chansons et dans mes bras je les serrerai avant qu’elles ne s’échappent
Cette photo du musée de sciences de Barcelone est dédiée à Christine Jeanney et Maryse Hache