Pendant le weekend

atelier été 2021 –

 

 

 

 

 

c’est une affaire délicate que celle de la publication : pose-t-on les articles en allant (en les « implémentant » – le dernier est le premier, on se croirait dans la bible ou quelque chose – ou les uns à la suite des autres : de ce fait, il faut descendre dans les tréfonds du billet pour avoir la chance et la joie de lire les développements apportés au travail – on prend le deuxième – on va voir comment en faire – le mieux serait une page regroupant les divers articles avec des liens sans doute – on va voir

 

on ne sait jamais trop quand ça peut s’arrêter mais c’en est presque fait – la L13 terminée, tentée sans rapport-pour le pdf j’ai repris Norma, je le poserai sans doute quelque part bientôt_ ici _ mais il change tout le temps…

 

 

1.

Tout ce qu’on demande c’est de vivre de paix, rien de tellement compliqué là-dedans – ça n’a rien à voir mais quelle importance – il a cette pensée en tout cas, il pousse la porte (c’est une époque où les portes se poussent, elles demandent un effort, il y aura pléthore d’électricité dans ce pays dans quelques années, mais pour le moment, il faut pousser) il sort les marches de la gare le mènent vers une esplanade (on se battait déjà contre les centrales nucléaires, mais crâne d’œuf avait des intérêts dans le ciment, tu comprends – on savait alors qui était Vital Michalon, il venait de mourir en manif contre le Superphénix de Creys-Malville) – derrière soi d’abord commencer par laisser le sac vingt kilos au bas mot; parler avec le chef de gare, un type assez accort, un accent à couper à la faucille, on ne peut jamais savoir à qui on va avoir affaire (à faire ou affaire ?), il reste poli (la paix c’est assez sympathique mais est-ce que ça existe vraiment ?) – on est à la fin du mois d’août et il y a là ces trois marches qui le séparent de l’esplanade elles sont devant lui il est là il est sept heures moins le quart il va avancer – le bruit de la ville (il s’agit de B. une ville du sud, terminus du train nommé le Cévenol (on nommait alors les trains, on avait le Mistral et le Talgo, l’Orient-express ou le Palatino) , embarquement à Austerlitz un peu avant huit ; se présenter au contrôleur (on ne sait jamais à qui on a à faire) ; douze voitures à enquêter, avant le premier arrêt (Nevers, la ville où dans peut-être quinze ans (un peu plus, un premier mai), sur les bords du canal, un prénommé Pierre se tirera une balle dans la tête) (Bérégovoy lâché comme un chien par tonton – ça a beau être au présent, la vie devant soi, la paix, là-bas, qui brille comme « la rencontre des pôles, et l’épée du printemps qui sacre notre épaule »), le train redémarre, on recommence douze voitures prochain arrêt, c’est oublié mais Clermont-Ferrand peut-être, les aiguillages à la sortie de la gare de cette Nevers-là (cette histoire racontée une autre fois, ailleurs – on pourrait aussi bien mettre un lien, une écriture sous le bleu) ; le type a posé le pied gauche sans trop voir, dans le soufflet qui relie deux voitures, le sol s’est dérobé quand le train a changé de voie, et entre les tampons du train sur l’aiguillage se déboîtent les voitures, son mocassin s’est coincé, un genou au sol pas même en une demi-seconde par réflexe le type retire son pied et saisit le mocassin avant qu’il ne soit entièrement coincé, les deux voitures sont revenues droites et le type rattrape sa chaussure, noire de graisse comme le bas de son pantalon, comme le genou, noir c’est une espèce de miracle (le type ne croit pas aux miracles, pourtant) le type est là, ce même type dix heures plus tard, et la chaleur le monde les montagnes et par là, Millau sans viaduc et Saint-Affrique, travail accompli mais lui, là, devant ces trois marches qui vont à l’esplanade, le chef de gare lui dit « dans la rue principale, tu vas trouver, Gambetta c’est au bout de l’esplanade, mais faut te dépêcher, ça ferme à sept heures, c’est la province ici » – c’est la province ici, c’est ça (on est plus en paix, en province, à ton idée ?) – trois marches à descendre pour traverser ces deux cents mètres bordés de platanes, quelques terrasses, il fait encore un peu jour, c’est fin août, il va faire nuit mais il fait beau et il fait doux, ça sent peut-être bien le chèvrefeuille ou quelque chose, il faut se presser un peu – trois marches l’esplanade, grandes enjambées, pantalon clair, taché de noir et mocassin gauche du même tonneau – il marche vite, c’est une ville qu’il ne connaît pas, dans trente ou quarante ans d’ici elle sera tenue par un ignoble personnage qui, d’ailleurs pour le moment, n’a pas encore montré sa pitoyable personnalité – il marche, le bas de son pantalon clair est taché de graisse, cette graisse qui relie entre elles les voitures qui constituent un train, le mocassin gauche est lui aussi maculé et le type avance pressé sur l’avenue, Gambetta, Victor Hugo ou République – il avise un magasin, y entre  « Vous faites du quarante ? Du trente huit ? » le type a vingt-quatre ans « qu’est-ce qui vous est arrivé ? » « j’ai glissé entre deux wagons », ah celui-là oui – heureusement un chéquier, heureusement l’heure – « j’allais fermer, vous avez de la chance » une ville inconnue, les platanes, l’air doux frais et chaud pourtant, le type boucle la ceinture qu’il a retirée de son pantalon taché, « comment ça va ? » « très bien, je le prends » – très bien, une journée chanceuse, il fait nuit, bientôt un sandwich peut-être, une bouteille d’eau, et il sera temps d’aller chercher un lieu où dormir

4 septembre

2.1

Vous pouvez voir ce type sortir d’un magasin de vêtements, vous pouvez aussi voir le commerçant fermer son rideau de fer (de l’intérieur) – une dernière vente, la taille qui manque, quarante, penser à recommander demain (ah non, pas demain, c’est samedi, non, lundi ou mardi, y penser et le noter), qu’est-ce qu’on mange ce soir ? téléphoner demander rapporter (commerçant, c’est un métier, ça ne s’apprend pas, on peut tenir des stocks, expédier des commandes et ranger des cartons, poser et fixer des prix faire des calculs de marge ou d’approximations, tenir des comptabilités – mieux vaut tenir que courir comme on sait – et remplir des bordereaux, commerçant ce n’est pas un métier) (une stature, un statut, une position, une disposition) (même s’il y a des écoles pourries qui vont vendre ce genre de truc (ça ne s’appelle pas de l’enseignement) à prix d’or : ça ne s’apprend pas, on peut, à la limite regarder faire son grand-père ou sa mère, un oncle au magasin, mais ça ne s’apprend pas) « de quoi tu as besoin ? » (au bout du téléphone il y a votre voix, et il y a les mots que je ne dirai pas) fermer la caisse, la poser dans le coffre, fermer le coffre, sortir par l’arrière – aller boire un pastis – avant de rentrer – marcher sur l’esplanade, penser à autre chose et oublier

2.2

Vous pourriez voir ce type chercher ailleurs une chambre d’hôtel, un endroit où dormir – la gare est loin, la retrouver lui serait difficile – il faudrait demander, il marche sans savoir où aller, achète un cornet de frites, un sandwich peut-être mais de restaurant sûrement pas – remplit un bouteille d’eau à une fontaine – doit passer chercher le sac – quel jour est-on vendredi sans doute, demain il y aura là une brocante, une fête ou un marché, sur cette esplanade, mais demain il sera déjà loin, ce type pantalon neuf et mocassin noirci – le dur l’aura emporté ailleurs et loin (il s’agit d’un aller-retour – et ce n’est pas le Cévenol mais l’Aubrac (j’aurais juré pourtant)) – demain soir il partira vers Dieppe il semble bien, suivant le planning – aller-retour dans la nuit, les ferrys qui viennent d’Angleterre, les types avinés embièrés soûls comme des cochons des bourriques des polonais que sait-on – ce qui fait que dimanche matin, aux aurores, il sera gare Saint-Lazare, son weekend terminé il pourra aller se doucher avant de retourner au charbon (il faut cumuler pour parvenir à vivre et payer le loyer) un autre charbon peut-être – du côté de la porte de Clichy – embaucher vers dix-sept pantalon noir et chemise blanche – des cars entiers de touristes plus ou moins affamés

2.3

Aux aurores à la gare Saint-Lazare un (ce) dimanche matin (là) de la fin août, le mocassin droit est encore dans les blancs, celui de gauche va plutôt dans les gris (ce genre de pompe qui imite celles des marins, ou qu’on croie que les marins portent, ou alors les gentlemen-skippers tweed et cachemire knikerbocker à carreaux, avec une espèce de gréement qui tournerait autour du pied, ce genre de chaussure d’été) – il fait beau il fait doux – le 20 (l’autobus qui va gare de Lyon) est à impériale, le type loge sur le faubourg, dans un faubourg, vous pourriez le voir arriver sur cette placette (la mairie, il n’y a pas de mairie, ah si peut-être déjà – la mairie l’a peut-être intitulée*, elle adore faire ça de nos jours – mais à ce moment-là, elle est tenue (depuis la fin du mois de mars, cette année-là donc) par un ex-premier ministre (il s’est fâché avec l’olibrius qui coiffe les quatre ou cinq cheveux qui lui restent sur le haut du crâne avec un peigne qu’il glisse dans sa poche poitrine, c’est le président, troisième de la cinquième) lequel ex a juré promis (pas craché, non) la main sur le cœur de traverser la Seine à la nage avant la fin de son mandat : une façon de dire qu’il va nettoyer les écuries du palais de l’Elysée salopées par ce sale type même pas gaulliste – qui l’a été (l’est ou le sera) comme tout le monde, à l’époque, dans ce si joli pays) (une allégorie) aux aurores de la gare Saint-Lazare descendent du train de Dieppe les loyaux sujets de sa très gracieuse Majesté, avinés (entre autres) (il faudrait voir si Lang (non, rien à voir avec Djak qui va bientôt (dans moins de quatre ans) inventer la fête de la musique et qui, aujourd’hui, tient l’institut du monde arabe) (non plus qu’avec Jack) (prénom : Michel) a déjà pondu son « À nous les petites Anglaises » idiot peut-être, mais daté – oui, c’est fait) le type, là, l’a vu mais ne sait pas encore que le cinéma va le rattraper – le type est là, devant la gare (il n’y a pas de ces dispositifs en forme de tas de valises

ou de tas d’horloges

déposés là par un artiste probablement) (la profession d’ingé-son est loin derrière lui – quatre ans, voilà quatre ans qu’il a tenté Rollin sans y parvenir – mais le cinéma revient) – pantalon encore neuf mais assez fripé déjà (dans les beiges-grèges) – dimanche matin vient après samedi soir – il avise le bus (le type aime plutôt pas mal le bus – il n’y a pas si longtemps que la régie autonome a proposé à la béatitude des urbains de cette capitale un abonnement qu’elle a nommé « carte orange ») – là-bas dans la chambre, un immeuble dans une rue qui donne sur le faubourg, au troisième étage dans la mezzanine qu’ils ont construite de leurs mains, le type et son amoureuse, là-bas dans cette petite chambre ils sont deux à dormir (ou s’envoyer en l’air) (le matin est propice à certain.es) – le bus stationne, il va partir, le type avec son sac à l’épaule (« avec à la lèvre un doux chant », certainement) se dépêche, il monte il va parcourir la rue du Quatre-Septembre (image pour fixer les idées), au loin le soleil brillera et se lèvera, il n’est pas sept heures, en descendant à la Bastille, en marchant sur le faubourg, un café au coin de Ledru-Rollin (d’habitude, il descend à Chemin-Vert, prend le métro) là, il a marché (il ne sait pas pourquoi, une voix ou quelque chose lui aura indiqué ce changement, sans y penser, et sans réfléchir, il aura suivi l’injonction pour donner le temps au reste du monde de s’éveiller, mais dans la réalité (laquelle ?) non), il s’est arrêté à Bastille pour marcher sans autre forme de procès pensée à venir et donc il marche, il fait bon – toute une époque, on a été à Avignon il n’y a pas deux mois, une tente, des amis, des filles, des guitares – dimanche matin, on se souvient mais on se trompe : prendre le boulot, ce sera plus tôt, pour dans peu d’heures, ce sera treize-vingt aux Batignolles, employé au service de contrôle et d’exploitation des transports auxiliaires (ça ne peut pas s’inventer), sous-service des renseignements téléphonés (ça n’existe plus), un contrat de deux dimanches et fêtes sur trois – entre collègues, on s’arrange, lui s’arrange pour en faire le plus possible – il s’arrange avec son planning et ce weekend-là il est assez serré – le métro puis le 20 – dans l’autre sens, il passe par les boulevards – et Saint-Lazare encore, mais à midi trente et premier arrêt Cardinet – on se trompe, il est tôt – c’est le matin, le type regarde son agenda pour se faire une idée (c’est un carnet, du papier des feuilles collées ou cousues ensemble, une reliure, deux pages font une semaine, on écrit les rendez-vous on écrit et les heures et les lieux) (ça n’existe plus trop) c’est le matin et c’est une époque qui ne connaissait pas encore le syndrome d’immunodéficience acquise, il est tôt, à l’épaule le sac pèse un âne mort (comme on dit, comme on a déjà dit) le café, au bar personne – il n’est pas sept heures

une douche tout à l’heure, qu’il commence à espérer, il ne projette pas et boit du café, le type, il ne pense d’ailleurs presque pas, le sucre sorti de son papier, posé sur le bord de la tasse, la cuillère – il ne pense pas non, il ne pense pas

