#42 Vases Communicants
C’est avec grand plaisir que pendant le week-end reçoit Dominique Hasselmann, tandis qu’il reçoit avec toujours autant d’aménité Piero Cohen-Hadria sur son blog, Le Tourne-à-Gauche, pour un vase communicant dont le thème retenu est le cimetière de Belleville.
Belleville sous le ciel et la terre (2/2)
Le samedi 26, j’avais téléphoné à PCH pour lui dire que j’allais faire un saut vers le cimetière de Belleville afin de prendre quelques photos : nous nous étions mis d’accord sur ce thème pour notre prochain « Vases communicants » (et je venais de lire Jean-Philippe Toussaint) : je lui ai demandé quand il comptait s’y rendre.
En fait, le métro est direct pour moi de République à Télégraphe (ligne 11), et l’ami Piero a bénéficié du soleil juste quand je quittais ce petit parc, au moment où quelques gouttes de pluie commençaient à m’asperger.
Ce qui frappe d’abord, à la station Télégraphe, c’est l’escalator interminable qui remonte du souterrain (le leader du Velvet Underground mourra le lendemain matin : Sunday Morning), comme si l’on était véhiculé d’une tombe voûtée, immense, pour aller enfin vers la lumière.
Je ne connaissais pas le lieu : un petit marché se tient juste à la sortie du métro, étals sans prétention et aux prix modestes. Au-dessus, rue du Télégraphe (20e), s’ouvre le cimetière de Belleville. Sur le mur d’entrée est clouée une grande plaque (je recopie une de mes photos car je suis limité par le nombre et les dimensions imposées) :
« Claude Chappe 1766-1805. Fit en 1793 sur les hauteurs de Belleville l’expérience du télégraphe aérien qui annonça les victoires des armées de la République. Emplacement de la propriété de L. M. Le Peletier Saint-Fargeau, Membre de la Convention nationale 1760-1793. Plaque apposée à l’occasion du 150e anniversaire de la Révolution française ».
Et comme par une coïncidence historique, deux imposants châteaux d’eau surplombent cet espace de repos « éternel », en dressant des antennes de télécommunications qui sont, comme l’on sait, toujours installées sur des « points hauts ».
Avant de partir, j’avais jeté un œil sur Wikipédia et j’ai donc demandé au gardien, dans sa petite loge, où se trouvait la tombe de Léon Gaumont (1864-1946) :
– C’est simple, m’a-t-il répondu, vous suivez l’allée principale, et c’est presque au milieu, juste sur la droite.
J’ai fait quelques clichés de la tombe de l’une des « figures » du cinéma et j’ai constaté que le juge Gilles Boulouque (1950-1990) avait été enterré dans cette même sépulture.
A défaut d’un vrai soleil, certains monuments funéraires l’ont capturé pour un temps indéterminé : souvent l’invention est à l’œuvre dans ces jardins où seules les feuilles mortes ne sont pas encore ensevelies.
La faute de frappe sera pardonnée, le temps est magnanime.
Couleurs d’automne, jeune arbre comme déplacé ici (expulsé peut-être, en provenance d’ailleurs ?).
Et puis, voilà une tombe peu commune : on pourrait soulever la plaque et voir ce qui se passe ou se complote à l’intérieur, ou lui laisser son rôle de sortie de secours pour certains des occupants du cimetière de Belleville. Ici, l’imagination galope et prend de la hauteur (128, 5 mètres), c’est l’un des deux point culminants de Paris avec Montmartre (130, 5 mètres).
J’avais trente-deux autres photos, j’ai choisi celle-là à cause de son tapis de feuilles sages.
En terminant ma visite, et en quittant le cimetière où je n’aurai en tout et pour tout croisé que deux personnes (mais il était déjà midi), j’aperçois le bar au bas de la rue. J’aime son nom tout simple, une sorte d’abrégé obligé, un signal rapide, un reflet, peut-être sans plus, de pensées grises, noires ou de nouveau ensoleillées.
texte et photos : Dominique Hasselmann
Les autres Vases Communicants se trouvent ici. Merci à Brigitte Célérier pour sa toujours patiente et aussi efficace recension.
[…] Aujourd’hui, j’ai le grand plaisir d’accueillir ici Piero Cohen-Hadria, tandis qu’il me reçoit sur son blog Pendant le week-end. […]
quel plaisir votre échange, curiosité, émotions, et superbes images (à reproduire sur les deux blogs)
J’aime beaucoup la sortie de service ! Pourtant il faudrait avoir prévu, même au-dessous des allées du cimetière, un sous-sol en forme d’égout ou de métro, pour permettre à tous les intéressés d’attraper la sortie ! Compliment pour l’échange, qui met en valeur une très agréable affinité entre D.H. et PdB !
déambulations croisées dans l’urbanité des places et des rues des villes des morts et des vivants – croient-ils parfois, les vivants de la ville – bruits et silence à perpète, argot sans faute.
@ brigetoun : vous avez inventé les « commentaires communicants » !
@ giovanni merloni : nous en avons déjà fait quelques-uns ensemble et comme nous habitons pas loin l’un de l’autre, ça facilite les thèmes communs et les rencontres réelles !
Chappe – art – exemple ! La dernière photo me rappelle la pochette d’un 33 T de Peter Gabriel (pas encore mort), avec spectre au volant par temps pluvieux. Bel échange en tout cas.
@ louise blot : l’argot escamote ou renverse des lettres (et des mots ou des pots de fleurs)…
@ dominique autrou : pas vu de chat rôder (ni l’ange Gabriel)…
La pluie est venue couronner le tout.
@ D.H. : les couronnes ne sont pas rares en ces lieux…
Vos deux textes s’envoient (se renvoient) des signaux comme le faisaient Belleville et Strasbourg en 1793. Que serait novembre sans l’orage et la pluie ?
@ Calypso : une sorte de danse de la pluie !
…Bigre ça « pulse » sec en suivant la longue jeune femme en bas noirs et accessoires rouges dans l’escalier mécanique… La vie bouge, file, roule, etc…
… la famille « Dardare » a achevé là sa course… Boulevard des allongés… Paix et silence éternels… Mais qui nous dit qu’ils ne vont pas en lousdé la nuit taper le carton au café « Le Télégraphe » ? Hein ? Qui nous le dit ?
@ LaLangellière : on sait qu’il s’en passe de belles dans les cimetières, une fois les grilles officiellement fermées le soir.
J’ignore cependant si « Le Télégraphe » reste ouvert la nuit très tard…
La 8e photo , c’est le tombeau provisoire où l’on place des cercueils en attente de sépulture. Le savoir rend votre texte très mystérieux. Vous avez une intuition vibrante de certains lieux ou objets.
Des châteaux d’eau pour un vase communicant, normal pour deux blogs qui sont de vrais forteresses du web! Merci pour ce bel échange!
@ Julien Boutonnier : merci, mais les pont-levis sont levés en permanence…
@ christiane : j’ai juste un peu imaginé, ne travaillant plus dans le secteur…