Oublier Paris #31
Rubrique(s) : Carnets de Pierre Cohen-Hadria / Oublier Paris / Ville (ma) vue du sol
27 septembre, 2011 2On pourrait faire de même avec toutes les rues de Paris (plus de six mille billets), les parcourir d’un bord à l’autre, prendre quelques clichés, illustrer le détail, remarquer quels sont les individus qui ici ont vécu (les livres de Didier Blonde en poche) et marcher, encore même si nos pas, on sait bien où ils nous conduisent.
Hier, depuis quelques jours, il fait beau sur Paris.
La ville, les couleurs, l’air lui-même tout est brillant. Je suis passé sur le quai venant du parc. Je n’avais pas d’intention (je n’ai jamais d’intention, sauf aux vases communicants, et encore), je pensais (comme souvent, ces temps-ci) à ce travail virtuel (mélico) et aux autres, les différences et les relations, je pensais au temps qui passe… Il y a sur cette rive du canal (mais laquelle est-ce ? la droite ? la gauche ? Un canal n’a pas de sens, alors ce doit être celle du sud, je suppose, si celle d’en face est au nord) beaucoup trop d’immeubles immenses d’habitations comme on dit de nos jours.
Des travaux un peu partout aussi, on marche. La Centrale, il y a peu, avait cet aspect
on s’est entiché de la détruire, ainsi commença-t-on
ainsi pourtant était-elle
Il faut que changent les choses.
Sur le quai, en effet, les choses avancent
et la destruction est en marche
on passe, car le temps presse
la fresque due à Da Cruz est en passe de disparaître – tel est son destin, comme le nôtre – on avance
laissant derrière soi cette relique, revenir cependant, fixer un peu au moins
le temps qui s’enfuit, des immeubles d’habitations, mais se souvenir des belles choses,
le long du quai, oui, probablement mais des gens, qui lisent ou qui pêchent
il y a là le pont levant de Crimée, le quai de la Marne qui s’en va, on retourne, ici
cette petite plaque au dessus de la grande, plus neuve peut-être, le mont Gerbiers des Joncs, on se souvient de la 10°, on se souvient des cartes de France en plastique qu’on détaillait et décalquait, on se souvient des couleurs et on marche devant soi, les vélos
le règne de la petite Reine un peu différente
on avance, à sa gauche des immeubles, à sa droite des arbres et des orgues
où vivait (j’invente, ou j’ai de la mémoire ?) la nourrice du petit
batteur du 103 bis (les deux, oui), je ne sais plus, on regarde devant soi, on regarde sur terre
oui, est-ce l’automne, est-ce ce temps doux, on repense alors là-bas, souviens-toi, l’hôpital, c’était en juin, souviens toi en marchant je me souviens, les maladies infectieuses aujourd’hui, ne pas penser à ça, mais plutôt avancer, le bruit de l’eau
ici un hôpital de jour, je me souviens, des immeubles d’habitation, quelques restaurants et quelques bars, le quai de la Loire, oui, le parcourir et croiser
les gens qui passent, le portable à la main comme moi, regarder le ciel qui bleuit
des gens travaillent, il est deux heures et demie, là-bas brille la paix disait Claude Nougaro (« Paris Mai »)
et les chansons brillent aussi, je me souviens de ce temps où je marchais sur le quai, Anatole France, celui du fleuve, je me souviens qu’alors mon frère vivait en Italie, et ma mère rue Fabert, les beaux quartiers, je me souviens de lire « Aurélien » dans le métro et de ne prendre le métro que pour lire, parce que, parfois il sort de terre et nous découvre Paris
ma ville, mais sans ceux que j’aime ?
Jamais.
Billet dédié à mon frère et au Chasse-Clou.
encore merci pour la balade
Le Chasse-clou, même planqué sous un autre nom, te remercie !
Marrant, car hier j’étais de l’autre côté, quai de Seine, c’est-à-dire en face, dans une salle obscure avant de retrouver le ciel bleu Provence, les métros en l’air comme les têtes et la chanson tenace « Nights in White Satin » à cause du film de Bertrand Bonello qui ne craint pas de faire valser le(s) temps (lui il a toujours un « s »).
J’aime tes photos et leur puzzle et la musique des mots alliée aux images. Tout cela fait une carrousel lancinant.