Oublier Paris #65
Ce billet est une contribution, assez humble, au travail, entrepris par l’Employée aux écritures, de reconnaissance et d’historicité de la pointe Cardinal-Lemoine/ Fossés Saint-Bernard située à Paris 5, lieu où voici quarante ans (mais pour moi, il s’agissait de Paris 6 – point de cheval en ce lieu-là…) on menait des études dont l’objet étaient les sciences dites dures – pour ma part, j’ai cessé ce passage ici vers, une licence de mathématiques pures en poche, la fin du mois de juillet 77.
Il se trouve que l’Employée aux écritures a laissé ses pas la conduire vers ce lieu, il y a quelques semaines, et passant par là, allait à un séminaire sur la rive droite (le hasard existe) : alors, nous ne fréquentions guère ni ce café (La fac), ni ce garage (à la marque chantée par Janis Joplin, ô Lord) , ni rien dans ce territoire (nous, je veux dire mes amis d’université et moi), mais voyant son billet, ce jour-là, j’ai eu l’impression de quelque chose d’en effet passé. Passé là, dans les années de mes vingt ans, non plus tant par ce trottoir, ni par ces rues : le souvenir de la rue du Cardinal-Lemoine est double : d’une part, au coin du boulevard Saint-Germain se tient un café où eut lieu un règlement de compte – deux ou trois morts ? Un seul ? je ne sais – armes à feu, mafia, pastis, complets veston – années 70… Par ailleurs, les études de sociologie me conduisirent là, plus haut que la rue Monge, au CSE vers 98, pour y rencontrer Gabrielle Balazs, je cherchais alors un directeur de thèse.
Ici donc, comme une sorte de préhistoire de ce lieu qui se meut en quelque chose de terriblement contemporain : on en reparlerait, certes.
On n’oublie pas non plus (et évidemment – comme cela va sans dire, cela va aussi mieux en le disant) que ces images, ces photographies peut-être, ces illustrations qui n’existent qu’à travers ces écrans sont peut-être dignes de foi, mais aussi à ne pas croire : si le miroir, la petite bibliothèque, et tant d’autres choses existent sans doute dans ou à l’intérieur des bâtiments qu’on va voir, la qualité de ces images, illustrations, photographies ne vaut pratiquement rien, ce n’est qu’une vue de l’esprit en regard de celles montrées et réalisées par une personne : les images d’ici sont désaffectées, et si on croise ici un fumeur, là une ombre à l’intérieur d’un garage, ou d’un bistrot, c’est le fortuit qui s’exerce. On aime le hasard, mais on aime aussi, de l’humanité, son émotion.
Le robot débute ses investigations publiques vers 2008
à peu près ainsi. Les artefacts étant ce qu’ils sont, aujourd’hui, on dispose de ceci :
(à droite, bord cadre, l’université pas encore désamiantée) même axe, en changeant ceci :
On peut déterminer ce qui s’est passé de nos jours : le garage (cette construction qui prend la presque toute pointe de l’îlot (marque allemande, on verra) se tient droit et fier ici. Il sera détruit fin 2016, je pense avec les immeubles alentour (les trois ou quatre qui font le nord de l’îlot ici vers le bas de l’image (on compte le garage, l’immeuble au toit rouge qui donne sur la rue des Fossés Saint-Bernard, puis en allant vers la rue du Cardinal-Lemoine (en bas du cadre) les trois qui forment les abords de la cour du garage (la petite bibliothèque doit se trouver dans l’immeuble de la cour). On descend.
Ici côté rue des Fossés-Saint-Bernard, là côté Cardinal-Lemoine
nous sommes en juillet 2014. Les abords n’ont guère évolué : ici le magasin de jeu vidéos
s’est plus tard transformé en épicerie àlak où les étudiants vont acheter quelque sandwich triangle à 1,05 jambon-beurre
au même 35 Cardinal, le café qui fait le coin Jussieu lui aussi a évolué (je me souviens qu’il se nommait étoile d’or): il est devenu l’Etoile
deviendra pizzeria
(image de juin 2015) (les jeux vidéos se sont tirés eux aussi) (de nos jours, il s’agit d’une brasserie) mais le garage ici reste entier : on discerne cependant une toile bleue laquelle informe
du « grand lancement » de l’entreprise immobilière (juin 2015). Des studios jusqu’au 5 pièces, nul doute qu’il en coûte deux bras/deux jambes et tous les organes afférant, n’importe : le succès commercial est « grand »
il en restait encore quelques uns cependant (septembre 2016).
Nostalgie cependant du garage – j’avais un oncle qui organisait les destinées d’un garage, en bas de l’avenue de France, Habib était son aide ou un des mécaniciens, mon père y travaillait années 50, sans doute, et ce garage dans mes années d’études avait-il quelque chose de semblable à l’idée que j’en avais. Ici un homme attend, fumant
on voit le traversant du garage (zoom avant
chauffeur sans aucun doute (juin 2013) attend que ça se passe, qu’on lui apporte son auto, cette plongée aussi dans la rue du Cardinal-Lemoine au loin (et ces berlines – féminin de Berlin, certes)
il arrive que certaines images nous parviennent aussi des intérieurs, mais ici, point : tant pis.
La police veille. Je pose pour finir une photo du boulevard que j’aime simplement du fait de sa présence sur le bureau
pour que les rues demeurent toujours aux humains, il fait doux, on suit, on verra (boulevard de la Villette, fin d’été)
Avec nos remerciements (et nos compliments) à l’Employée aux écritures.
Remerciements et compliments que je vous retourne : magnifique !
passionnant
Garage-band : tout finit en musique…