Projet DF 1
Il y a bien longtemps que ce dossier (comme on les appelle) traîne sur la table (ou le bureau, c’est comme on veut) ( non, mais c’est du boulot tsais).
Il s’agit d’une émission de radio – ce n’est pas tellement que j’aie du temps, là, mais j’en ai eu durant les derniers mois (je ne tiens pas aux allégories, mais c’est ainsi que les hommes vivent (et les femmes, certes – mais dans la chanson, le poète nous parle plus des hommes – il faudrait l’écouter en imaginant : Catherine Sauvage en a donné une version remarque bien – 18792 vues) (je m’égare, pardon)) mais non : il y aura des chansons – beaucoup bien qu’il s’en défende un peu – il y aura beaucoup de gens (des peuple, très souvent) il y a ses parents (ici sa mère son père au milieu et lui – image taxée chez Jean-Marie Périer (le fils à François) qui fut un temps son assistant
) il y aura du cinéma et du jazz – une espèce de figure héroïque (je me souviens de la description de la figure du héros, en examen de l’uv de Török en cinéma, j’avais adoré – j’aurais dû rendre copie blanche pour en devenir un – je n’aime guère les héros mais je les adore comme de juste) (j’ai cherché un moment, mais le prénom c’est Jean-Paul) (pour Török).
Je pose donc, en allant, les retranscriptions de ces 5 émissions de radio (ça a été diffusé en 2012 pour faire valoir le livre que vient de publier DF – il est né le 12 janvier 28, ça commence à lui en faire 92 – j’ai vaguement le sentiment qu’il vit à New-York – sortir masqué – on a dans les poumons cette peur, ce stress, cette tentation d’en finir aussi bien – parfois, le moral, c’est pas vraiment ça – mais passons, brisons là ces contemporanéités).
Épisode 1.
C’est un peu long. Ce n’est qu’une retranscription (en tout deux heures et demie de paroles plus ou moins en connivence, sous-entendus libidineux ou pas, et autres… – sous le lien, la première émission, si on préfère) (les titres sont des producteurs de l’émission)
Je pense illustrer en allant – nous/je verrons/ai bien.
Il faut trouver une problématique : je suppose que c’est ce qui est fait en rendant en gras certains propos.
Pour le moment, je pose aussi l’inventaire des patronymes cité dans l’épisode.
1° épisode
Henri Filippacchi (1900-1961) mariée à Edith Besnard (sa mère)
Charles Filippachi (frère du précédent)
Paul Albert Besnard (1849-1934) (né au 21 bis quai Voltaire)
Salvador Dali
Robert Desnos
Jean Cocteau
Pierre Léaud (le père de Jean-Pierre) ami avec Edith Besnard
Jacques Prévert
Marcel Duhamel
Brunius
Daquin
Loys
Roger Blin
Alexandre Trauner
Jean Marais
Josette Day (Coriolan : film)
Georges Jugney Paul Mauriennes Jean Genêt
les frères Mouloudji (André surtout)
Marcel Duhamel (re)
Charles Delaunay
la librairie Pierre Béarn
Paul Eluard
les éditions de Minuit
le livre de poche La Pléiade
Corinne Luchaire (le facteur sonne toujours deux fois film 1938)
Henri Langlois
Simone Signoret
Micheline Presles
Julien Duvivier (Six destins) avec Charles Boyer
Citizen Kane
Numéro 1
l’enfant du Flore et des Deux Magots
On fait à peu près une partie une première partie d’à peu près une demie heure… Ça m’épate beaucoup ce que vous me dites, parce que jamais je ne vais pouvoir remplir… (rires AK) une demi-heure… alors on fait un essai, je suis de bonne volonté…
A voix nue toute cette semaine Alain Krüger rencontre DF Ce soir l’enfant du flore et des deux magots…
Nous sommes à Paris, près de la place Furstemberg dans le quartier d’enfance de DF, alors ceci n’est pas une interview de DF, DF ne donne pas d’interviews mais nous allons revenir durant 5 épisodes sur les épisodes qui ont marqué la vie aventureuse de DF… Alors DF n’est pas un homme de radio, DF n’est pas un homme de presse, DF n’est pas un des plus grands collectionneurs du monde, DF n’est pas un homme à femmes, DF n’est pas un amateur de jazz, DF qui n’êtes vous pas ?