* : et en effet, en 2009, sous la deuxième mandature de Bertrand Delanoë, cette placette qui marque, à Paris, l’endroit où la rue de Montreuil rejoint le faubourg, a été dédiée à l’écrivaine Mireille Havet, laquelle était inconnue jusqu’à ce que wiki en informe (nul doute que les mœurs d’icelle aient présidé à l’honneur consenti par l’édile) – elle n’en était pas moins actrice, et interprétait la mort dans la pièce Orphée de Jean Cocteau, en 1926 (mise en scène : Georges Pitoëff – c’est une création, en juin, le 17, au théâtre alors des Arts (et aujourd’hui Hébertot), du côté des Batignolles) – rôle tenu par Maria Casarès (ah Maria…) dans le film du même titre et du même auteur (1950) (merveille d’entre les merveilles, d’ailleurs)

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3/ Passer/recommencer/repasser/

Tout ce qu’on demande c’est de vivre de paix, rien de tellement compliqué là-dedans : il a cette pensée en tout cas, il voit ce type pousser la porte et sortir de la gare, rester un moment en apesanteur devant les marches qui mènent à l’esplanade – ça n’a rien à voir mais quelle importance ? – la paix, c’est pourtant simple, la fin de l’entropie, enfin la fin de ce tour sur soi-même toujours recommencé – et cesser de respirer et vouloir mourir, le désirer fermement, c’est une gare, il fait chaud, service commandé et chaussures adaptées, de grège vêtu, lin soie cachemire coton c’est cette histoire qui lui revient, cette histoire de la chambre d’hôtel sortie à la nuit noire et fermée, au bout du bras la sacoche de cuir un peu comme un médecin ou un professeur le genre de type resté toute sa vie dans le même chemin dans les rues d’une ville inconnue une étape dans un voyage où se tiennent les illusions les plus noires, les tentatives les plus vouées à l’échec – la nuit va venir, au loin tonne le ciel – c’est une autre affaire, cette histoire, régler son compte à un salaud pour bénéficier du gîte et du couvert (la prison peut-être) mais personne à prévenir en cas de malheur – seul au monde costume de lin clair lunettes de soleil chapeau de paille d’Italie – sandales, panama – dans la sacoche une arme blanche à feu de poing de chasse de guerre conventionnelle ou pas ou alors seulement un journal plié et une bouteille de poison, un contrat une obligation – quelque chose de tacite – quelque chose auquel on se tient sous peine de mort – faux passeport fausse identité faux Aubusson fausses armures faux tableaux de maîtres au mur (*) disait la chanson, il se peut qu’il sifflote, il se peut qu’il n’ait aucun remords et aucun complexe – un mot qu’on aime beaucoup, de nos jours – il travaille pour l’argent (qui fait autre chose en travaillant ?), le rendez-vous en bas des Champs-Elysées, dans un parking, le numéro du compte en banque à la Grenade, paiement (cinq chiffres) en dollars américains petites coupures et instructions sur clé détruite dans le sous-sol – billets d’avion faux papiers – une autre gare un autre train quelque part sur un autre continent –  s’adapter et adopter un autre point de vue, tenir vaut mieux que courir tu sais bien, yeux derrière lunettes noires, regard oblique, tension nerveuse facilité d’adaptation flexibilité efficacité – ce pourrait être la Bulgarie, quelque part dans les Balkans, ces endroits infestés, ce pourrait être de nos jours

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j’aurais tant voulu vous aider/ vous qui semblez autre moi-même/ mais les mots qu’au vent noir je sème, qui sait si vous les entendez ?

quelle heure est-il, quel temps fait-il ? j’aurais tant aimé cependant gagner pour vous, pour moi perdant… (*)

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(longtemps je me suis demandé comment les choses avaient évolué durant cette épidémie d’opérette, pour les services secrets, je me suis demandé comment les choses avaient évolué, combien de morts, combien de capitaines – parler la langue et connaître les mœurs – vingt quatre heures dans la vie d’un tueur – tu te souviens, Loretta Salino ? ça te dit quelque chose ? – elle faisait la cuisine dans l’Arnaque, elle allait même jusqu’à payer de sa personne pour se débarrasser de Robert Redford…)

choisir, le thème à choisir le mode de narration – orthodoxe, délibérée, changer son point, changer sa vue – les yeux fatiguent quand on vieillit, lunettes de vue de soleil montures verres branches formes visages regards – un type marche sur le faubourg, il porte un sac qui doit peser, il rentre dans un café, un croisement, une avenue la rue du Faubourg, il n’est pas sept heures, il n’y a personne, un type percole derrière le bar – ou alors au coin du boulevard et de la rue du Bac un grand café – l’Escurial alors – le matin du dimanche on (elle) embauchait vers huit, aux Batignolles – un type derrière son bar, qui percole et propose des croissants chauds rapportés de la boulangerie d’en face – magnifiques – ou qui sortent du four dans sa cuisine – on en prend, le type est avec son amoureuse et c’est elle qui va bosser – lui travaille de treize à vingt tout comme aujourd’hui – tout à l’heure, il a vérifié dans son agenda – il est au bar, il se peut qu’en sortant il clope – ou c’est avant, avant qu’il ne prenne cette habitude acquise à Royalieu – avant sans doute – son café bu, il marche vers l’est (remonte le faubourg vers Nation) sac sur l’épaule on ressent ou on sent seulement la fatigue – on n’a pas trop dormi (à peine une heure aller, une heure retour je me souviens de cette fatigue) mais ça n’a pas d’importance, on récupère vite – et regarde comme c’est bizarre, il ne va pas s’arrêter à une boulangerie pour apporter des croissants, ce n’est certainement pas qu’il sache ce qui se trame dans le futur tout proche, là, à peine après sept heures mais il fait beau et il fait doux et le type en a marre de traîner son sac (le jeu s’est éternisé pratiquement tout l’été; dans ces années-là, lui comme elle bossent l’été pour parvenir à survivre tout l’hiver – et payer les frais les inscriptions les cartes de transports les séances les livres – s’il en reste les fringues et les chaussures) (ça ne roule pas sur l’or – ça n’a pas eu de petite cuillère en  vermeil dans la bouche en arrivant – ça n’a rien à voir avec la misère non plus) – quand il croise Aligre le monde bouge, ça bosse, ça entasse entrepose montre achalande vitrinise un peu, dispose met en valeur propose (ça haranguera tout à l’heure, mais pour le moment, c’est calme) les habitués du dimanche matin tôt les vieux et les arabes des fruits et légumes les libanais ou les grecs traiteurs, la glace du poissonnier, les papiers cellophane du fromager, s’il prenait à droite juste pour se promener il verrait sur la placette la mise en place des fripes, des brocanteux, dans les magasins ce serait le calme plat puis au fond vers Charenton les fruits et légumes menthes et herbes deuxième catégorie – mais non, il passe avance traîne à l’épaule son sac et rentre chez lui

(*) bande son: Georges Brassens, Histoire de faussaire
Jean Ferrat, J’entends, j’entends (poème d’Aragon)

 

 

4.

Pour P6 dimanche

samedi

vendredi

jeudi

mercredi

mardi

lundi

 

5. son aznav pour la voix à la suite du cours magistral d’Emmanuelle C.

 

je ne me souviens plus – le temps est passé –  septembre octobre – je reçois la notification de ce qui passait aujourd’hui le dernier d’octobre il y a six ans – le distribution de l’aiR Nu – quelque chose dans l’air a cette transparence – Denis P. l’a prise aussi 

 

6.

Tu me demandes de te raconter cette époque-là mais c’est loin, tu sais, c’est loin et ce n’est pas que ça ne me plaise pas, tu vois, j’aime parler avec toi
j’aime parler avec toi
toi qui ? j’avais à sortir et arriver quelque part, j’ai commencé par trébucher, j’avais des choses à raconter peut-être bien, de la façon la plus claire limpide simple fluide prenante possible mais non – tu remarqueras qu’il n’y a pas de tirets, il n’y a pas de parenthèses mais les parenthèses existent toujours, souvent on ne les perçoit pas simplement
mais c’est aussi essayer de remettre en place des souvenirs et c’est toujours aussi une manière de se tromper, de revêtir la réalité d’une couche de mots, traîtres et faux
c’est pesant comme le sac, cette affaire de parenthèses (l’un de ses amants à elle l’avait séduite par un « mettons que ce soit une parenthèse » – c’est une autre histoire, mais puisque tu me le demandes (ça donne envie de gerber, cette façon de dénier une importance quelconque à l’amour juste histoire d’en profiter, tirer un coup juste comme ça dit le parler populaire, histoire d’hygiène, le truc de Cargo de nuit « deux nuits pour se vider », c’est élégant hein, un moment une partie de jambes en l’air plonger dans le stupre et la fornication disait le poète… hein ? Oui)
Une jeune fille pose les questions et répond le vieil homme, avec douceur parce que les enfants ont cette sensibilité toute proche de la naïveté qui leur fait prendre pour vraie n’importe quelle parole (ils ne doutent de rien) – c’est à un enfant qu’il s’adresse – nous sommes, tous, avons été resterons des enfants – il se peut qu’il soit assis devant une fenêtre ouverte sur une rue portant le nom d’une capitale d’Amérique, fort peu passante, surtout à cette heure-là, dans la poche gauche de son gilet une petite boîte d’argent de laquelle le tabac se prise – il fait chaud, deux heures l’après midi ? j’aime parler avec toi – Combien de temps dure la lecture d’un livre ? Et son écriture ? Est-ce qu’il faut oublier ? Se souvenir n’est-ce pas se leurrer ? Un peu comme la pipe de Duchamp ceci n’est pas un souvenir, c’est la réalité de ce que je vais dire alors tu me demandes, oui et je te dis une espèce de vérité, fausse et trahissant la vérité des choses parce que, parfois, ces choses-là ne sont pas si éblouissantes que ce soleil qui tombe dans la rue et abat sa lumière sur tout ce qui bouge, mais rien ne bouge, rien ne bouge plus, regarde bien petit, regarde bien disait Brel, alors le choix de ce moment-là est arrivé à cause de la glissade, il faut bien qu’il arrive quelque chose, sur la plaine là-bas, non, ce n’est pas mon frère son cheval aurait bu – non, les chansons je ne sais pas, mais il y avait au début de leur histoire cette façon de participer à un groupe de chansons plus ou moins folkloriques on y chantait sans doute comme chez les scouts « nous irons un jour à Valparaiso feras-tu la route avec moi ? » – je n’avais rien de spécial à faire, je frappais des tablas je n’avais pas appris à placer mes doigts juste au dessus des frettes de la guitare, je n’étais pas de ce groupe, je n’étais pas de cette classe sans doute, quelques années auparavant dans une autre ville – il y avait les chansons, depuis si longtemps, il y aura le cinéma mais il y était déjà, allait-on voir quelque film ? Plus ensuite, à cette époque-là peut-être, à la cinémathèque de l’avenue Albert de Mun (Trocadéro un franc la place) avant de faire des études de cinéma, le passage d’août sept sept aussi, il faut que je te dise, il faut que je te raconte Compiègne, Desnos, Aragon, la pochette de disque dorée, la chambre aux Invalides, les deux lits blancs couverts de bleu, la moquette et le fauteuil, la télévision sur le sol, il faut que je te raconte aussi
j’aime te parler, j’aime avec toi qui m’écoute
des faux souvenirs, jamais tout à fait faux mais avec une image du vrai, c’était sans intention préalable mais c’est quand même venu cette histoire de retour, il présumait un aller mais non, il n’y a jamais eu qu’un aller – le retour une année après la mort de ton père, oui, dans ce palace quelques années plus tard avec elle, le bonbon sous l’oreiller du lit entr’ouvert, les photos au bord de la piscine pour montrer que des blancs viennent ici aussi, oui peut-être puis à nouveau encore une fois pour l’avocat, une autre encore (cette fois-là, c’était avec ton amie) que tes filles voient la maison, la ville, le bord de mer, là où tu es né mais ils ont enlevé les rochers de la plage comme ils ont enlevé la plage – une route de béton la recouvre, la route est en impasse, des motos de l’armée stationnent là, le palais du président
il vient de nommer une femme premier ministre
j’aime parler avec toi
je revois, tu sais, je revois cette date-là, je reviens de croiser une plaque, soixante-seize il n’y a pas un mois, sur un mur à l’entrée du chemin (on dit une creuze) qui montait à la maison, le juge Coco assassiné en juin (une ordure, certes, mais est-ce suffisant ?) je me remémore cette façon que j’avais de penser (en écrivant Morna) (je vais reprendre Morna) – non finalement garder Norma – ce plaisir qu’il y aurait à vivre (vivre : manger, boire, se lever se laver se vêtir pisser déféquer, sans autre forme de procès que celui qui aurait lieu une fois le forfait commis : c’est que je suis un vieil homme maintenant – pas encore un vieillard comme ceux qui à mon âge étaient nés au début du siècle – mais un vieil homme quand même) (je me souviens de mes dents, de mon embonpoint et des taches qui apparaissent sur ma peau, je me souviens de celle que j’ai depuis que je suis né, la tache que j’ai dans le dos (elle a ce nom d’ailleurs “de naissance”), de celles qui apparaissent sur mes mains, des rides qui se creusent, de mes poumons aux trois quarts de leur capacité – la petite armoire vitrée dans laquelle me fit entrer le médecin pour calculer cette capacité) qu’ai-je à perdre ? un honneur, une âme, la dignité de ne pas enfreindre les commandements ? Souviens-toi le petit taureau Nougaro chantait “il se peut que je couve un Igor Stravinski”, tu te souviens ? Eh bien moi aussi, je couve quelque chose ces plaques, ces boutons, ces trucs qui grattent rouges – un crabe de la peau – ça doit bien exister – j’ai encore dévié, tu vois
mais j’aime parler avec toi
à quatre ans de là ton père était mort, maladie hôpital Cochin pas revu depuis ce matin-là où tu t’en es allé, la voiture à sept heures du matin (ah non, la marque non) , monsieur M. au volant souriant cheveux humide moustache (moustache ?) on allait travailler, une petite ville vingt kilomètres de là un dépôt le kardex les pneus les camions les tripes à midi – un jour un vol, on ouvrait les armoires-vestiaires des employés ferraille dans les kakis – quelques dizaines de bouteilles (et après qu’est-ce que ça peut faire le travail il est fait ou non ?) les sourires les blagues l’éponge et le coup de torchon qu’on passe (c’est le règlement, tu auras un blâme je suis obligé disait monsieur M. à ce type cheveux gris ondulés en bleu qui se tordait la bouche) – tu n’as pas détesté ça, moins que l’usine en tout cas
c’est le début, regarde bien petit, regarde bien

 

 

7.

