Carnet de voyage (s) #2
Dans le train qui relie Turin à Gênes, on croise des gens qui mangent, boivent rient écrivent.
Le compagnon de celle-ci avait sur les bras des tatouages, et c’est la marque de la plupart des jeunes gens, ou moins jeunes d’ailleurs, d’une allure semblable et identifiable, filles ou garçons… Montrer.
C’est une ville qui est comme sur l’eau.
De la fenêtre de l’hôtel, on a une vue splendide sur les voies et les quais de la gare Principe.
On entendra les trains arriver, partir, revenir. Du sixième étage, le port, les immenses navires de croisière.
On y trouve un phare, nommé « la lanterna » (chez nous, c’est une autre évocation) : ici,, elle guide les bateaux à la nuit.
On arrive, il est temps de se reposer un peu, un plan, un livre, une douche. Puis se promener en ville, manger une pizza dans une salle sans fenêtre, on mange, on paye, on vérifie l’addition. Ah oui, pardon, je me suis trompée, dira-t-elle. On emprunte la via Baldi, les palais, celui dont le jardin, la terrasse donne sur le port. On découvre alors la voie rapide surélevée qui défigure un port qui n’en demande pas tant. Deux fois deux voies, à quinze mètres du pavé : si la rue, au sol se nomme Antonio Gramsci, la voie surélevée porte le nom d’Aldo Moro (le compromis historique,la démocratie chrétienne, l’enlèvement à la sortie de la messe de huit heures, l’assassinat et la mort dans une 4L à mi chemin des sièges du PC (rue des Boutiques Obscures) et de la DC… ). On pense à Steve Mac Queen et à « Bullitt » (Peter Yates, 1968)
On prendra des photos parce qu’on aime témoigner, c’est ainsi. On ramènera des cartes postales, on lira des livres écrits par des Italiens, même si on agonit leur minuscule « émitenza » sans aucune majuscule de courtoisie.
Après tout, ce ne sont pas leurs dirigeants qui font les peuples, probablement. Sans doute un certain mérite s’exerce-t-il. Mais c’est l’été. Le soleil se lève aussi, il fait chaud, le vin
parfois lourd, les repas à spécialité (des linguine aux calamars, délicieuses) on regarde des fenêtres les passages des perroquets, au ciel les avions iront se poser sur la mer, derrière le phare, les ferrys s’en iront, tonnant dans le porto antico, et on regardera s’éloigner, sous ce panache de fuel, comme le kérosène des avions, ces immenses constructions flottantes, qui, au loin, ne seront plus que des points…
ce mystère : me sens méditerranéenne, et suis souvent révulsée par les idées de mes co-méditerranéens – le népotisme, le clientélisme sont ancrés depuis Rome, et on y ajoute souvent le culte du chef et le refus de l’autre.
Et puis j’aime tout de même les gens, avec la petite méfiance de rigueur (universelle sous les grandes démonstrations)
J’aime l’évocation, dans les lieux ferroviaires et portuaires, de Gramcsi et Aldo Moro, l’Italie est un peuple où la politique fait partie du pays (revu récemment en DVD « Je suis un autarcique » de Nanni Moretti, son premier film) dont on ne peut douter du sursaut.
Les tatouages : auparavant réservés aux légionnaires et aux taulards, maintenant le signe banal de la pseudo-originalité !
le rapprochement Gransci/Moro est saisissant en effet… merci de passer Dominique (je crois qu’il y a une rétrospective Nanni Moretti à la cinémathèque cette année… : on ira!)