Pendant le weekend

Carnet de voyage(s) #57

Ce qui est préférable, c’est la musique. Le violon jouait au bout du couloir, le piano et le clavecin aussi. C’en est fini : ce n’est pas que j’ai peur de la mort, non, mais je ne voudrais pas arrêter de vivre, c’est surtout ça. C’est sans doute ce que je me disais, à un moment, parce que depuis longtemps, depuis toujours je ne sais pas, je ne sais pas exactement, tu sais, avant sept ans mes souvenirs ne sont pas clairs, mais je sais que si j’aime Brassens c’est parce qu’il chante en français, et qu’il connaît cette langue, je l’ai apprise à l’école, oui, mais aussi il y avait un cours d’arabe à cette école-là, et dans les rues, bien sûr que tout le monde parlait arabe et français, mais arabe, et français alors cette musique je l’ai avec moi, elle est là, même si j’écris en français, même si je ne sais dire en arabe que quelques grossièretés qui nous faisaient rire mais nous ne les comprenions pas, non, la Méditerranée, tu vois lorsque j’y retourne, c’est un peu toujours la même chose, c’est un peu toujours la même chose partout sur Terre, c’est un peu toujours la même chose quand on voyage, on a dans les yeux ce qu’on vient de quitter, Paris et ses promenades sous des arbres, et puis voilà, quelques degrés de plus, du soleil, des arbres et des fleurs

cette avenue se nomme la Rambla -au vrai elles sont plusieurs et on dit les ramblas – elles sont cinq dit-on, dont une « aux fleurs comme à Paris il en est un quai- , nombres de fleuristes, avec ces couleurs bizarres

ça crie, ça hurle, ça jure, il fait chaud, c’est le matin, depuis deux heures peut-être que l’avion s’est posé (les photos je les ai écrasées en en important de nouvelles) (j’en avais une du brouillard de soufre sur Orly à six heures – l’avion a eu une heure de retard), un café au lait un croissant (deux euros, en terrasse, au calme) (tu penses à Paris ? non, tu l’as oubliée, déjà) et je descends cette avenue (deux voies de voitures à droite, une à gauche) et ce théâtre (sans h), Liceu

son égide indique Calderon et Mozart, puis Rossini et Moratin, car telle est la culture, emprunte de cette nation, cette patrie, ce bout de Terre, ici de nombreux, très nombreux drapeaux sont pendus aux fenêtres, aux balcons, la Catalogne, du nom de cette place, là-haut, où aboutit le bus de l’aéroport (5,90 euros) (dit comme ça, on se croirait dans le guide du) (mais ne pas le dire, ou l’oublier ne permet pas de comparer ni de savoir combien le monde est fait pour les riches, les possédants, les mobiles-nomades-argentés : on peut marcher aussi certes), la Catalogne, et le catalan, le dialecte, non je ne parle ni l’espagnol (le castillan peut-être ?) ni le catalan, n’importe, un peu de franglais, un café est un café ici aussi, il fait beau, ici un hôtel

qui me fait penser à Cendrars ou à Montalban, je marche en faisant attention à mes affaires, il fait doux, tout à l’heure j’irai m’acheter une paire de lunettes de soleil (gaffas de sol, 5 euros), je rechercherai cette pension qui doit être carrer (rue) je ne sais plus quoi, mais non

passant par cette place sans le savoir vraiment, mais je la découvrirai magnifique, sans auto, cafés hôtels, magasins, luxe et bourgeoisie, continuer, chercher

l’ocre de l’astre, l’ombre des graffitis, la joliesse des choses quand on les apprête, on conserve la façade

des vieilles gens marchent, la canne le sac en bandoulière, la chemise courte aux manches, le blanc de la jupe, de la chemise, des cheveux, on travaille aux fondations

on ne le voit guère c’est secret, probablement, marcher dans cette ville, le soleil, je trouverai deux cahiers aux minuscules carreaux (j’offre des cahiers, hier à Erétria, aujourd’hui ici, que dis-je alors ? est-ce pour que vous écriviez ? je ne sais pas) il y avait là une boutique, quelques types couvraient des objets de plaqué quelque chose

un métal, j’ai craint de prendre la photo (depuis qu’à une séance de Sandra (Luchino Visconti, 1965) je crois, un sale type m’a invectivé, je n’ose plus vraiment faire le paparazzo), j’ai continué j’ai cherché sans la trouver cette pension, j’ai demandé, deux types adorables l’un parlait français, l’autre a cherché sur son smartphone, ils m’ont indiqué l’erreur, mais j’étais dans la bonne direction, j’ai croisé peut-être est-ce un parfumeur ? je ne crois pas

une paire de lunettes (gaffas, gaffas)(j’ai laissé les vénitiiennes sur le bureau), j’ai croisé ces azulejos