Il lui faut passer à nouveau sur ces trottoirs, il y a là un hôtel pour maghrébins ces gens qui sont là depuis quelques années, qui sont venus parce que la France, les colonies, les accords d’Évian, il est nommé Monastir du nom de la ville qui a vu naître le Combattant Suprême comme ils le nomment, il y a des pans entiers de sa vie qui se sont obscurcis, celui-là en particulier, il y avait le rejet de la religion pour que l’État prenne une place plus importante, on en attendait de la joie et du confort, du réconfort peut-être – lui s’attend dans ce moment-là à servir sous les drapeaux : dans un brouillard lointain il attend aussi de savoir où il va être affecté, il y a chez l’enquêteur cette idée qu’il faut réussir sa licence pour échapper à ce sort, et il pense encore, sac à l’épaule passant devant cet hôtel, cette officine qui vend des huisseries il pense à ces hommes, à cette heure-ci ils dorment encore, à peine – dans ces chambres au mois – tout le confort mais toilettes sur les paliers, il y a au fond de la mémoire quand même aussi, il y a toujours un peu de ces rues défoncées, laissées dans une sorte d’abandon, la poste la préfecture le consulat le gouvernorat, les maisons les villas, le souvenir de ces types en vélo, pas encore en mobylette, avec leurs petits chapeaux, parfois encore leurs manteaux comme taillés dans des couvertures, ces capuches pointues terminées d’un pompon, quelque chose de la pauvreté sûrement, le souvenir aussi des sacs de sable sur la route qui conduisait, qui conduit d’ailleurs toujours, à l’aéroport, cette route qu’il a bien fallu emprunter un jour sinon, ça ne se pourrait pas – peut-être le souvenir fuyant de ces soleils poussières palmiers lauriers, roses blancs, les souvenirs aussi des odeurs les grillades les fritures les beignets quelques années plus tôt ce voyage dans ce pays qui donne une assise plus prononcée aux souvenirs de l’enfance – un jour mangeant des frites quelque part, où pouvait-ce être, Valenciennes ou Ussel ? quelque part, improbablement quelque part, dans un petit carnet vert, on a pris des notes, élaboré des listes, reconstitué des faits, des images et des noms, ce n’est pourtant pas encore l’envie (est-ce bien une envie?) d’écrire (oui mais elle viendrait après), ce n’est pas encore porté sur la liste des choses à faire (il y a toujours une liste des choses à faire, on biffe, on range, on écrit encore), le souvenir de ces moments-là emporte plus vers ces livres de mécanique ou de physique, ces travaux pratiques ou dirigés, ces salles où le chargé de cours explique la raison d’être des équations de Maxwell, indique que au rythme où vont les choses, on aura bientôt des connaissances infinis sur d’infinitésimaux objets et qu’on en finira bien par tout savoir sur rien, un type un peu rond, un peu rouge, étaient-ce des choses philosophiques qui faisaient réfléchir ? On n’en sait rien, mais la suite de l’histoire indique pourtant un changement de direction, une tentative opérationnelle de se libérer de ce carcan de sciences et l’avenir, au fond de l’image où on voit la rue de Montreuil qui monte, le soleil commence à accuser les ombres des immeubles, en ville on marche à l’ombre dans ces pays-là, l’avenir ne se constituera pas de pneumatiques de course extra-larges ni de voitures aux performances acérées pointues sauvages furieuses, furieuses oui, c’est ça, l’avenir de ce côté-ci de l’espérance sera changé, aura changé peut-être pas de sens, mais peut-être bien de direction, c’est la suite de l’histoire peut-être – à nouveau reporter la charge du travail, la chaussure salie, les suées les courbatures, on n’a pas faim mais on aimerait dormir un moment – ne plus penser à ces avenirs incertains ni à ces passés douteux, ne plus vouloir se souvenir de ces gares ces trains ces gens qu’on a oubliés, ne plus les revoir en rêve, tous regroupés dans des halls de gare, manteaux regards traits tirés visages grisés ne pas se souvenir de ces souterrains qui font traverser les voies, ces lumières glauques ces néons clignotants, ces chambres d’hôtel ou de dortoir, ces repas debout ou marchant, sentant doucement le vent frais peut-être bien, regardant aussi des passants occupés, aussi bien, on aimerait tant que tout ne soit pas autant chargé de réminiscences mais non, il y a cette histoire qu’on traîne, le sac semble léger à le comparer la chaussure le pantalon les muscles durcis, cette fatigue qui te prend et te fait suer, harnaché, est-ce un joug ? on avance sur le faubourg, l’avenir qui se profile se montre au soleil de la rue, on obliquera après avoir laissé derrière soi cet hôtel au nom de ville au bord de la mer, les portraits de l’homme providentiel à tous les coins de rue, il y avait des épiciers qui étaient fiers de vivre ici, un pays qui a donné naissance à un tel grand homme, qui a mené justement ce pays vers la prospérité et la gloire, presque l’autonomie, il y avait des fleurs et des drapeaux aux mâts qui marquaient l’entrée de la ville et cette ville et ce pays rappellent cette villa qui portait le prénom de sa mère, pour laquelle durant toutes ces années elle, sa mère qui portait ce prénom auquel on avait ajouté un deux en chiffre romain, elle, elle s’était battue, afin de la conserver cette maison ou au pire de la vendre, l’avenue du théâtre romain, quelque chose de cette route qui descend vers la mer, de cette station service de la British Petroleum où œuvrait une amie à elle qui pour parler de l’apéritif proposait un ouichki, qui était-ce dis-moi, un couple à quelques mètres de la maison, après le pont, tout a changé tu sais bien, un peu comme ici, lorsque ce type marche sur cette rue, ce faubourg qui s’est transformé sans qu’on y prenne garde en une rue, qui mène à un village, qui menait, qui y mène toujours mais s’il a gardé son nom, ce n’est plus un village, ce n’est plus une rue, il s’agit de cette ville pourtant toujours capitale, ici, maintenant revenir encore transporter ses affaires de travail, son livre, sa trousse de toilette et ses fringues sales et salies, il y avait un type aussi qui travaillait là et qui lisait « le monde diplomatique » un journal qui alors paraissait hors de toute compréhension, un peu comme si on avait proposé au type d’entrer à sciences-po ou à l’ena, même pour rire, ou de participer au concours général, de présenter une agrégation quelle qu’elle fut, on n’en était pas là, on aurait juste aimé être boursier, ou alors intégrer les ipes mais donner dix ans de sa vie ça n’a jamais pu se concevoir, alors on porte son sac, ça n’est pas raisonnable mais c’est ainsi et c’est surtout cette faculté-là de se projeter dans un avenir lointain qui manquait – était-ce rêver ? ça n’avait pas tellement d’histoire, sinon celle-là, et celle-là était à oublier, il y avait eu cette idée qui préparait les voitures, ce mot de préparateur, qui venait probablement d’Abarth, dans les années d’enfance, après le choc de l’arrivée, après les années de maîtrise de quelque chose comme une espèce de culture, après l’apprentissage des codes, des façons de se tenir, de parler, de vivre et de se comporter, se lever se laver se vêtir, après toutes ces leçons apprises des autres aussi bien que des livres (au fond, comme tout le monde), malgré ce qu’on traîne avec soi, il y avait cette idée d’œuvrer à un collectif, une équipe, de faire partie, d’aider, de coopérer, parfois, il y avait eu aussi que dans cette façon de penser un peu comme les garçons-bouchers, en apprentissage, en CAP blousons noirs voyous castagneurs salauds ou non il y aurait eu quelque chose comme une défaite, péjoration un déshonneur probablement qui refait penser à cette idée aussi de supprimer le dérailleur d’un vélo de course pour n’avoir de lui qu’une seule vitesse, ce genre d’idée apprise, préconçue présupposée intégrée qui agit sur vous comme une obligation, on ne peut pas faillir et on mise encore sur notre envie nos possibilités nos atouts, encore un espoir mais jusqu’à ce que… jusqu’où, au fait ?


8. Essais et tentatives 1

ce serait
comment ça va, quelle heure est-il quel temps fait-il j’aurais tant aimé cependant ; le poète et ses mots mis en musique par le moustachu, la pochette du disque était dans les ors, il y souriait, la semaine suivante ou celle encore suivante il chanterait à la Courneuve (elle était là, cette pochette, sur l’étagère en ferraille, à côté du tourne-disque – on disait chaîne – qu’on avait acheté(e) au Cent Mille Volts (le nom du magasin) – tu vois comme le temps passe) Tu fais quoi aujourd’hui ? Je vais me reposer, prendre un bain, je vais au CRT, l’eau chaude les vêtements posés sur l’abattant, la fenêtre au verre dépoli, dehors le jour et la chaleur qui commence à monter, il y a des choses que je ne verrai jamais tsais, par exemple ? Par exemple les persiennes de l’appartement de la rue de Marseille celui où vivait ma grand-mère, non celle de mon père, on l’appelait Mané, Mané c’était le diminutif de René, oui ils ont toujours aimé ça les diminutifs pas chez toi, je ne me souviens plus de chez elle j’ai oublié ou je ne veux pas le savoir – c’est quoi tes chaussures qu’est-ce qui leur est arrivé ? qu’est-ce qui LUI est arrivé tu veux dire, j’ai glissé entre deux wagons écoute j’ai même pas eu peur, ça a été réflexe je me suis retrouvé à genoux, il y avait le type que je croisai qui s’est tiré, j’ai récupéré ma pompe de justesse mais elle était toute pourrie de graisse, le contrôleur m’a donné un rouleau de pq pour que je me nettoie, enfin, la galère tout le trajet et une chaleur à crever, ça aurait pu être pire remarque ouais ouais – dans une baignoire sabot, il est difficile de tremper la tête entièrement les cheveux longs nécessitent des soins particuliers y’a pas de champoing ? Tu fais quoi toi, il est tôt je sais pas je vais aller voir O. je sais pas j’aurais dû ramener des croissants mais j’y ai même pas pensé – une petite chanson, du genre « un dimanche au bord de l’eau » il n’y a pas encore beaucoup de cinéma dans le paysage mais un peu quand même, il y a longtemps que passe le temps sur cette année d’armée qui viendra dans quelques mois, moins d’un an maintenant mais le frère de l’enquêteur y est parti à ce moment, on embauche début août chez ces saloperies de militaires, le premier août dimanche ou pas, jugulaire – quelques semaines, ils ne correspondent pas, ils ne se connaissent que par habitude, il me semble bien, il doit avoir en tête cependant les rattrapages de septembre aussi, quelque chose en arrière fond, un vague bruit une obligation, l’eau est chaude il fait bon il fait doux

