Luciano Tovoli au jeu de Paume
Vendredi, vers 16h,
dans le petit auditorium du jeu de Paume (80 places),
voici Luciano Tovoli
qui nous parle.
Chun-Chun Wang et Luciano Tovoli
Chef opératuer magnifique, ou directeur de la photographie – lumière et éclairage…- d’un classicisme formidable : avec Nestor Almendros, fin de leurs études dans le même cursus, ils se promettent d’agir avec le même credo : « la lumière naturelle, rien que la lumière naturelle ».
Pour Almendros (« les Moissons du Ciel » -Terrence Malik – Days of Heaven- 1978, entre cent autres photos extraordinaires, souvent avec Rohmer, Barbet Schroeder qui était là, Truffaut), cette maxime sera formidablement détournée, apportant le génie de la compréhension des plans et des récits.
Luciano Tovoli, d’une manière aussi semblable, se sert de la lumière, naturelle, pour lui imprimer couleurs et choix : la lumière, rien que la lumière. Il nous parla de ses films, de Vittorio de Seta (« Banditi a Orgosolo »),
de sa rencontre avec Ettore Scola, dans le train qui va de Rome à Cinecitta (la gare de la place de la Pyramide), comment un dimanche après midi un petit homme en short, sandales et chemise hawaïennne vint sonner à sa porte : Andrei Tarkovski (et moi, plus que ce cinéaste, son Stalker, saNostalghia, moi, ce que j’aime c’est de savoir que c’était un dimanche après midi). Il nous indiqua les bienfaits de la technicolor, les trois spectres, la façon de se servir de la couleur, le métier de ne pas faire un cadre, de ne pas parler avec un réalisateur, surtout si celui-ci ne dit rien, ce ne furent pas des anecdotes mais des détails, de profondes considérations sur des faits minuscules (comme ces machinistes qui fument, le scotch qui se décolle, le plan à refaire : c’est ainsi).
Comme Almendros, faire la photo des films de Barbet Schroeder. Se mettre tous au service du film. Et le directeur de la photo, au service du décor et des acteurs (les stars, les pas stars :
Monica dans « L’avventura »
) mais j’ai oublié de lui demander (je n’ai pas pris la parole) : « mais, et Pialat ? »).
Alors l’un des plans séquence les plus somptueux du cinéma de tous les temps et de tout l’univers,
le dernier
près de l’amphithéâtre, Maria Schneider (comme un hommage)
son ombre passe (elle s’est enfuie…)
(les 3 derniers de) « Profession reporter »
somptueux car il réunit, en une prise (une grande semaine de tournage tout de même), la problématique entière du film, le cinéma par magie y échange les rôles, la mort hors champ, les tractations avec la police et la loi, la chaleur du désert, l’amphithéâtre et le décor de l’hôtel, construit : tout le cinéma, rien que du cinéma. Une merveille donc.
De la même manière, sans doute plus violemment, « Suspiria »
(Dario Argento, qui est au film d’épouvante ce que Roger Corman est à la série b, les séances de la cinémathèque universitaire, les films présentés par Claude Beylie, (c’était mon prof à Paris 1), j’aime savoir qu’il est parti d’ici à Cannes, lui qui l’aimait tant) je me souviens…
La découverte de ce film adapté de Shakespeare,
« Titus » qui semblait chorégraphié (on en a vu le générique,
Luciano Tovoli nous a expliqué comment le distributeur Fox en a détruit la carrière – réalisé par Julie Taymor), à demi-mots, la compréhension des relations qui tiennent serrés à s’empêcher de bouger réalisateurs et producteurs (à s’ôter toutes possibilités de bouger…), une carrière dans un monde de brutes, une jungle, la veine si féconde de la comédie (et on peut aussi penser que, de Ettore Scola à Gérard Oury, en passant par Francis Weber,
son « dîner de cons », en particulier – on a salué Jacques Villeret-
– même si la rame de TGV n’est pas raccord puisque de double, elle passe à simple : n’importe…? – de l’Italie à la France, la connexion de la comédie – Luciano Tovoli a aussi éclairé « la Cage aux Folles 2 » – s’affirme en une tradition, que peut-être bien, la nouvelle vague agonisait…) (mais toutes ces coproductions franco-italiennes d’avant l’ignoble télévision de sua emitenza), la tentation de la télévision (le film de Chine d’Antonioni « Ching Kuo Cina », tandis que Joris Ivens faisait du cinéma -né avec le cinéma, 1898, mort en 1989-, lui aussi, dans les débuts des 70’s, avec « Comment Yu Kong déplaça les montagnes » co-réalisé avec sa compagne Marceline Loridan), un passage dans les quarante dernières années, quatre vingt films, des chefs do’euvre, d’autres moins réussis, et le travail, toujours, ces dix douze quinze heures par jour, cette passion intacte, « on me dit « prends la caméra à la main et viens »…, je viens tout de suite! » il rit, son foulard rouge autour du cou, ses amis aux cheveux blancs, les siens, une salle conquise. ..
Dehors, la nuit, la tour Eiffel, au loin, l’obélisque auprès, et la grande roue lumineuse….
La lumière naturelle…
On remercie Christian Delage pour cette master-class (tout comme lui, Luciano Tovoli, élégant et courtois, qui après chaque question remercie celle ou celui qui la pose…)
[…] C’est un rendez-vous. Le premier fut au 104, le deuxième au Jeu de Paume. […]