Oublier Paris #17
Rubrique(s) : Carnets de Pierre Cohen-Hadria / Oublier Paris / Ville (ma) vue du sol
16 septembre, 2010 1On attend la sortie du petit à Bruxelles aujourd’hui.
On a entendu celle d’hier, devant des sénateurs paraît-il. On regarde les avions qui décollent, les gens qui les empruntent, on a vu comme d’habitude depuis bientôt dix ans, ceux qui se fichent dans les tours jumelles. On entend aussi les paroles laudatives du transalpin,
les deux mêmes vulgarités, les deux mêmes incultures, les deux mêmes idéaux. Mussolini et Franco. Salazar et Pinochet. L’histoire ne se répète pas, elle bégaye disait je ne sais plus qui. Karl Marx. Il est certain que plus ça ira et plus il y aura d’étrangers.
Les affaires sont les affaires, et elles continuent. On regarde le temps qui passe, septembre est clément, presque doux.
L’histoire peut aussi se trafiquer en oubli.
On attend les élections de 2012, on défile dans les rues parce que c’est nécessaire, les angoisses enflent, on se suicide toujours chez France Télécom mais on n’en parle plus, la milliardaire était sénile, oui ou non, les avocats s’entre-étripent, le président du sénat a même daigné recevoir et entendre les syndicats (quelle ouverture d’esprit), on travaillera plus longtemps parce qu’il n’y a pas de travail pour les jeunes,
on tirera chacun dans son coin, on restera seuls et individualisés face à nos contrats de travail, on attendra qu’on veuille bien nous donner la joie, la grâce, le plaisir de enfin gagner deux euros cinquante l’heure, en Bulgarie, pour pouvoir payer nos impôts (« charges » sociales : connaît pas – guillemets parce que ce ne sont pas des charges, mais des précautions et des assurances : le vocabulaire lui-même est aux mains des dominants).
Pendant ce même temps, sur ce même monde, cette même Terre, un milliard d’êtres humains, comme vous et moi, deux yeux, deux jambes, un sexe et neuf orifices, meurent de faim ou de soif. Pendant ce temps-là, sur cette même Terre, sur ce même monde qui se sent si décomplexé par rapport à l’argent, abus de pouvoir,
le Sacré Coeur, en l’honneur de l’ordure monsieur Thiers
casse systématique de la sécurité sociale et du code du travail, imposition des indemnités versées pour accidents du travail, défiscalisation des salaires du petit personnel, villa Montmorency, Cap Nègre, clubs, seizième, Neuilly, son fils Jean, son ex-femme, ses amis hauts placés dans le classement de Forbes ou de Challenge.
Pendant ce temps-là
Beau, très beau texte.
H