ou encore
Tu vois marcher, avancer, tourner et porter, avancer encore, marcher sans vraiment y penser, un peu gris de fatigue, vaguement à l’esprit la suite de la journée, qu’est-ce que tu crois ? Rien, non, tu marcheras et monteras les marches – la porte que tu ouvres – la mezzanine à main droite, tu poses ton sac, enfin tu le lâches, il fait sursauter le monde – les deux sont là-haut, ce ne sont pas des choses à faire, vraiment, surtout que tu savais que je rentrais ce matin tôt merde, et après tu en auras quoi de plus à te foutre en colère ? vous faites vraiment chier, dis-tu, non comme dialogue tu repasseras pour le dialogue, il n’y en aura pas, ils font chier, elle et lui, très bien, tu as laissé choir ton sac dans l’entrée, sous la bibliothèque en ferraille que lui et toi vous avez montée ensemble, non ces trucs-là, tu sais bien c’est comme avec cet autre ami, un jour, vous construisiez un mur de pierres sèches après avoir posé les ardoises de la terrasse, ce genre de boulot qui ne fait peur à personne puisqu’on est unis pour le faire – ce genre de choses – vous m’emmerdez vraiment ! habille-toi, et dégage merde ! C’est le dégoût – ça aurait fait quoi, s’il s’était agi d’une file ? ou de sa femme à lui ? il n’y avait pas de “sa” ni de “femme” on n’en n’était plus là et c’était tant mieux : tu vois comme les choses sont revenues à leur état antérieur, précédent et pourri ? dis-moi, à quoi c’est dû ? le sida ? la gauche au pouvoir avec les cocos ? – une chanson devrait venir mais ce sera plus tard – Et tu sors, tu redescends, tu croises la Z., déjà levée pas encore cuite, les cloportes et le reste du monde, tu as envie de tout foutre en l’air – maintenant une chanson te revient, oh rosie mais elle n’existait pas alors – mais c’est ce que tu penses, dans la rue, c’est toujours dimanche, c’est toujours sept heures et quart, et toutes les secondes comptent pourtant, tu marches mais pour quoi faire ? Tu fais quoi, tu prends à droite ou à gauche, tu appuies sur le bouton de la porte, tu la tires vers toi, tu sors – il fait beau pour une fin de mois d’août, à droite un café à l’un des coins ? À gauche marcher vers celui qui fait un coin passer devant le cordonnier qui fait des chaussures sur mesures, tu regardes tes pieds, le mocassin noirci, ton pied gauche encore toujours au bout de ta jambe – c’était cette époque-là, tout nous était plus ou moins permis, il n’y avait pas spécialement de trahison ou de duplicité, de dignité ou d’adultère ou de ces salades de vieux cons dis moi est-ce qu’on l’est devenus – la liberté, y aurait-il quelque chose de plus beau ? (ou de plus faux ?) (respire… marche…) tu marches puisque tu as posé ton sac chez toi, chez vous – « l’dégoût d’quoi, jsais pas mais l’dééégoût », dira la chanson – non, oui, pas vraiment – attendre, marcher, rejoindre la place, prendre à gauche, passer devant les impôts continuer revenir – non, oui enfin pas vraiment, de dialogue, non, pas vraiment

ou encore peut-être
marcher avancer porter tourner, faire sonner le garde-porte (il n’y avait pas de code, il y avait une porte et une sonnette, il n’y avait pas de concierge), entrer dans le hall et le groom automatique fermerait au loquet, monter l’escalier, un puis deux puis trois étages, sur la première porte à gauche le carnet le crayon au bout de son fil (le téléphone alors n’était pas indispensable – on ne travaillait pas trop ni tant ni tout le temps mais on tapait dans les quarante cinq heures de cours par semaine, travaux dirigés compris ça se peut, mais ça occupe), la porte d’entrée et à l’intérieur, personne. On tombe le sac, devant la bibliothèque en ferraille (quelque chose de taxé chez l’employeur du voisin) (dans les verts militaires, une horreur) (mais il y avait donc des livres,les étudiés les lus les juste posés là) (il y avait la chaîne hifi – le tas de disques noirs qu’on achetait en bas de la tour, tombés du camion, des Deep Purple ou des Black Sabbath des Fleetwood Mac et autres, Bob et Neil, d’autres encore Janis ou Joni) (il y avait aussi des chanteurs, Léo évidemment Ferrat aussi pour son Aragon et d’autres encore) les tiens et les siens dans un même rangement sans ordre – un hasard et on cherche on ne cherche pas – est-ce qu’on se serait posé la question de savoir où pouvait bien être l’autre ? Il y aurait eu un morceau de papier, une page aussi bien du carnet, quelque chose qui aurait indiqué un lieu, une heure, un rendez-vous – au robinet de la baignoire sabot il y aurait eu de l’eau chaude, le bas du pantalon neuf le beige de la teinte le jour la fenêtre, les vêtements sur la chaise, le bruit de l’eau la légère vapeur – assis dans la baignoire, la tête contre le mur de faïence, au dessus la fenêtre au verre brouillé – des choses qu’on fait parce qu’on en a besoin – les croissants ne manqueraient pas et à son esprit il n’y aurait rien d’autre que bientôt, sans doute, quelques rêves non encore exaucés, quelques joies ou peines non encore vécues – on avancerait, tranquillement, sans ces coups-au-cœur, sans ces désirs et ces regards, sans ces haines et ces désespoirs – l’eau chaude diluerait les humeurs, il ferait bon et il ferait si doux

9. Essais et tentatives 2

1. Le type regarde à gauche avant de traverser, et de la droite surgit une énorme caisse qui le renverse et prend la fuite – personne n’a rien vu ; ci-gît le type, son sac renversé, ses enveloppes plus ou moins éparses – et après (parce que c’est la onze et qu’il n’en reste qu’une, peut-être)

2. ça ne se peut vraiment pas : le type est entré dans l’immeuble, il est monté au troisième, il a ouvert la porte il est entré, il y a sur l’étagère à l’entrée de la chambre à main gauche un marteau, et lorsque l’amant descend nu de la mezzanine il en écope d’un coup sur le crâne – sans suite

3. entre le moment où il passe devant l’hôtel et celui où il aboutit au coin de la rue, il rêve – il s’assoit à la terrasse du café qui fait le coin, pose son sac devant lui et met ses pieds dessus : le mocassin noirci, l’autre assez clair ; il prend une cigarette, l’allume et regarde passer le monde : il n’y a personne, peut-être vaguement (comme au début du Doulos) un camion de nettoyage des rues; il commande un café ou quelque chose (on pourrait aussi bien le soûler, ou lui faire rencontrer Rita Hayworth ou le capitaine Fracasse) ; il est assis au café et vient vers lui le garçon : c’est possiblement lui-même ou son ombre, ou quelqu’un des siens ; on lui racontera une histoire, la sienne probablement, d’où vient-il que fait-il ? Il répond intelligiblement mais on comprend bien que l’interlocuteur ne comprend lui rien – il faudrait une situation plus insolite peut-être ;

4. c’est là, devant l’hôtel qu’un type arrive en courant vers lui et le heurte et le bouscule ; à peine a-t-il le temps de se bouger qu’il est à terre et le type parti en courant, bousculant le sac, les papiers éparpillés sur le trottoir, dans le caniveau ; le camion nettoyeur n’a rien vu, le type est accroupi derrière les voitures pour récupérer ses affaires, les jets d’eau salissent mouillent effacent ; le type crie en se relevant mais l’autre est poursuivi par un autre encore qui tire sur lui ou quelque chose

5. il décide d’aller acheter des croissants quand même, tout à coup il y pense, change de direction (voir 1)

6. il y a comme une odeur de brûlé, passé le coin de la rue, on découvre qu’elle est barrée ; des camions de pompiers interdisent l’accès, ça ne me concerne pas pense-t-il, mais voulant passer il se rend compte que tout se déroule dans la rue où il vit, il le dit, on lui demande de ne pas approcher, mais ça se passe dans son immeuble, il le dit, tente de s’approcher, on l’en empêche, il y a là madame P. et la mère Z. mais personne d’autre, les visages sont contrits

7. ici si c’est le moment où le drame arrive, il y a de l’inefficace – c’est sans doute déjà joué, peut-être, les choses ne doivent ou ne devraient pas se contredire, mais s’épauler et se conjuguer pour parvenir à quelque chose comme une fin, une clôture une forclusion – parce qu’il ne s’est pas passé grand-chose, il ne s’agit pas d’un roman d’espionnage (dans son sac se (ou il) cache(nt) des microfilms dévoilant l’emplacement des armes atomiques de moyenne puissance pointées sur les bases militaires de l’organisation de l’atlantique nord) ni d’un roman policier ou populaire ou d’actions

8. dommage qu’il soit si tôt : il aurait pu y avoir là quelqu’un qui serait venu lui annoncer une mauvaise nouvelle, la disparition de son père comme il y a quatre ans, ou celle de sa mère (mais non) ou de son frère sous les drapeaux – quelque chose de mélodramatique (épuiser tous les genres, en passer par la comédie – mais elle n’est pas dans le ton – parce qu’il y a un ton comme il y a un style – soir 7 supra comme on dit)
ou une bonne nouvelle (mais arrivent-elles par des gens autres, ainsi comme par une espèce de hasard je ne crois pas – c’est une idée aussi que celle du hasard qu’on développe en codicille)

9. l’épisode est technique et permettrait de recentrer le propos – en deux lignes
un type rentre chez lui après trois jours de voyage d’un travail harassant, il a failli perdre un pied au début de son voyage puis les choses se sont calmées
(je ne sais jamais s’il faut ou pas accorder) (encore qu’on indique de remplacer parfaire le verbe pour avoir une idée de l’accord alors les choses se sont faites) (l’orthographe est technique)
– le voilà qui rentre chez lui ce dimanche matin, il est tôt c’est la fin de l’été
– c’est un passant, sur le trottoir d’en face une ambulance entre à l’hôpital et le type semble reconnaître (il suffit qu’il soit sur le trottoir d’en face) quelqu’un qu’il connaît – il suit l’ambulance et le sac perd une partie de son poids : qui ça peut-être ?

 

 

10. Histoire et géographie

Ça n’a rien à voir, il peut bien emprunter cette rue-là ou une autre ça ne changera rien – il se trouve, un peu par hasard, qu’elle se situe sur la rive droite du fleuve, dans ce faubourg populaire (plus ou moins), il se trouve que dans le travail il y eut cette rencontre, une association très éphémère informelle proche par contiguïté plutôt amicale qui durera pourtant de nombreuses années, avec les voisins de ce petit endroit, une quinzaine de mètres carrés, au troisième étage – il se trouve que rien n’est loin de rien dans cette ville-là – c’est arrivé, c’est là que c’est arrivé
On inventerait quelque chose délibérément – se serait-il passé quelque chose, ce dimanche-matin-là (le 20 avril 1474, était-ce dimanche ? c’était un lundi) dans ce quartier-là ? Qu’est-ce qu’en t’en dis ? fait la chanson et le clavier crépite

formidable imbécillité des algos qui indiquent qu’une personne née ce jour-là aurait 547 ans – magnifique

Un fait divers un cambriolage un assassinat ou un meurtre sans rapport, quelque chose enfin – il ne se passe jamais rien le dimanche matin ?

La liste des travaux effectués alors n’a pas pu être retrouvée mais elle fait partie d’un des articles du site (sans lien donc – j’en pose quand même un vers l’article qui vient si on interroge sous le titre Travailler le site : un article arrive, près de dix ans qu’il a été posé)

En réalité qu’est-ce que tu peux bien en avoir à faire de ces questions inutiles et de ces mots imbéciles ? Ils ne veulent rien dire que ce qu’ils disent. Quel est le problème de ne pas recevoir de réponse à des questions inutiles ? dans quelle posture te tiens-tu donc ? C’est parce que tu tiens à exister dans le regard des autres? dans leurs mémoires, dans leurs désirs ? À quoi ça peut bien servir toutes ces questions ? Il faut les oublier et passer à autres choses, au pluriel – oui, les oublier, mais c’est qui, c’est quoi, ce « les » ? les parents, les amis, ceux et celles qui peupl(ai)ent alors le monde ? – des gens ou des choses ? – son monde, il y a eu la liste des travaux effectués, pas ceux de bricolage, non, des travaux rémunérés et de ceux qui l’employèrent – faite cette liste est quelque part, il faudrait la retrouver ou recommencer à nouveaux frais – la liste de ceux qu’il connut sans les avoir jamais vus, les oncles et les tantes, et ceux d’encore avant, celle qui se cachait sous son lit lors des bombardements pendant la guerre, celui qui faisait semblant d’être blessé pour échapper au front, et tous les autres inconnus ou oubliés – les femmes aussi bien entendu(es) (à ce propos,on pourra regarder- chez momox, 3,18e – l’autobiographie semble-t-il de Susan Travers,seule femme légionnaire – chauffeur (chauffeuse ?) du général Koenig (et sa maîtresse aussi) durant la bataille de Bir-Hakeim) la télévision d’une seule chaîne, la solitude de la rue et des patiences assis sur le trottoir devant le garage des F. (c’était au bout du jardin, il faisait le coin opposé, la maison et le jardin occupait l’entière extrémité de ce bloc – j’en tiens l’image posée pendant le week-end sur le récapitulatif de ces travaux – un de ces travaux à documenter : on habite toujours quelque part, la semaine qui suit le quinze août a aussi quelque chose de désaffecté, le dimanche suivant tout autant, les rues de la ville sont vides et personne ne cherche ni ne demande son chemin – le faubourg monte et va vers la place, au loin, la rue qui oblique vers la gauche, la placette intitulée il n’y a pas vingt ans, le carrefour et à gauche, cette rue qui va vers celle de Charonne, mais l’autre qui oblique un peu à droite (ces diverses prises en spéciale dédicace à Martine Tollet, qui vivra là bien plus tard – en son souvenir donc – et en celui de Gérald Bloncourt, ami photographe qui vivait aussi dans ce quartier, dans ces nouvelles habitations à loyer modéré du coin du passage et de la rue que vient de traverser (épisode 3) le travailleur

pour l’ensemble de ce moment de la recherche, Jacques Hillairet est l’auteur des articles relatifs aux diverses voies empruntées (lesquelles voies bifurquent parfois par l’entremise du rédacteur) : sont-ce fantômes qui hantent ces lieux ? les autres peut être italiques explications viennent d’un petit Larousse édition 1961 (on en trouverait les frontispices ici)

