Très, très bien.
Je suis allé écouter Annie Ernaux à Beaubourg, lundi soir.
Il y avait foule.
Elle nous a parlé des raisons de son écriture. Pourquoi écrire, sans doute question un peu bête, mais sa réponse fut : pour être utile. Utile au monde, utile aux autres, utile aux femmes comme aux hommes. Elle s’est révoltée contre le fait du classement de ses livres en « littérature féminine » dans certaines librairies.
C’est qu’en écrivant, elle est une femme mais que ce classement la révulse. Puis classe-t-on les hommes écrivains dans une catégorie « littérature masculine » ? Cette question des catégories est simplement à la base de la base de la sociologie : nous autres ne faisons que ça, classer, établir des catégories, fonder des classes, essayer de comparer celles-ci avec celles-là. Il n’est guère surprenant d’ailleurs que cette femme ait aimé ce qu’écrivait mon maître (bien qu’il ne m’ait jamais rien enseigné que quelque chose comme l’humanité : je l’ai rencontré en vrai deux fois, l’une aux Cahiers de Colette où il signait son livre « Sur la télévision », et lorsque je m’en fus, il me dit « alors salut ! » en me souriant et me serrant la main) : je n’ai pas du tout été étonné d’entendre Annie Ernaux dire que, par exemple, « Les Héritiers » était un livre qui avait bouleversé sa vision du monde, ou sa vie. Il en a été de même pour moi, avec celui-ci « Un art moyen ». Ou plus tard, cet autre « La Misère du Monde ». J’aime la photographie. J’aime Pierre Bourdieu et la photographie.
Et de voir Annie Ernaux, rebelle, refuser de répondre à des questions qui ne la concernent pas, dire qu’elle ne veut pas écrire sur des sujets qui ne l’intéressent pas, dire qu’elle avait commencé tard à écrire (vingt ans…), qu’elle tient un journal, me l’a rendue plus proche. La voyant parler, je n’ai pensé qu’à une seule chose : un cristal. De celui qui rompt les vitres, et que rien n’entame. Un vrai être humain. Plein et entier. Fort et charmant. Dur et intransigeant. Très, très bien.
Une auteur sincère, belle et humaine dans ses propos. Et qui répond en toute simplicité à une lettre…
Et Les Années, Folio 5000, très très bien aussi, nous sommes d’accord.
En effet. Et si elle répond aux lettres qu’on lui envoie, c’est encore mieux. Nous sommes, en effet, d’accord.
des ouvrages remarquables !