Je ne sais pas la liste s’arrête là, c’est tout ? (rires)
Non, non, la liste continue, on peut continuer à énumérer, longtemps…
Oui, mais non, là, c’est bien, comme ça, ce que je ne suis pas, il y a des tas de choses que je ne suis pas…
Qu’est-ce que vous n’êtes pas, encore ?
Ah non, mais là vous me demandez de l’imagination, je ne peux pas vous répondre, c’est trop compliqué…
Alors ne parlons pas d’imagination, parlons de la toute petite enfance, parlons de vos parents, qui étaient vos parents ?
Eh bien mes parents étaient des gens très bien que j’aimais beaucoup, et qui m’aimaient beaucoup, qu’est-ce que je peux dire d’autre ? j’étais très content de mes parents…
Oui, on sent que vous étiez un enfant aimé
Oui
Et un enfant qui n’a jamais eu de problème ni avec son père ni avec sa mère
C’est vrai…
Alors qui était Henry F votre père ?
Eh bien… vous voulez vraiment que je raconte la vie de mon père ? Oui.. Mais c’est très long… Alors racontez la vie de votre père, ça va être très long et on a beaucoup de temps… Alors mon père était donc né en Turquie, d’une famille euh.. de… des genres de pieds noirs, des gens qui venaient d’ailleurs, en l’occurrence d’Italie, de Venise, c’était des armateurs qui avaient beaucoup d’argent, qui avaient donc deux enfants dont mon père, qui vivaient là-bas jusqu’au jour où il y a eu la révolution, enfin bon, ça a tourné au vinaigre et ils ont été obligés de… mon père est parti avec sa mère sur un bateau italien et ils sont arrivés à Marseille…
En 1922…
En 1922 oui…
Et ils sont arrivés et votre père n’avait que son violon, alors ça c’est la légende familiale ou c’est la réalité ? Je crois que c’est la réalité parce que il est parti précipitamment en pyjama et la chose à laquelle il tenait beaucoup c’était son violon et alors il l’a emmené…
Et alors qu’est-ce qu’ils ont fait à Marseille, en 1922, avec un violon et un pyjama ?
Ben alors là ils ont été abrités par des amis, ma grand-mère avait des amis qui les ont abrités pendant quelques jours, je ne peux pas vous donner tous les détails parce que je n’ai jamais vraiment posé toutes ces questions qu’il aurait fallu poser, mais après s’être un peu organisé, mon père est monté à Paris…
Et qu’est-ce qu’il a fait en arrivant à Paris ?
Il a regardé les petites annonces, il a cherché du travail et il en a trouvé dans une imprimerie, à Rueil…
Et qu’est-ce qu’il faisait dans cette imprimerie ?
Ben il a commencé des basses besognes, enfin il faisait rien, il faisait très peu de choses, il faisait… il avait 22 ans il n’avait pas de papier, il était apatride, c’était donc l’équivalent aujourd’hui, oui d’un garçon de ce genre…
D’un sans papier apatride…Oui…
Et comment a-t-il rencontré votre mère ? Ben ça c’est quand même beaucoup plus tard, des années plus tard, il a rencontré ma mère je crois dans un… dans un club, enfin ça ne s’appelait pas des clubs à l’époque, dans une boite de nuit de Montparnasse…
Et il jouait du violon dans la boîte de nuit ? Non, non, non, il jouait du violon, il a joué un peu de guitare à droite et à gauche, mais je ne pense pas qu’ils se soient rencontrés… il n’a jamais eu je crois un vrai job de musicien
Et votre maman, elle était d’une famille d’artiste, son grand-père était un académicien, un grand peintre… Oui enfin, un peintre célèbre, à l’époque…
A l’époque oui vous nous parlez de lui un petit peu ?