– la rue du Faubourg (longueur 1810m, largeur 17 à 30m – ici on se trouve en son peut-être milieu, on vient de prendre un café, au coin de l’avenue qui croise le faubourg, on avance doucement) : elle joint, en courbe à peine prononcée, deux places; en se positionnant au droit de son numéro 53 dos à l’est, on peut apercevoir, de dos, le génie et son étoile par temps clair
elle marque, cette rue, la frontière entre le onze et le douze de la capitale
Cette rue a porté jusqu’en 1632 le nom de chaussée depuis la porte jusqu’à l’abbaye et, au-delà de cet établissement, celui de chemin de V. La première partie ne comportait à cette date que 150 maisons environ.
De tout temps, elle a été intimement liée à la vie de Paris (tu vois bien). Elle était encore chaussée de Chelles lorsque, le 20 avril 1474, Louis XI y passa en revue, entre la porte et l’abbaye, près de 100 000 Parisiens en armes qu’il montra aux ambassadeurs d’Aragon (pas Louis) (je ne sais plus qui, excuse-moi, mais qui disait ne pouvoir lire les livres qu’en les recopiant – j’ai cette tendance aussi, j’ai ce goût aussi pour les listes de noms propres ou pas, de lieux, géographies ou onomastiques, j’ai ce plaisir). Elle était presque entièrement bâtie lorsque, sous la Fronde, elle fut, le 2 juillet 1652, le théâtre d’un combat entre les troupes du roi et Condé (la fronde se catégorise en deux disjointes : la vieille (1648-49) et la jeune (1649-53)). Celui-ci [Condé] poursuivi par Turenne était venu se retrancher devant la porte à l’abri des barricades ; toute la matinée du 2 juillet se déroula en alternatives de victoires et défaites dans chaque camp. L’après-midi, les frondeurs allaient être décimés lorsqu’on leur ouvrit la porte tandis que la Grande Mademoiselle faisait tirer les canons de la Bastille sur les troupes du roi qui ne purent entrer pour poursuivre dans la ville l’armée qui leur échappait

(la Grande Mademoiselle : V. Montpensier (duchesse de) (Anna-Marie-Louise d’Orléans, connue sous le nom de Grande Mademoiselle, née à Paris (1627-1693) ; elle prit part aux troubles de la Fronde (la jeune, donc) et, lors de la bataille du Faubourg, fit tirer le canon de la Bastille sur les troupes royales, protégeant la retraite de Condé. Elle épousa secrètement à quarante deux ans Lauzun)
(Turenne : trop long) (né à Sedan, 1611-1675)
(Condé : Louis II prince de – dit le Grand Condé, né à Paris (1621-1686) l’un des plus grands généraux du règne de Louis XIV. Il s’illustra,fort jeune encore, par les victoires de Rocroi, de Fribourg , de Nœrdlingen et de Lens ; après avoir pris une part regrettable aux troubles de la Fronde (jeune donc sans doute) et s’être un moment allié aux Espagnols, il fut remis en possession de son commandement lors du traité des Pyrénées (1659) et se distingua durant les guerres de Dévolution et de Hollande ; Bossuet prononça son oraison funèbre qui est un des modèles du genre)
(Lauzun (1632-1723) : Antoine Nompart de Caumont, duc de – maréchal de France, né au château de Lauzun : personnage qui joua un rôle aventureux à la cour de Louis XIV: il épousa la Grande Mademoiselle, cousine germaine de Louis XIV)

Plus tard, on put définir le faubourg comme « le cratère d’où s’échappa le plus souvent la lave révolutionnaire » (on aimerait bien savoir qui est ce “on” : il doit s’agir d’une des sources d’Hillairet, Louis Lurine, qui donna un “Les rues de Paris, Paris ancien et moderne”, parution de 1844). Le 27 avril 1789 vit, huit jours avant l’ouverture des états généraux (sans majuscules ? tiens donc…), le pillage et l’incendie de la manufacture de papiers peints de Réveillon (à quelques années de là, sous une monarchie en ses derniers lustres, les frères Montgolfier firent une de leurs expériences pour s’envoler au dessus de la campagne qu’était encore ce quartier); à cette époque Santerre dirigeait, dans le faubourg, la brasserie À l’Hortensia (cf. r. de Reuilly). Au 9 thermidor, Henriot déjeuna au faubourg qu’il essaya de soulever pour délivrer Robespierre.

(Thermidor (journée du 9) 27 juillet 1794, ou 9 thermidor an II – jour où Robespierre, malgré l’appui des sections et de la Commune de Parisfut renversépar la Convention, àl’instigation de Tallien, Billaud-Varennes et Legendre ; cejour marqua la fin de la Terreur)
(Terreur (la) : période révolutionnaire que pesa sur la France depuis la chute des Girondins (21 mai 1793) jusqu’à la chute de Robespierre (27 juillet 1794) (donc) ; elle fut marquée par l’influence toute puissante du Comité de Salut public à Paris, des représentants en mission dans la province, la promulgation de la loi des suspects (17 septembre 1793), l’organisation du Tribunal révolutionnaire, qui multiplia les exécutions ; la Grande Terreur de juin et juillet 1794 (toute puissance de Robespierre) envoya à l’échafaud près de 1400 condamnés) (on n’en finirait pas) (certes)

Comme pendant les journées des Trois Glorieuses (27, 28 et 29 juillet 1830) (les trente qu’on a connues portaient-elles de lointaines référence à celles-ci – seulement un écho, pas même une idéologie) le faubourg se couvrit de barricades le 25 juin 1848 (il y en a eu 29 dans cette seule rue) lorsque les députés eurent licenciés les Ateliers nationaux ; il fut le dernier quartier de la capitale à se rendre ; les combats qui s’y livrèrent entraînèrent la mort de Mgr Affre, archevêque de Paris (les autres morts, quelle importance ?)(Denis-Auguste, né à Saint-Rome-de-Tarn en 1793, blessé mortellement le 25 juin 1848 sur les barricades où il était allé porté des paroles de paix (car c’est ainsi qu’on fait l’histoire). La colonne de la Bastille, surmontée de son génie d’or ailé, a été érigée semble-t-il en l’honneur de ces trois journées-là (ces trois dates sont portées sur la base de cette statue) (on devrait porter d’italiques les diverses informations concernant cet autre bazar dix neuvième en diable, mais non).

C’est sur une autre barricade du faubourg que fut tué (par l’armée donc l’État, pour le maintien de cet ordre-là), le 3 décembre 1851, le député Baudin lorsqu’il engagea les Parisiens à protester contre le coup d’état du prince-président

(Baudin Jean-Baptiste-Victor, médecin et homme politique né à Nantua en 1811, représentant du peuple à l’Assemblée de 1849, tué à Paris sur une barricade, le 3 décembre 1851)
(Décembre (deux) : nom donné couramment au coup d’État exécuté le 2 décembre 1851 par Louis-Napoléon (dit le petit), alors président de la République).

La rue du Faubourg possède de nombreuses cours, passages et impasses, qui ont conservé la physionomie ouvrière des XVIIIet XIXsiècles. C’est le domaine des fabricants de meubles, jadis divisés en charpentiers de la grande ou de la petite cognée, suivant qu’ils travaillaient les grosses ou les petites pièces de bois, en menuisiers s’ils s’occupaient des parties du bâtiment les plus menues, en huissiers, en chassissiers, en huchiers, en ébénistes, s’ils faisaient des portes, des fenêtres des bahuts ou s’ils travaillaient l’ébène. En 1471, Louis XI autorisa les corps de métiers à travailler librement dans le domaine de l’abbaye dont l’abbesse obtint, en 1657, de Colbert, l’exemption pour ces artisans des réglementations corporatives. Ceci permit aux menuisiers du faubourg Saint-Antoine de laisser aller leur inspiration, de faire des applications de bois des îles, des incrustations d’écaille et de filets de cuivre, d’imiter les meubles de Chine, de faire des placages de noyer, de cèdre, d’ébène ou de tout autre bois, mesures qui favorisèrent l’industrie du meuble et les artisans du faubourg. Les règlements de cette corporation remontaient à 1290 ; celui de 1740 comportait 105 articles rigoureux édictés « pour oster les fraudes, les décevances et les mesprentures du mestier ».

– la rue qui part à gauche (longueur 1060m, largeur minimum 18m) (elle cesse, au coin d’un des boulevards marquant la ville des années soixante du dix-huitième siècle, pour donner place à celle d’Avron aujourd’hui : on trouverait au croisement de cette dernière avec la rue des Pyrénées (ou non loin), un établissement de restauration fabricant son propre pain – suivant les dires (en commentaires de l’article sous le lien) de Xavier G.): cette ancienne chaussée, conduisant au village, a été transformée en rue vers 1750 – la Cité de l’Ameublement (première à gauche) voie privée (anciennement) (long.126m, lar. 7m) plus anciennement encore Charles-Humbert (un propriétaire), puis rue Titon (deuxième à gauche, au coin, billard très fréquenté par l’enquêteur – c’est au 7 de la rue que vivrait le professeur d’image fixe durant les années cinéma) (au presque droit de cette rue Titon, donc, un immeuble moderne, datant de la fin des années soixante dix sans doute (balcons de verre alors bleuté à chacune des fenêtres, six ou sept étages) – s’y installa un jour une des grand-tantes, prénommée L.,lorsque son mari, prénommé E. s’en fut allé de cette planète)

– la rue perpendiculaire (longueur 446m largeur 22m) : ainsi que deux autres, voisines, cette rue a été ouverte en 1899, au travers de l’emplacement de l’ancien couvent des Fille-de-la Croix (cf. 98 de la rue adjacente qui indique : le plus ancien des trois monastères de la rue. La maison mère de ces Dominicaines était le couvent des Filles-de-Saint-Thomas, fondé en 1626 par Anne de Caumont. Sa supérieure, la mère Marguerite de Jésus (ex-Mme de Sénaux) fonda, sous le nom des Filles-de-la-Croix une filiale de ce couvent qu’elle installa ici, en 1641, dans une propriété achetée deux ans plus tôt grâce à la libéralité de Mme Charlotte-Marie Coiffier Ruzé d’Effiat, fille du maréchal, qui avait donné tous ses biens en y entrant en 1637.

Ce monastère, bien situé, bien bâti, couvrait 42 hectares; il disposait d’un jardin spacieux et agréable ; son portail avait été construit aux frais de Jean Coiffier Ruzé d’Effiat, abbé de Saint-Germain de Toulouse et frère de la quasi-fondatrice ; sa chapelle, reconstruite en 1705, le long de la rue, était très ornée.

Citons parmi les personnages qui y furent inhumés en plus de sa fondatrice, Marguerite de Sénaux, en 1657 ; peut-être en 1655 Cyrano de Bergerac (c’est un roc c’est un cap c’est un pic que dis-je c’est un pic ? c’est une péninsule!), âgé de 35 ans ; sa tante, Catherine de Cyrano, était alors la prieure ; il paraît établi que Cyrano serait mort, le 28 juillet 1655, à Sannois, chez son cousin Pierre de Cyrano et aurait été inhumé le 29, à Sannois ; en 1655, Blaise-François, comte de Pacan, ingénieur militaire et astronome ; en 1679, Catherine Henriette d’Harcourt de Beuvron ; en 1691, Marie de Balzac d’Entragues, mère du maréchal de Marsin, alors âgée de 73 ans et qui, veuve, s’était retirée dans ce couvent où elle avait vécu pendant dix-huit ans.

Les Dominicaines, expulsées en 1792, recouvrèrent leurs bâtiments conventuels, mais en théorie seulement, car leur couvent, devenu propriété nationale, avait été loué par les Domaines. On y trouve comme locataires : un épicier, des services de l’Administration de la Guerre (fabrique d’éperonnerie, magasin pour l’habillement, magasin à fourrage), un entrepreneur de pompes funèbres, des jardiniers, une sénatorerie*, des ateliers de Richard-Lenoir, annexes de ceux situés en face dans l’ex- couvent de Notre-Dame de Bon Secours. De ce fait, les Dominicaines, dont la communauté avait été rétablie en 1806, durent continuer à habiter un modeste logis, de la rue des Amandiers-Popincourt jusqu’en 1825, année où elles purent réintégrer comme locataires, leur ancienne maison. Leur couvent, amputé en 1888 par le percement des rues fut fermé en 1904, en application de la loi relative à la suppression de l’enseignement congréganiste, quoique cette communauté fût purement contemplative et non enseignante. Les religieuses furent expulsées et le monastère, vendu, fut démoli en 1906. On a recherché, en vain, dans son ancien cimetière, le corps de Cyrano.

Un hôtel populaire a été construit, en 1912, à la place qu’occupait ce couvent. Il a été acheté, en 1926, par l’Armée du Salut qui le transforma et en fit le « Palais de la Femme », de 743 chambres, pour les femmes de condition modeste.

