atelier été 2020 comme un roman (11)
Gantés
urines claires, selles bien formées, treize/sept et trente-six deux au lever, dehors temps clair et chaud – à travers les persiennes bleu clair le soleil chante doucement – les tropiques, la chaleur de la vie, la santé et la sensation d’un bonheur tranquille – rêver – ouvrir les yeux, assis dans un fauteuil d’osier, il n’est pas sept heures, les mains non encore nouées de l’arthrose coutumière, coupures et coutures, ongles faits et lunules transparentes, la peau qui plisse un peu grande doigts écartés et paumes extérieures, il regarde à travers elles la couleur du sol de la petite maison, de plain-pied, il se lève gagne la terrasse à l’arrière – les crispations des vertèbres, les douleurs aux muscles contractés vieux os réveillés orteils savates avachies de velours, pyjama rayé les yeux commencent à pleurer des souvenirs, il n’en a plus, il n’en veut plus, il ne les cherche pas : vivre encore aujourd’hui, comme hier respirer cet air clair et doux, et demain recommencer encore et encore, juste pour sentir en soi ses propres muscles, ses humeurs, sa mine son teint son corps – il s’assoit sur le fauteuil à bascule, sur la table est un verre vide, sous l’auvent il reprend son souffle douleurs aux côtes au cœur qui s’emballe, pose sa main gauche sur le rebord de la table, la droite ouverte sur son cœur veines couleur de ciels articulations blanchies jointures difformes, le siège va se balancer doucement, il se lèvera, ses yeux bleu clair aux petites rides transparentes il se lèvera, un peu plus tard, ira chercher un peu d’eau pour ses médicaments ; les pieds nus glisseront dans les sandales, il s’habillera, plus tard – il n’est pas sept heures, c’est le matin, elle va venir lui porter quelques fruits et biscottes pathétique comme elle se trouve exacte, sept heures trente tous les jours, sait-on jamais ce qui prend les gens ? Accepter. Rester calme et refouler les souvenirs oublier les actions de ces mains-là, avec ces mains là, surtout ne rien écrire, les gants du meilleur faiseur, ajustés, de veau noir, tenir la cravache la battre régulièrement sur les bottes, ordonner puis hurler – oublier, refouler – cesser de fuir mais non, partir dix fois, vingt fois fuir, fuir encore il se lève va remplir son verre, le tient en main, une vague sensation de frais, un léger tremblement, voilà que ça le reprend battements aux tempes et au cou – il cherche la boite, le matin la verte, il en sort une pilule, puis une autre, il boit et tremble : simplement boire le rend anxieux, l’envie de mourir de vivre et d’échapper à la terreur, il reprend souffle avale l’autre pilule, l’envie de vivre de respirer librement, le verre d’eau vidé il le repose sur la table, essoufflé s’assoit sur le fauteuil qui bascule, tente de reprendre vie : c’est là, ça le tient et ça ne lâchera pas
des gants noirs en pécari empêchent les empreintes, il marche poings fermés un pas puis un autre avance rapide et déterminée, ici à droite avancer par ici, le poids sur le côté gauche sous le bras blouson fermé, capuche, noir il marche sans bruit avance change de direction, dans l’ombre – tient-on le compte de ces actes-là ? Dans la peau des mains, garde-t-on la marque la griffe le signe de ce qu’on en a fait ? Il marche, dans les poches ses poings, tout à l’heure, démonter et graisser comme sans y penser, nettoyer remonter des gestes appris par cœur des encoches des numéros limés des mouvements précis et sûrs, culasse glissière tenir sentir reconnaître le poids, remonter essuyer visser le silencieux essayer faire jouer charger ranger – répéter le chemin, à l’aller et au retour, il s’allonge les yeux au plafond, les bras le long du corps et les mains ouvertes paumes à plat sur le couvre-lit, il reste là – poings serrés, avancer ganté, nuit noire entrer : c’est assis qu’il dort – se saisir de l’arme faire jouer la sécurité la porter, la tenir, la serrer l’armer l’oreiller sur le visage le genou sur les poumons pousser serrer tenir et faire feu une délivrance, un bon motif, un contrat, rien ne justifie la répétition par quatre fois, presser la gâchette par quatre fois, rien – poser sur le rebord de l’évier une des quatre douilles puis démonter le silencieux, le glisser dans la poche gauche, remettre l’arme sous le bras, gauche, s’en aller – l’autre chemin dans la nuit, vérifier qu’il n’y a personne et le noir, jeter l’arme dans un égout, le silencieux dans un autre, continuer son chemin, la capuche la retirer sous les arcades, ouvrir puis refermer les mains en cadence, marcher avancer remonter l’avenue, dans les poches à présent pouces et doigts serrés, l’escalier du service, la clé la poignée les deux mains ouvertes, les contempler une seconde : aucun tremblement, aucun signe, aucune alerte, fermer derrière soi, ranger ses affaires et s’allonger, sans dormir, s’allonger les yeux au plafond, les bras le long du corps, les mains à plat sur le couvre-lit, et là, attendre le jour
{il a fallu deux mouvements, je garde le troisième pour la 12 (la voisine) peut-être, sans réussir à déterminer pourquoi ne pas garder pour la suite l’un des deux; ils ne sont plus exactement ni jumeaux ni frères, les moments sont distincts, ils se sont dissociés sans doute font partie de la même histoire cependant ; des traces, des points de fuite, des indices, sans doute en reposer en allant – peut-être bien une forme – rien de sûr par rapport au reste du « roman » s’il existe s’il se tient là s’il vivra, on verra – malgré tout, cette mort qui met en scène une délivrance, on se dit qu’il ne vaudrait mieux pas (les mots d’un de mes profs de socio « vous êtes un moraliste ») – on verra}
ressenti la crudité vraie (mais travaillée) du premier mouvement
assisté au second.
faudra que j’y revienne en meilleur état (suis un peu brumeuse là)