Aldo Moro résumé 2 (prolégomènes)
Les choses arrivent quand il le faut : Aldo Moro a été enlevé à la suite d’une série d’attentats, perpétrés par l’extrême droite à laquelle est attachée comme la carotte au bâton les services secrets italiens – militaires et civils. Cette façon d’opérer (modus operandi) tient lieu de politique : elle a été nommée « strage di Stato » ce qui peut se traduire par « massacre d’État » ordonné, exécuté, couvert par l’État et son droit. Son armée, sa police et sa magistrature. Après ce qui a aussi été appelé « l’automne chaud » de 1969, le 12 décembre de cette année-là, une bombe explose dans une banque de Milan : dix-sept morts et quatre-vingt-huit blessés (le même jour à Rome, une autre bombe : plusieurs dizaine de blessés).
Le 22 juillet 1970, un attentat fait dérailler un train à Gioia Tauro (dans le sud de l’Italie) : six morts, 50 blessés.
Le 28 mai 1974, une bombe explose sur la place de Brescia, piazza della Loggia pendant un cortège anti-fasciste : 8 morts et 94 blessés
Le 4 août 1974, une bombe explose dans le train Italicus : 12 morts et 105 blessés
Revendiqués par groupes néo-fascistes comme Ordine nero (Ordre noir), ces attentats ne seront pas punis. Ou peu : l’État, durant ces quelques années, c’était, en partie, Aldo Moro (il était plus à gauche, sans doute qu’un Andreotti et probablement plus (nettement plus) intègre vis à vis (un exemple au hasard) de la mafia, mais il savait aussi tout ce qu’ici prend forme d’événements). Je parle de ceux-ci, ces événements parce que ce sont les plus meurtriers, d’une part, qu’ils tuent au hasard, n’importe qui là au moment de l’explosion : ceci me paraît être du terrorisme (une action qui produit de la terreur). Les multiples attentats commis par les groupes révolutionnaire, eux, étaient ciblés ce qui n’enlèvent rien à l’horreur qu’ils provoquent en nous mais qui, pour le moins, nous épargnent tout de même. Un peu. À peine, oui. Mais la différence est sensible.
C’est dans cette ambiance assez délétère qu’agissent les Brigades rouges. Ici, les prolégomènes à l’enlèvement d’Aldo Moro qui se perpétuent dans les mêmes façons de faire : des enlèvements, des photos, des tractations.
Les photos : le 3 mars 1972, les Br enlèvent un directeur de la Siemens de Milan, Idalgo Macchiarini afin de faire cette photo qu’elles feront parvenir aux journaux. Un enlèvement qui durera une trentaine de minutes : le soir, un bon bourre-pif, une voiture camionnette type Fiat 850, et une photo
et on relâche le directeur. « On mord et on s’enfuit ! – Rien ne restera impuni – En punir un pour en éduquer cent »
Ça n’a rien de bénin ou d’inoffensif, mais ça reste symbolique.
Un autre enlèvement un an plus tard (10 décembre 1973) : le directeur du personnel de la Fiat, dans les mêmes modes opératoires
pas d’arme, cependant mais « Organiser le pouvoir prolétarien armé – Aucun licenciement ne restera impuni » – Ettore Amerio, directeur du personnel de la Fiat usine automobile de Turin (famille Agnelli) qui dira, libéré après ses huit jours de rétention en « prison du peuple » : « Mes ravisseurs ont été gentils… Mon expérience m’aidera à travailler à un avenir meilleur… » .
Comme quoi, la « prison du peuple » n’avait rien à voir avec celles mises en place par les fascistes au pouvoir… Et ces (odieuses) conditions de détention participent elles aussi à la bataille qui se livre dans la rue, et sur le terrain de la Révolution. Il existe un récapitulatif des événements durant ces quelques vingt années de luttes armées, mais certains sont plus à prendre en compte que d’autres (aucune mort ne peut être dévaluée, de quelque côté que puisse se trouver ceux (ce sont surtout des hommes) et celles qui perdent leurs vies dans ces circonstances). Et notamment l’enlèvement du juge Sossi.
fasciste notoire, mettant au service de ses idéaux nauséabonds sa fonction de magistrat, il est enlevé le 18 avril 1974 – il était avocat général dans le procès des militants du groupe du 22 Octobre (lequel avait tué un employé Alessandro Floris, convoyeur de fonds pour l’institut du logement populaire (style HLM) en 1971). Particulièrement brutal et violent dans ses réquisitoires au tribunal de Gênes, Sossi est enlevé jusqu’au 23 mai. Trente-cinq jours de détention qui se soldent par une espèce de serment d’un autre juge, procureur général, Francesco Coco
lui aussi tout autant fasciste notoire – comment faire pour porter sa confiance en un tel pedigree ? je ne sais pas… – qui ne peut rien faire tant que le juge Sossi est détenu, mais qui – peut-être – s’il est libéré fera (certainement, croix de bois croix de fer) quelque chose pour que les membres du groupe du 22 Octobre soient libérés (il faut le croire), envoyés à Cuba ou Dieu sait où, mais libres.
On se réunit sans doute, comité directeur des Brigades rouges, on parle, on abonde, on argumente et on se détermine : le soir du 23 mai, on laisse dans une zone industrielle milanaise le juge
aussi sain qu’il l’était avant, mais sauf. Il rentrera à Gênes, sera fêté comme l’agneau de Dieu.
Mais de l’élargissement des membres du groupe du 22 Octobre, le juge Coco ne voudra plus entendre parler (d’ailleurs, il n’avait jamais rien promis : typiquement, la façon de penser et d’agir de ces personnages-là).
En bas d’une creuze de Gênes ( la salita di Santa Brigida)
le 8 juin 1976 vers midi trente, rien ne peut justifier un tel massacre, c’est vrai. Coco exécuté, les deux agents de son escorte, Antioco Deiana et Giovanni Saponara tout autant. Les journaux s’empressèrent de porter cet acte de guerre (armée) au compte d’un terrorisme vaguement équivalent à celui des bombes fascistes (parallèle qu’ils exercent, aujourd’hui encore, en mettant au même plan l’extrême-droite et d’autres fractions, évidemment moins abjectes : les journaux (et autres médias) étaient alors, pourtant, moins tenus et obligés des intérêts financiers qu’aujourd’hui).
On ne peut plus, désormais, empêcher d’agir ces engrenages.
merci pour ces rappels et découvertes (j’étais en chemin pour comprendre depuis mon milieu d’origine)
et oui aucune mort ne peut être dévaluée, de quelque côté que puisse se trouver ceux (ce sont surtout des hommes)…
mais ou le tribunal du peuple comparé à celui « de l’ordre »
et oui leur façon de penser à ces gens là
J’aime bien, en ayant ouvert le lien vers la page italienne de Wikipédia, la dénomination des « stratégies de la tension », l’euphémisme qui s’en lave les mains. 🙂