Difficile de passer sous silence les assassinats qui eurent lieu sur ce carrefour, notamment dans un des cafés (la Belle équipe) qui en marque,pour partie, l’autre angle de rue, le 13 novembre 2015 – sur le mur de ce Palais de la Femme, la municipalité parisienne a fait apposer presque immédiatement une plaque en l’honneur et au souvenir des personnes assassinées là, ce vendredi-soir-là. Je poserai dans la retranscription de cet atelier pendant le week-end une image automatique de cette plaque (ou une photo que j’irai prendre: la voilà

). C’est aussi à partir de cette date et en forme d’hommage et de courage aussi bien, pour marquer quelque chose comme une résistance à cette forme de barbarie qui agît cette nuit-là (bien qu’elle se tienne le plus souvent du côté de celui qui l’énonce, cette barbarie) que les terrasses ont pris une ampleur augmentée – avec cette affaire épidémique, depuis un an, ces mêmes terrasses ont outrepassé en ville les règles de la décence.

* : une sénatorerie est un espace foncier offert par l’Empereur Napoléon (Un, dit le grand) à un type (ici Lacépède semble-t-il https://fr.wikipedia.org/wiki/26_d%C3%A9cembre) qui promet fidélité au donateur (sous le Consulat ou le premier empire) « en échange implicite de docilité vis à vis de ce régime » est-il écrit (rapport 20 à 25 mille francs/an – style 3,2 euros le franc d’alors : ce n’est pas encore la fortune – quoi que pour certain.es (moi par exemple) oui) mais ça aide – (en échange implicite de ma docilité… hum j’ai vaguement le sentiment que ce n’est pas cher payé)

– à droite, en oblique (longueur 180m, largeur 12m)

Cette rue a été ouverte en 1887, sous le nom de Krieger, sur l’emplacement du domaine du couvent des Filles-de-la-Croix (cf. supra : rue de Charonne). Elle reçut en 1890, le nom de ce physionomiste et homme politique (1833-1886).

cf r.de Reuilly (longueur 1330, larguer minimum 17m) : part vers la droite, à trois cents mètres, un métro d’une ligne directe avec les Champs-Elysées empruntée après cette époque-là tous les mercredis vers dix heures, pour rejoindre le 33 de l’avenue où au troisième ou quatrième étage, étaient situés les bureaux du petit mineur – ce faisant, il doublait, qui se tenait sur le trottoir opposé, une des annexes du Roméo en question où des ouvrières fabriquaient tissus et autres parements destinés à l’architecture d’intérieure où sévissait

cf.supra rue de Charonne : au bout de la rue oblique où il loge, léger décalage vers la droite, prendre à gauche suivre deux cents mètres, tourner à droite pour trouver, à 20 mètres, une autre ligne de métro qui mènera, longtemps après dans les années futures, vers d’autres quartiers (notamment les XVIe et XVIIarrondissement, entre autres – VIIIégalement) pour des travaux d’enquête

 

11. Au faubourg

il y aura donc quatre images – j’ai longuement recherché pourquoi (et d’où me venait) le numéro de la rue au droit duquel est placé l’opérateur, mais je ne l’ai pas retrouvé – pour dire le vrai (que je crois connaître, dont je ne sais pas exactement s’il l’est, que je dévoile ici du mieux que je peux) il devait s’agir d’un livre traitant de (ou prenant pour décor) ce lieu géographique et, la plupart du temps, ce genre d’ouvrage m’indispose (ce lieu est devenu autre chose : j’ai préféré, lors d’un épisode précédent non encore publié parce que non encore terminé (ça ne saurait trop tarder) de cet atelier m’inspirer (ce n’est pas le mot juste) de son histoire plutôt que de son actualité) (j’agonis la manière de changer des quartiers de Paris qui vont vers la gentrification ou l’embourgeoisement, les heures heureuses aux schpritz/rhumarangé/pinte/mijito (prononcer morito) à 5 6 ou 7, les terrasses en lèpre grasse partout et la joie tellement suprême de se retrouver entre soi) – la période durant laquelle se déroule l’action (il s’agit du passage d’un type jeune (23 peut-être bien) et harassé sur cette portion de rue, un matin tôt de dimanche d’une fin de mois d’août) étant assez éloignée dans le temps (le début du dernier quart du siècle dernier – soixante-seize, pour être plus précis) je n’en dispose pas d’images.

Pis aller donc.

Il s’agit d’images automatiques, elles ne sont pas cadrées autrement que dans un même dispositif, lequel est posé (si j’en crois les explications du producteur) arrimé scellé soudé sur le toit d’une automobile (on ne sait pas si des automobiles sans conducteur seront utilisées pour ce genre de cartographie photographique – on nage en pleine technologie gafam, certes – pour le moment, des humains sont employés afin de les conduire, ces automobiles, dans les endroits les plus reculés de la planète; on affrète d’autres humains aux dos équipés d’un sac dans lequel se trouve le dispositif de captation du même tonneau semble-t-il afin de renseigner des endroits plus secrets – ou auxquels on ne peut accéder en automobile (Venise, par exemple) (on trouverait aussi des images réalisées par des personnes humaines montées sur des monocycles ou des vélos) . Tout ou presque y est automatique, on en est à la quatrième génération d’optique (trois cent soixante degrés merdique aux raccords) et de caméras, numériques et toujours plus performantes, conformément au credo de ce type d’entreprises. Il s’agit de la pointe avancée d’une certaine recherche qui n’a pas d’autre souci que celui de se montrer le plus rentable possible pour ceux (et celles) qui lui apportent des capitaux, que cette recherche donc emploie dans ces escients-là (on a une idée de la composition des personnes humaines (car c’en sont, dotées, comme toutes celles de cette espèce-là, de pas moins de neuf orifices) composant ce groupe particulier (les détenteurs de capitaux) dans un diptyque déposé dans les gravats de la maison[s]témoin, qui propose l’évaluation de ce que possèdent les quelque vingt-six (premières, alors) “merveilles du monde” (ici l’épisode un: là le deux) (dans un autre compartiment du jeu, on pourra noter que, de ces vingt-six êtres humains, deux sont du genre féminin – l’honneur est sauf) (ces affaires datant de plus de deux ans, il se peut (et c’est aussi la bonne règle qui nous est donc enseignée et assénée dès que possible : puisque tout passe, tout casse, tout lasse achetez donc tout dès maintenant, et changez, changez – et surtout les nouveautés) que ce recensement ait évolué (la plupart de ces gens sont assez âgés et, comme nous tou.tes, ils (et moindrement donc elles) ne font que passer).
Ensuite, vient l’opération qui consiste, pour le rédacteur (et donc devenu aussi opérateur) à s’approprier lesdites images, afin d’y placer le point de sa vue – on prend une image par capture d’écran, laquelle s’enregistre dans un dossier préalablement crée (ici intitulé “dossier personnel”), enregistrement nommé “Capture d’écran” suivi de la date “à l’anglaise” (pour aujourd’hui 2021-08-29) afin d’aider à une meilleure facilité de rangement (meilleure dans le sens où elle s’automatise plus facilement suivant un processus qui parle le langage numérique, évidemment); on ouvre ce fichier (double-clic sur l’image) puis avec un logiciel de traitement d’image (ici Shotwell photo viewer – traduction automatique “visionneuse de photo shotwell” (“shotwell” est plus que probablement la marque du logiciel (libre) (traduction automatique : “puits de tir” (terme balistique, plutôt utilisé pour des blessures dues à des armes à feu qui indique le parcours de la balle dans le corps humain pratiquement un orifice supplémentaire (sinon deux, en ressortant dudit corps) – par ailleurs “shot” veut dire tirer (un coup de feu souvent, une prise de vue, par extension) et “well” indique le bien) – , on recadre, on ôte les scories imposées sauf celle de la marque du producteur (le plus souvent vers le milieu du bas de l’image) : cette opération dans l’opération nécessite un certain apprentissage et prend position dès le début de la prise de vue (la bien nommée) : le premier prend de cette explication que je (vous) pose en gras italique pour mieux comprendre) (?); on travaille un peu les teintes, les contrastes, les ombres et saturations, on peut rogner, pivoter, redresser – on n’omet pas d’enregistrer – au besoin on peut renommer. Puis on importe dans l’article (on dit qu’on “télécharge” ou (nettement mieux) qu’on “upload”).

add du 32 août 2021 : une image dudit faubourg datée du mois de mai 2008 avait échappé à l’enquête : la voici, on y voit l’existence (déjà) d’un parking droite cadre, ainsi qu’une chaussée large et suffisamment praticable (comme il fait moche et gris, ce qui n’est pas rare en cette ville, la statue du faîte de la colonne n’apparaît pas)

Quatre images donc et cependant.
La première date du mois de juin de la douzième année du siècle :

les dates ne peuvent être précises, mais c’est égal – des détails : fait pas beau; les travaux de la rue (pas de panneau fond bleu grand P blanc majuscule droite cadre indiquant un parking pour automobile); les panneaux de vente d’habitation (même immeuble en travaux –

(add du 31 août 2021 : on distingue sur la façade de cet immeuble droite cadre (numéro 43 du faubourg) à peine de côté une image donnant une appréciation dessinée d’un avenir proche

trois images qui renseignent sur l’avenir (on aime à le prédire, ce qui nous permet de juguler un peu cette angoisse qui ne cesse de nous assaillir sur nos raisons d’être ici) : la première, en haut le potager; la seconde indique le nom de la “cour” – deux personnes allongées sourient car on travaille pour elles, elles se reposent, elles sont tellement heureuses (on peut remarquer que dans cette position, elles ne risquent pas de se livrer à des ébats qui donneraient lieu,s’ils n’y prennent garde, à une demande d’appartement plus grand, car à peine leurs systèmes pileux se frôlent); la troisième montre l’intérieur de la fameuse cour une fois les travaux achevés.

On ne résiste pas à poser deux images supplémentaires de ces deux êtres allongés : lui de face affrontant

(comme c’est beau au loin…) le radieux avenir et elle allongée sur le ventre ravie…

sans commentaire sur les positions respectives – fin d’addenda)

; le carré noir gauche cadre (magasin de meubles chics chers modernes : pratiquement* toutes les qualités); le génie (ici qu’on distingue doré) (à l’or fin sans doute) qui montre son derrière mais de loin (je pense que c’est cette vision qui a prévalu à l’attrait pour le point de vue géographique – nous autres sommes tellement décomplexés, n’est-ce pas); sur la gauche aussi, un peu plus proche dans l’image, l’excroissance d’un immeuble (au 32) bâti dans l’ancien mo(n)de (assez haussmannien si on veut, aux fenêtres assez renflées (en “bow window” je suppose – bow signifie arc en anglais, window, fenêtre) : le mur de briques rouges qu’on aperçoit là marque son emprise et sa limite); les autres façades sont de rapport, ateliers locations etc.


pour pratiquement
on pourra se reporter au magnifique chapitre IV du
Nocturne Indien d'Antonio Tabucchi, (Sellerio
éditore 1984, traduction Lise Chapus chez Christian Bourgois en 1987
- ici en collection 10/18 achevé d'imprimer en avril 1990, page 43 à
48) qui débute par ces mots du monsieur : "
Qu’est-ce que nous faisons dans ces corps"
(ledit livre,comme un certain nombre d'autres, ne faisant pas partie
de la proposition #L4
du présent travail puisque éditée six ans plus tard).