comme tout à l’heure au coin des ramblas

Barcelone serait-elle la ville verte, comme celle que j’aime la blanche ? je ne crois pas, des tons pastels habillent les murs, le soleil est au loin comme la mer, tout à l’heure, oui, nous irons sur la plage au soleil, mais pour le moment, la valise posée dans une armoire anonyme de la chambre 202, j’ai pris le métro (ticket 2 euros, mais par 10, 9,80) (ces rapports pécuniers commencent à me fatiguer, je m’use), je change de quai je me suis trompé de direction, impossible sans sortir, j’avise un policier, qui ne comprend rien évidemment, je ne parle pas je baragouine, il regarde mon ticket m’ouvre la porte avec obligeance, je prends le métro, plus propre que celui de Paris probablement, je vais jusqu’au parc (un avis d’une de mes filles m’indiquait « cool va voir le parc Güell », j’y vais) je descend à cette station au nom donné par un viaduc (je le retrouverai plus tard, Vallcarca) je monte un escalier, une rue en impasse, un autre escalier, il fait chaud, doux, chaud, l’ombre, des hommes mangent sur une table de fortune, un bidon sous un morceau de bois, je passe devant eux, je ne sais pas bien où je vais mais comme le chemin monte, je l’emprunte, je continue, des villas, des voitures, des ocres et des noirs, je continue et là, des panneaux verts m’indiquent l’entrée du parc, et je redescends

vit-on jamais de plus belle découverte, je sue mais le vent m’aide, cette chaleur, cette colline sur la droite c’est Montjuic, cette mer, c’est elle au loin, la Sicile, Malte, la Crète et Rhodes et son colosse, Alexandrie et sa bibliothèque et son phare

et de ce côté-ci les travaux (on ne voit guère les grues…) de la sagrada familia (soit la sainte famille) (toujours en travaux : quelle affaire…), les deux tours au loin sont sur le bord de l’eau, les tilleuls les oliviers, les essences inconnues, je redescends à présent (ça ne me plaît pas trop c’est qu’il y a trop de monde, je ne m’arrête pas) je descends, croise la maison de l’architecte, croise le monde, les colifichets, les musiciens, les groupes, les gens d’escale de croisière, les parapluies repliés brandis pour qu’on sache où se trouve le guide, je m’enfuis, presque, c’est que j’aime la ville et y marcher me plaît

ici l’homme est rentré avant que j’aie eu le loisir de lui tirer le portrait,  mais j’ai aimé ces roses, ces verts, je descendais doucement (la ligne générale -comme disait Eisenstein- la direction générale, elle aussi -vers le port)

je croiserais des avenues à angles droits, nombreuses, descendant

c’est le vert des stores que j’aime aussi, ce vert qu’on trouve à Gènes et ailleurs, il fait beau, doux, je prends un café sur ce coin

je regarde ces sonnettes

cette rue vide

demain, ici, une paella entre voisins

plus loin cette fenêtre cachée par cette paille, comme j’ai aimé cette façon de faire de l’ombre et du vent

j’ai marché longtemps, j’ai emprunté cette grande avenue, je ne sais plus son nom, puis j’ai croisé celle-ci

j’ai sans le vouloir ôté la statue du haut de la colonne, mais une ville qui a une avenue nommée Diagonale ne peut pas être complètement étrangère, tu ne crois pas, j’ai croisé ces gens

sur l’avenue ce restaurant lui aussi dans cette disposition

j’ai continué à des cendre, encore cette large avenue au milieu de laquelle on a posé un jardin, au loin brillait la mer, je ne la voyais pas mais je la savais là, je suis arrivé vers la poste où se trouvent neuf bouches de boîtes aux lettres, ces trois premières

plutôt locales, ces trois suivantes (moins aimées, sans doute)

j’ai aimé les reflets que me donnaient les vitres (je les ai découverts en regardant les photos, à l’abri du bureau), enfin ces trois dernières, où aller, je ne sais pas exactement

j’étais auprès des ramblas, je crois et devant moi, à mes pieds sur le sol, ces lignes mouvantes et ondoyantes

(la suite, la plage, Miro en sa fondation où prendre des photos est interdit,  le musée de sciences, viendra au temps deux de Barcelone, qui je crois, en comptera trois).

 

 

 

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3 Comments

    mes amitiés à cette ville
    J’aime que, s’il faut vraiment reconstruire une maison du barrio antico on garde la façade
    je ne suis jamais allée au parc Gëll, mais à Monjuic, si, et avant les travaux très anciens aujourd’hui pour les jeux
    et j’aime les ramblas, l’hôtel Colon, le musée Miro, un musée dont je ne sais plus le nom près de la Cathédrale plein de christ effrayants, et le musée de la mer
    et comprendre mieux les écriteaux en catalan, sans l’avoir appris, que ceux en espagnol, dont je devrais avoir des notions, et les marchés et…
    pardon de squatter ainsi

  • non, vous ne squattez rien, ici c’est ouvert et on fait ce qu’on veut (tant que ça ne me gêne pas) bienvenue donc, tant que vous voulez (bientôt Montjuic et la fondation Miro…)

  • derrière la voiture verte comme un air de Barceloneta et de ses dernières anciennes maisons de pêcheurs