Carnet de voyage(s) #53
Ils se terminent, ces carnets, pour ce voyage-ci du moins, et donc récapitulons : une maison magnifique parce que vivante, oliviers et autres arbres (je ne sais son nom)
moutons et feu de bois, poissons et slatam mechouia (poivrons tomates ails grillés, puis épluchés et coupés fin assaisonnés d’huile d’olive saler poivrer, servir frais), amis et rires, chats
un chien
passe dans le champ
comme j’ai aimé les motifs de la table
dehors, sur la terrasse blanche, et jeux de cartes et soleil, vents légers et sable noir, un cocktail difficile à réussir, mais voilà il y manque les bacs…
Comme je les ai aimés, ces bateaux, l’un d’entre eux
surtout, que nous n’avons pas emprunté mais qui était là, qu’on repeint
attaché à la jetée (cette jetée comme celle d’Orly, si peu fréquentée ici pourtant), ici un homme y entre, il y est encore au fond, repeindre le bleu le jaune et prendre la mer, le blanc lui aussi
et pour repartir le rouge tout à l’heure, et le port donc, le port où le bac attend
tandis qu’un pêcheur
son pliant
et ses cannes à pêche
(j’ai pensé au notulographe et à sa Creuse de tous les ans) le port, c’est au soir
et merci de nous avoir invités (merci, A.et G.) ce soir-là, allons-y
portons des vêtements propres, couvrons-nous un peu, le soir tombe et le pêcheur est là devant ce bac jaune
aux tables voisines
on discute, rit
parle
le patron du bar, un gros homme en short, torse nu, un verre de vin blanc, un verre d’ouzo, un jus de pêche, le vent doux et léger, l’eau quelques vagues, au loin le pêcheur, les voitures embarquent, le port
le soleil s’en va doucement, le pêcheur vérifie ses appâts
ce jaune ce bleu, cette passion et cette tendresse, je n’ai pas pensé à Lisbonne ni à Belém mais le blanc comme les couleurs, le bleu du ciel comme celui des eaux, le soir quand la peau tire de trop de soleil comme de sel, qu’on la couvre d’un vêtement léger de coton, la tiédeur et les odeurs de l’iode, les verres sont arrivés, il fait doux, tu vois, et comme le temps passe doucement
comme les lumières vont s’allumer et qu’on apporte le poulpe
les concombres, les olives et les tomates, l’apéritif sur le quai du port, le bac qui est là, jaune, bleu noir, la casquette du pêcheur, blanche, j’ai pensé à Mark Rothko mais de couleurs chaudes, j’ai pensé à Edgar Hopper mais des gens qui rient et vivent, les verres et l’houmos, les sourires et les cadeaux, les lumières qui vont briller bientôt, les étoiles qui au ciel s’allumeront, la douceur de la vraie vie, la seule qui vaille, quand même les manifestations de la place Syntagma ou Taksim, ou celles de la Tharir, celles de Tunis, Damas, Alep, tant et tant de pertes, de morts, de pleurs, tant de tristesses pourtant non, l’eau bouge doucement ses vagues tremblent tranquillement sans crainte, et les regards des amis, la réalité de la chaleur emmagasinée toute la journée et qui sourd des pierres du port, les couleurs, cet homme sur son pliant, ces gens, regarde comme le monde est beau pourtant, le soir lorsque seules restent au loin les lumières du continent
le lendemain, le bac rouge viendra nous emporter
et le lendemain vers Paris, l’avion
les cieux et leurs nuages, on oublie peut-être mais oui, à nouveau et bientôt oui, même si tant et tant de difficultés nous assaillent, même s’il faut bien que cette jeunesse se passe et que cette vie elle-même s’écoule, regarde il fait doux
le soir, sur la terrasse la table comme cette double hélice, noir et rouge, fixer l’heure au réveil
préparer les sacs, et oui bien sûr, oui, évidemment
bien sûr qu’on reviendra
Ces bleus et ces rouges, ce jaune, ce pliant, et le patron qui fait penser à Ozu à cause de la boisson qu’il sert : comme un film que l’on se repasse, souvenirs de vacances – mais pas vacance des souvenirs – la peinture photographie l’espace mental, la douceur de l’air est là et la mer jamais ne te lassa…
[…] celle de Fécamp, ailleurs ce serait celle de Malaconta (il n’y avait qu’une plage, oui), les choses qui sont là, on les prend, on les […]