La seconde en date d’avril seize

plus de travaux à droite (meilleure lumière) (l’immeuble est terminé, on n’a plus qu’à louer – parking à l’avenant, évidemment – au droit du parking, un carré jaune-gilet qui marque l’emplacement du mendiant) sauf sur un immeuble côté gauche (moins d’emprise sur la rue en tout cas); au loin, côté gauche, l’enseigne “Roméo” a disparu (un développement sur ce magasin est en route et prendra place dans une des séries du site pendant le week-end (c’est fait ici) (on ne voit pas bien sur la précédente : une image de la nouvelle enseigne (bercing ? peut-être) – add. du 32 huit : on la voit mieux, en bleu sur fond noir – qui va disparaître aussi vite qu’elle est venue (celle-ci date de juin 14)

– c’est prévu : dans ce magasin trônait (c’est le cas de le dire) une image de l’acteur Delon Alain qui aimait peut-être les meubles proposés ici); droite cadre le mendiant allongé sur le trottoir (et son sac fluo donc)

scène de rue à peu près normale (ce pourrait, mais ce n’est point, semble-t-il, incontinence ou laisser-aller mais bien le renversement du contenu du gobelet qu’on distingue (la petite tache blanche) peut-être près du mollet droit de l’individu qui donne lieu à l’épandage de liquide) – la passante qui boit du café ou autre en parlant au téléphone, la boutique à louer, le parking neuf – etc.
La troisième juillet dix-huit

re-travaux droite cadre – évolution constante des prix du mètre-carré évidemment vers le haut, j’imagine pas moins de dix k – etc.
La quatrième juillet vingt vingt

rien de plus que ce qui est : les travaux sont terminés, on en entamera d’autres plus tard : côté gauche au loin, ça recommence en effet – on a réalisé un collage pour les besoins de la cause de ce neuvième épisode (je me suis perdu en route, je suis parti en vacances, je n’y ai plus pensé, j’étais dans une autre ville, un autre pays, une autre langue)

on ne voit plus guère de génie; c’est collé à la diable (je n’ai jamais su créer des images dans ce type de format – et j’ai décidé de travailler comme je peux); dix ans d’une portion de rue, là-bas au loin, se trouvait une prison qu’on a dû détruire (et c’est tant mieux)

 

12. dès le début

Tu me demandes de te raconter cette époque-là mais c’est loin, tu sais, c’est loin et ce n’est pas que ça ne me plaise pas, tu vois, j’aime parler avec toi
j’aime parler avec toi
toi qui ? j’avais à sortir et arriver quelque part, j’ai commencé par trébucher, j’avais des choses à raconter peut-être bien, de la façon la plus claire limpide simple fluide prenante possible mais non – tu remarqueras qu’il n’y a pas de tirets, il n’y a pas de parenthèses mais les parenthèses existent toujours, souvent on ne les perçoit pas simplement
mais c’est aussi essayer de remettre en place des souvenirs et c’est toujours aussi une manière de se tromper, de revêtir la réalité d’une couche de mots, traîtres et faux
c’est pesant comme le sac, cette affaire de parenthèses (l’un de ses amants à elle l’avait séduite par un « mettons que ce soit une parenthèse » – c’est une autre histoire, mais puisque tu me le demandes (ça donne envie de gerber, cette façon de dénier une importance quelconque à l’amour juste histoire d’en profiter, tirer un coup juste comme ça dit le parler populaire, histoire d’hygiène, le truc de Cargo de nuit « deux nuits pour se vider », c’est élégant hein, un moment une partie de jambes en l’air plonger dans le stupre et la fornication disait le poète… hein ? Oui). Une jeune fille pose les questions et répond le vieil homme, avec douceur parce que les enfants ont cette sensibilité toute proche de la naïveté qui leur fait prendre pour vraie n’importe quelle parole (ils ne doutent de rien) – c’est à un enfant qu’il s’adresse – nous sommes, tous, avons été resterons des enfants – il se peut qu’il soit assis devant une fenêtre ouverte sur une rue portant le nom d’une capitale d’Amérique, fort peu passante, surtout à cette heure-là, dans la poche gauche de son gilet une petite boîte d’argent de laquelle le tabac se prise – il fait chaud, deux heures l’après midi ? j’aime parler avec toi – Combien de temps dure la lecture d’un livre ? Et son écriture ? Est-ce qu’il faut oublier ? Se souvenir n’est-ce pas se leurrer ? Un peu comme la pipe de Duchamp ceci n’est pas un souvenir, c’est la réalité de ce que je vais dire alors tu me demandes, oui et je te dis une espèce de vérité, fausse et trahissant la vérité des choses parce que, parfois, ces choses-là ne sont pas si éblouissantes que ce soleil qui tombe dans la rue et abat sa lumière sur tout ce qui bouge, mais rien ne bouge, rien ne bouge plus, regarde bien petit, regarde bien disait Brel, alors le choix de ce moment-là est arrivé à cause de la glissade, il faut bien qu’il arrive quelque chose, sur la plaine là-bas, non, ce n’est pas mon frère son cheval aurait bu – non, les chansons je ne sais pas, mais il y avait au début de leur histoire cette façon de participer à un groupe de chansons plus ou moins folkloriques on y chantait sans doute comme chez les scouts « nous irons un jour à Valparaiso feras-tu la route avec moi ? » – je n’avais rien de spécial à faire, je frappais des tablas je n’avais pas appris à placer mes doigts juste au dessus des frettes de la guitare, je n’étais pas de ce groupe, je n’étais pas de cette classe sans doute, quelques années auparavant dans une autre ville – il y avait les chansons, depuis si longtemps, il y aura le cinéma mais il y était déjà, allait-on voir quelque film ? Plus ensuite, à cette époque-là peut-être, à la cinémathèque de l’avenue Albert de Mun (Trocadéro un franc la place) avant de faire des études de cinéma, le passage d’août sept sept aussi, il faut que je te dise, il faut que je te raconte Compiègne, Desnos, Aragon, la pochette de disque dorée, la chambre aux Invalides, les deux lits blancs couverts de bleu, la moquette et le fauteuil, la télévision sur le sol, il faut que je te raconte aussi
j’aime te parler, j’aime avec toi qui m’écoute
des faux souvenirs, jamais tout à fait faux mais avec une image du vrai, c’était sans intention préalable mais c’est quand même venu cette histoire de retour, il présumait un aller mais non, il n’y a jamais eu qu’un aller – le retour une année après la mort de ton père, oui, dans ce palace quelques années plus tard avec elle, le bonbon sous l’oreiller du lit entr’ouvert, les photos au bord de la piscine pour montrer que des blancs viennent ici aussi, oui peut-être puis à nouveau encore une fois pour l’avocat, une autre encore (cette fois-là, c’était avec ton amie) que tes filles voient la maison, la ville, le bord de mer, là où tu es né mais ils ont enlevé les rochers de la plage comme ils ont enlevé la plage – une route de béton la recouvre, la route est en impasse, des motos de l’armée stationnent là, le palais du président
il vient de nommer une femme premier ministre
j’aime parler avec toi
je revois, tu sais, je revois cette date-là, je reviens de croiser une plaque, soixante-seize il n’y a pas un mois, sur un mur à l’entrée du chemin (on dit une creuze) qui montait à la maison, le juge Coco assassiné en juin (une ordure, certes, mais est-ce suffisant ?) je me remémore cette façon que j’avais de penser (en écrivant Morna) (je vais reprendre Morna) – non finalement garder Norma – ce plaisir qu’il y aurait à vivre (vivre : manger, boire, se lever se laver se vêtir pisser déféquer, sans autre forme de procès que celui qui aurait lieu une fois le forfait commis : c’est que je suis un vieil homme maintenant – pas encore un vieillard comme ceux qui à mon âge étaient nés au début du siècle – mais un vieil homme quand même) (je me souviens de mes dents, de mon embonpoint et des taches qui apparaissent sur ma peau, je me souviens de celle que j’ai depuis que je suis né, la tache que j’ai dans le dos (elle a ce nom d’ailleurs “de naissance”), de celles qui apparaissent sur mes mains, des rides qui se creusent, de mes poumons aux trois quarts de leur capacité – la petite armoire vitrée dans laquelle me fit entrer le médecin pour calculer cette capacité) qu’ai-je à perdre ? un honneur, une âme, la dignité de ne pas enfreindre les commandements ? Souviens-toi le petit taureau Nougaro chantait “il se peut que je couve un Igor Stravinski”, tu te souviens ? Eh bien moi aussi, je couve quelque chose ces plaques, ces boutons, ces trucs qui grattent rouges – un crabe de la peau – ça doit bien exister – j’ai encore dévié, tu vois
mais j’aime parler avec toi
à quatre ans de là ton père était mort, maladie hôpital Cochin pas revu depuis ce matin-là où tu t’en es allé, la voiture à sept heures du matin (ah non, la marque non) , monsieur M. au volant souriant cheveux humide moustache (moustache ?) on allait travailler, une petite ville vingt kilomètres de là un dépôt le kardex les pneus les camions les tripes à midi – un jour un vol, on ouvrait les armoires-vestiaires des employés ferraille dans les kakis – quelques dizaines de bouteilles (et après qu’est-ce que ça peut faire le travail il est fait ou non ?) les sourires les blagues l’éponge et le coup de torchon qu’on passe (c’est le règlement, tu auras un blâme je suis obligé disait monsieur M. à ce type cheveux gris ondulés en bleu qui se tordait la bouche) – tu n’as pas détesté ça, moins que l’usine en tout cas
c’est le début, regarde bien petit, regarde bien

 

13. la paix

Tout ce qu’on demande c’est de vivre en paix, rien de tellement compliqué là-dedans (ce qui est arrivé il y a soixante ans à Paris et vers le pont de Neuilly par là-bas ; tout ce qui est arrivé depuis 1954, au mois de novembre, l’assassinat de deux instituteurs quelque part dans la montagne, ils disaient le djebbel, il y avait les quatre livres de poche copieux de l’histoire de la guerre d’Algérie, Yves quelque chose, au fond du couloir – j’ai cherché c’est Courrière – j’ai cherché j’ai trouvé Gérard Bon le monde est tellement petit – dans le livre de poche ce format comme celui qu’affectionnait mon père – je le lisais il y a longtemps quatre gros ouvrages au dos noirs, dans la bibliothèque du fond du couloir, tandis que les deux au dos blanc de l’histoire de l’URSS d’Aragon chez 10 18 étaient dans l’une de celles de l’entrée – j’ai toujours envié les gens qui parlaient arabe (mais russe, non) : c’est que ma mère en usait pour parler avec la sienne afin que les enfants n’y entravent que pouic je suppose (elles prenaient leur café dans la dauphine, garée sur la route, juin soixante) – les jeux qu’elle menait aussi avec son frère L. parce que les mots sont plus amusants quand on les connaît dans un autre registre – j’ai toujours envié ma mère, sans doute, comme j’ai toujours envié son frère je suppose – il faisait beau sur la place ils allaient non loin boire un verre de quelque chose alcool sans doute ou sur le tard sans doute pas – leurs chirurgies esthétiques, leurs frasques, leurs rires sur le tard – l’âge adulte, quand on est enfant, a quelque chose de sublime – mais un autre de ses frères, le « tu me comprends » venait plus volontiers, j’ai l’impression aujourd’hui – je m’en souviens, de lui, sur la côte d’Azur, je me souviens aussi du frère de ma grand-mère, qui portait le même prénom que le mien, que mes grands-pềres, quelque chose d’assez particulier – sa femme portait une robe blanche en fond quelques taches de couleurs de fleurs sûrement – dans la chambre qui était comme une cabine de bateau avec quatre lits, deux fois deux superposés, la tapisserie imitait la toile de Jouy dans les bleus – c’était à Croix-Valmer faubourg de Saint-Tropez – sur le port la nuit tournait le cinéma, Michèle Morgan et Dario Moreno – un froid de gueux, se tenir contre les groupes qui diffusaient un souffle chaud – les vacances, la Suisse aussi, Morgins peut-être des chalets par dizaines, de la construction et du bâtiment, de la banque et de la banqueroute – la Cadillac blanche décapotable aux sièges de cuir rouge, une banquette à l’avant, une banquette à l’arrière dans le vide-poche du tableau de bord le paquet rouge bordé de blanc de Craven A– pour le pluriel de grand-père j’ai consulté ce petit livre des cinquante mille mots du français courant – le deuxième grand-père oui, et le reste de la vie – la paix, c’est ça, simplement, la paix – la porte !! criait mon père quand il faisait froid dans la salle et qu’on oubliait de la fermer ainsi que cette parenthèse –
rien de compliqué là-dedans cette envie que chantait Johnny les paroles de dji-dji-gé pareil pour la musique, mais jamais uniquement quelqu’un, toujours suivi de son frère par exemple, Pierre c’est ainsi – non loin de la poterne des Peupliers (la poterne, kézako que la poterne ?  – j’ai cherché on me dit voûte galerie voûtée – parfait j’apprends, mais pourquoi écrire, pourquoi cette orthographe impeccable, excellente, dans ce français qu’on apprenait derrière le palais du président et l’arabe qu’on écrivait aussi là-bas – c’est plus le soleil qu’on y voit quand même) – mais là, ce type qui pousse la porte en apesanteur devant les marches de l’esplanade ça a quelque chose à voir avec celle des Invalides, le terminus des bus qui viennent d’Orly, le restaurant étoilé et ses nappes roses au sous-sol, est-ce que ça a quelque chose à voir avec Paris ? La revoir, cette ville, un p’tit séjour d’un mois ? Jean Sablon ? Merci d’être ici…
la paix c’est pourtant simple, la fin de l’entropie – la thermodynamique, les années soixante-dix, celles-là mêmes où il se dirige vers son chez-lui vers le chez-eux ; les deux ou trois principes ; les équations de Maxwell, l’astronomie, les réseaux et les équations différentielles, les nombres complexes – les disques noirs tombés du camion, les merguez et les mots croisés de libé on aimait assez libé alors avec les notes de la claviste, les chéri(e)s et tout le bazar – c’est cette époque-là on avait la chance d’évoluer vers la liberté, tu vois comme les choses ont changé, aujourd’hui on ausculte notre nombril pour s’imaginer que le monde entier et l’humanité toute entière aussi va s’écrouler sur elle-même, comme si notre orgueil, notre morgue avait simplement tout conquis même l’avenir : à pleurer

enfin la fin de ce tour sur soi-même toujours recommencé – toujours repenser à ce qui s’est passé alors, se retourner vers le passé, celui des parents, revendiquer le passage de l’Atlantique, et non seulement de la mer – il y avait dans cette façon de voir quelque chose qui ignorait le reste de la famille, on était là dans cette petite ville à cent bornes de la capitale et tout le reste de leur monde y était – la nuit l’hiver il y gèle à pierre fendre – je me souviens d’avoir été voir son oncle, E., rue de Marseille dis-moi c’était bien rue de Marseille ? Je me souviens aussi d’avoir été voir Gérard T. rue de Dunkerque – des gens, j’avais dans l’âme quelque chose, dans le cœur cette volonté de bien faire, toujours, laisser dire – mais bien faire, tout au moins du mieux que je pouvais, ce sont les images du voyage entre A. et M. qui me reviennent, ça ne fait que vingt kilomètres tout au plus, le parfum palmolive savon de la secrétaire qui s’asseyait devant, sans doute privilège de l’âge – ce sont des images du travail, bien faire – des images troublées par la suite – gardées comme à l’intérieur de soi, le matin tôt l’inventaire de la fin août, la canopée des pneus, la connaissance préalable des dimensions, le compte, le passage vers d’autres pyramides, sept ou huit palettes de ferraille l’une sur l’autre, le compte, la dimension, conduire le fenwick et gerber des palettes des images du travail qui reviennent, lequel travail s’en va s’éloigne s’estompe puis disparaît avec le désir de s’acheter une guzzi california – neuve elle valait près d’un million – je me souviens bonneville commando kawa cinq cents, je me souviens deux ou quatre temps refroidissement par huile ou eau ou air chaîne courroie ou cardan, la Laverda et journal, samedi midi, Moto-journal peut-être bien, toute une procession de termes et de mots qui réfèrent à ces objets, ces véhicules qu’on avait été voir rue de la Folie-Méricourt, un jour de juin, les bottes qu’on avait été acheter sur le carreau du Temple – plus tard TNPPI me ferait de ses mains et de sa machine à coudre un blouson de cuir poches intérieures fermeture éclair boutons pressions – et puis non, l’Opel verte, Manta tu crois ? Dans la cour du dépôt, le bleu de travail, le dessert qu’on ne mangera pas, deux heures de l’après-midi fin juillet comme une semonce, un coup, sonné déshabillé rhabillé on s’en va, il y avait sans doute ma grand-mère dans l’auto, celle de la deuxième épouse de son frère, verte, Manta tu crois ?
Et cesser de respirer vouloir mourir, le désirer fermement, c’est une gare, il fait chaud, service commandé et chaussures adaptées c’est l’été et je ne vois vraiment pas où je me les étais procurées – sûrement pourtant chez ce soldeur de la rue de Reuilly, en face du métro quelque part à Paris – il y avait dans l’écran cette exploration d’un ami italien venu en France en 2006, quinze ans plus tard qu’en est-il devenu, le regret de Rome et de son climat ? la prochaine fois au café je l’interroge
de grège vêtu, lin soie cachemire coton c’est cette histoire qui lui revient c’est Norma (ce matin, un commentaire sur Norma Rae (Sally Field l’interprète dans le film de Martin Ritt) on passerait facilement de « vivre » le v en est minuscule, comme celles de Pierre Michon, au journal puis aux écrits plus réfléchis, construits, établis comme celui de Robert Linhart – faut-il donc travailler le texte afin qu’il garde une homogénéité une certaine patine une main un style mais le grège renvoie directement peut-être est-ce direct, directement peut-être à ses vêtements, qu’elle allait acheter en solde chez Harodds, son « eurostar c’est formidable » son plaisir de raconter en trois mots son voyage à Bilbao, le musée, l’océan les usines – le cachemire à Baloo, le fils d’Y. qui lorsqu’il hérita s’en alla en Londres se « refaire une garde-robe » (ou est-ce un rêve ? L’an deux mille je crois ou avant, bien avant, au mariage de sa sœur, E. n’avait que quelques mois, mairie du seize, Cadillac rose – des gens qu’on croise – le golf de Beaugency ou était-ce Chambourcy ? celui plus sûrement de Bayonne (ou de Biarritz – je m’aperçois que ces deux villes coïncident et voisinent – des enquêtes jusqu’à Irun – avancer en âge et en sagesse – si je pense à elle, par ce grège, je pense à ses twin-set et je pense à ses chutes – cette façon de se tenir droit(e) mais certainement quelque chose d’elle (je prends, en aparté, des nouvelles de cette « maison mère » qui me plaît vraiment – je continue à explorer ces lieux dans celle qui m’est témoin) – ce sont ces épisodes qui m’intiment de continuer (je ne cesse pas, je continue, je ne cesse pas) (il y a les habits de la mer Noire qui sont suspendus quelque part, un dossier sûrement on pose souvent les vestes sur un dossier, n’est-ce pas ? – le n’est-ce pas réfère à autre chose (les mots du SILO en touitte) – qui se trouve quelque part sur l’écran ou dans un autre (gigognes) (ces temps-ci l’ami Lulu deuch nord traduit des chansons (de Brassens aussi) en picard – je n’ai pas suspendu, sans doute est-ce ce « je » qui embarrasse ; lis-je encore quelque chose ? donné-je à lire quelque chose ? il faudra revenir dessus encore à nouveau ce travail, on travaille on travaille – un espace après la virgule,corriger les fautes d’orthographe aux noms propres – ce qu’il faudrait, ce qu’il faudrait aussi, ce serait illustrer, des images automatiques un peu comme cette écriture (j’en ai posé une ce matin du golfe de Biarritz) – écrite sur une journée entière, avec les quelques pauses normales, aller acheter du pain, préparer à manger, faire les choses besoins autres outrances indispensables, le corps et les organes, la peau qui s’irrite, consulter la boîte aux lettres avec le papillon d’assurances qui manque, consulter regarder répondre au téléphone à l’ami de Mazères – ces façons de s’en aller, de partir, de déserter dirait l’idiot, il y a toujours l’idiot ici, qui veut imposer une espèce de loi inique afin qu’on la transgresse militaire qui voudrait la lâcheté et qu’il puisse, en toute bonne foi dit-il, frapper, blesser, contraindre, le lacet des Espagnols, le onze septembre mille neuf cent soixante-treize

c’est cette histoire qui lui revient, cette histoire de la chambre d’hôtel sortie à la nuit noire et fermée, au bout du bras la sacoche de cuir un peu comme un médecin ou un professeur le genre de type resté toute sa vie dans le même chemin dans les rues d’une ville inconnue une étape dans un voyage où se tiennent les illusions les plus noires, les tentatives les plus vouées à l’échec
il aurait fallu faire comprendre et savoir que c’était là quelque chose d’autre, une autre histoire que celle précédente, précédemment entreprise, mais c’est quelque chose qui est venu à cause d’un travail qui n’était pas encore en cours (je garde malgré tout à la conscience que tout ça est assez débridé, ou inégale, ou divers différent sans attrait, cohérence, unité) – une histoire qui m’était venue un jour en me disant (un matin tôt) que la prison était un lieu où tu n’as plus de liberté, peut-être, mais où on te nourrit, loge, vêt, blanchit puisque tu payes ta dette à la société – cette dette dont elle nous rebat les oreilles (alors j’avais conçu ce genre de scénario d’un type qui voulait débarrasser le monde des ordures qu’il avait produites – j’avais pensé à ceux qui s’en étaient pris à un Halimi, un jeune type sur le boulevard Voltaire ; ou à cette vieille femme Halimi aussi, rue de Vaucouleurs ; ou d’autres encore (il m’est revenu à l’esprit des études de psychiatrie ; il m’est revenu des textes de romans policiers) – personne à prévenir en cas de malheur

le genre de type resté toute sa vie dans le même chemin allusif à quelqu’un ? qui y voir ? Je m’étais dit qu’il me fallait éviter l’écueil des points d’interrogation, les questions, sans les réponses – quelqu’un comme l’un de mes oncles ? (il y a dans Compartiment tueurs un rôle (tenu par Michel Piccoli sous le nom de Cabourg) (c’est aussi son patronyme dans le roman) dont l’une des actrices raconte pour le décrire qu’il avait l’air d’un fonctionnaire – un fonctionnaire, un peu petit au moins d’esprit d’âme de mental d’idée, étriqué, manches élimées négligé (lorsque la question est posée et que vient cette réponse, immédiatement l’enquêteur de rétorquer : “de police ?” – non,non, fiscal répond l’inspecteur – “il en faut” répond l’enquêteur en souriant, “et la catégorie s’il vous plaît ?” – ce n’st rien, c’est le métier qui rentre))

Faux passeport, fausse identité, aucun remords (c’est le « s » final qui m’étonne à remords – un peu comme le manque de « t » à la fin de soutien) aucun complexe (il y avait cette idée que le mot t’échappe quand tu as à le dire – sur scène c’est une terreur – on sent qu’il est là, il ne veut pas venir, c’est le noir complet dans l’esprit et la mémoire – quelque chose qu’on ressent en représentation – c’est là, et ça se tord dans le ventre – on voudrait mourir ou au moins disparaître : ce ne sont que des mots qui ne disent rien de l’état dans lequel on se trouve, on en réchappe on parvient avec le froid dans les reins à surmonter – il se peut que ce soit ce genre d’événement qui intime de cesser – Jacques Brel et ses adieux ; Montand qui disait « tous les soirs je priai pour me casser une jambe en revenant de ma loge pour éviter la scène »

il travaille pour l’argent qui donc ? Être d’un certain côté, celui de ceux qui (celles tout autant) qui n’ont pas d’alternative, rien d’autre à faire (le « bon qu’à ça » me fait doucement marrer) (je n’ai pas de ces possibilités) – cesser de travailler et se consacrer à autre chose, la lecture, le macramé, l’exploration effrénée (j’aurais mis un « i » après le deuxième « e »  moins l’accent sur le premier) plus de son nombril – je préfère mourir (sic :

La rédaction web à domicile peut s’avérer très lucrative. Quelles compétences, quels avantages et inconvénients? Quand écrire chez soi devient un emploi.

La rédaction Web à domicile : un vrai gagne-pain pour la plupart des auteurs

La rédaction Web à domicile consiste principalement à écrire des textes pour des sites et des blogs. Certains auteurs sont pigistes, rédacteurs freelance, étudiants ou retraités, d’autres sont salariés et travaillent le soir pour arrondir leurs fins de mois. La rédaction Web à domicile : un vrai gagne-pain pour ceux qui s’investissent régulièrement et dans la durée.

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Cette violence – un emploi du temps, lucratif (le stupre et la fornication, peut-être mais le lucre ?) quand même pas – des années à se demander comment on peut bien faire pour survivre – bientôt soixante dix – c’est pour ne pas mourir, pour se sentir vivant, pour laisser quelque chose après soi – le temps passe et il fait froid, on attend longtemps, et puis ça passe

non jt’assure c’est juste un passe-temps

le rendez-vous dans un parking en bas des Champs-Élysées a eu lieu, le type avait des cheveux un peu long et frisés et sans doute passés au gel, il ne portait pas un serre-tête comme le suggère la mémoire, il portait des habits neufs (ceux de l’Empereur, je suppose) il (y) avait un livre de mémoire à (faire) écrire, si on me demande je dirai libanais, quelqu’un d’autre ferait parvenir des bandes enregistrées et on avait à les mettre en forme (ça s’appelait des K7), on avait à signer une espèce de contrat complètement faux, le bureau était en sous-sol, une table quelque chaises, on n’avait pas à savoir qui était derrière cette histoire-là, je ne crois pas l’avoir rêvée mais elle participe de la même volonté de faire quelque chose avec ses dix doigts, ses yeux fermés, sa mémoire son appréhension de la vie – on avait à écrire ; on a écrit; ça s’est perdu sans réponse – on n’avait pas d’adresse (il faut de l’adresse dans ce genre de travail) ni de téléphone, on a préféré aller travailler sans doute, et revenir avec ce sac lourd de quelques centaines de feuilles de papier cartonné de toutes les couleurs classées dans des dizaines d’enveloppes sur lesquelles des chiffres avaient été écrits et qu’on donnerait le lendemain matin, dans un bureau d’une tour de la gare de Lyon, voilà tout

le numéro du compte à la Grenade ce n’est que le fruit qu’on mangeait alors, de petites vésicules translucides et roses délicieuses, bien meilleures que les figues de barbarie qui nous piquaient en plus, la Barbade peut-être qui fait de l’œil à la maison sur la plage de la star (la Madrague) – je ne sais plus exactement, la guerre, le fils ou le petit fils de la reine, les îles au large de l’Argentine ? je ne sais plus ou je confonds (les Malouines, c’est ça, oui) – les horreurs déversées sur la star qui en tirait profit et image, et les tentatives d’extorsion, les autres allaient en Suisse ou à Monaco, les impôts rattrapaient tout ce monde mais la réalité des choses, c’est que tout est parti sur une autre voie

ce pourrait être la Bulgarie, quelque part dans les Balkans, ces endroits infestés, ce pourrait être de nos jours probablement toujours ce décor (mais il fait chaud – pleut-il la nuit à heure fixe jamais quelque part, sur terre ? – il fait chaud climat continental en été, les bords de la mer Noire,Odessa quelque chose), dans le même temps mais un autre espace que se déroulait Norma, ou que je l’écrivais, ou qu’elle arrivait comme une sorte de sphinge, de goule, de fantôme sans trop savoir qui elle était, sans savoir qu’elle était là, dans les plis de cette histoire (mais elle se trouve toujours là, finalement je la vois toujours, cette vieille femme avec ses dents qui lui manquent et ses cheveux frisés au fer, sa blouse fleurie et ses manches longues sans doute dans le monde la réalité ici sans doute a-t-elle disparu – le restaurant où elle servait a disparu, bel et bien) – le truc c’est que je n’aime pas travailler mais j’aime écrire – j’aime illustrer – je vais laisser cette première personne du singulier

 

 

 

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