Ben euh.. c’est difficile, parce que évidemment moi, il est mort en 1934 , j’étais… donc je ne l’ai jamais connu, il a eu une belle vie parce que c’était un homme probablement assez intelligent, donc il a eu une très belle vie parce que ce n’était pas un homme de grand talent mais il était considéré comme un grand peintre, il vendait très cher des tableaux qu’il faisait sur commande, des portraits… et…
Il y a des tableaux de lui au Musée d’Orsay d’ailleurs… Hum oui… c’est possible oui… oui oui…
On peut dire son nom, hein Oui… C’est Albert Besnard et votre maman donc c’est Edith Besnard et il a eu droit à des funérailles nationales… oui, il a eu droit à de grandes funérailles nationales, oui, avec tout le monde… Il était académicien français, grand croix de la légion d’honneur, enfin c’était un… Oui, oui… Et c’était un peintre qui était apprécié par votre ami Salvador Dali ? Bah à l’époque sûrement pas, il ne devait pas le connaître… ensuite, il en a un petit peu parlé oui, il en a un petit peu parlé il les appelait les peintres pompiers, oui…
Vous ne souvenez pas de la rencontre de vos parents ? Comment voulez-vous que je m’en souvienne ? (rires AK) Non je ne me suis jamais vraiment renseigné correctement, ils se sont rencontrés donc je suppose qu’ils ont dû danser ensemble flirter et puis finalement voilà…
Et votre père faisait quoi, à l’époque ? Ah ben mon père était justement dans cette imprimerie, où il avait quand même depuis trois ou quatre ans qu’il était arrivé en France, il avait quand même pris des galons, en fait il était devenu directeur de l’imprimerie…
Oui en fait c’était assez rapide en deux trois ans quand même… Oui c’est assez rapide, oui pour un métèque oui…
Métèque, vous pour vous votre père c’était un métèque ? C’est ce qu’il disait lui…
Il disait ça ? Oui, oui…
Il avait comme dit la chanson de Moustaki une belle gueule de métèque ? Oui, oui oui…
Si on va déjeuner au Flore, votre père est en photo sur les napperons du Flore… Oui, si on va déjeuner oui mais il a un chapeau je crois ou non, enfin en tout cas il s’aplatissait les cheveux pour pas qu’on voie qu’il avait les cheveux crépus, oui
Ah oui… Oui il se les aplatissait oui, avec un filet, oui, tous les jours je le voyais avec un filet sur la tête…
Et vous ce sont des choses que vous avez faites après ou ? Je n’ai jamais eu les cheveux crépus, je suis désolé (rires)
On ne sait pas on ne connaît pas votre visage, moi, quand on m’a dit DF, je pensais que le personnage n’existait pas… Ouais, ouais… Un peu comme Howard Hughes enfin quelque chose d’assez mystérieux… Ouais ouais… il n’y a pas beaucoup de photos de vous, vous donnez peu d’interviews… Non, mais pour en revenir à mon père, c’était quelqu’un d’intéressant, avec une vie intéressante et il faut dire aussi que c’était une époque intéressante et aussi différente, aujourd’hui c’est moins facile pour quelqu’un dans cette situation de faire son trou alors… il a quand même du mérite, parce qu’il arrivait donc de ce pays étrange là, la Turquie, de devenir comme cela quelqu’un d’important dans une imprimerie qui faisait des livres en plus de luxe, qui faisait des livres comme ça avec des tirages limités vous voyez il avait une excellente, une extraordinaire connaissance du français, mon père, alors qu’il avait fait toutes ses études dans une école allemande, c’est un peu bizarre mais c’est comme ça…
C’est peut-être aussi une époque où dans les familles privilégiées… Ah la maison, je crois… on parlait français… A la maison tout le monde parlait français mais ma grand-mère avait un accent très fort, mon grand-père je ne sais pas je ne l’ai jamais vu, mais il devait certainement rouler les « r »…
Votre père était le frère aîné ? Non, ils étaient deux frères et il était le plus jeune, l’autre était parti en Amérique beaucoup plus tôt, avant la révolution…
Donc Charles c’était le frère aîné… Oui… Le film de Kazan, est-ce qu’il y a une parenté, le film de Kazan « América, américa » c’est un film que vous affectionnez particulièrement ? Non, pourquoi vous me demandez ça ? Non, non, parce que je sais que vous aimez le cinéma… Ouais, je n’aime pas tellement les films de Kazan en général, et celui-là je ne m’en souviens même pas…
Et pourtant il est… Oui, enfin je sais mais je.. ça n’a aucun rapport avec mon… avec mon oncle…
On est au début des années trente et votre père est ami avec des surréalistes ? Oui
C’était qui les amis de votre père dont vous vous souvenez ? Celui qui venait très souvent à la maison, c’était Robert Desnos… évidemment, au début de la guerre parce que après…
Desnos ne l’a pas finie… Desnos a été arrêté et est mort, les autres n’étaient pas vraiment des amis, Cocteau était un grand ami de mon père mais enfin ce n’était pas un surréaliste… Non, je me souviens surtout de Desnos donc…
Alors Desnos, c’est les quatre cents coups… Hum… Hein, ils étaient quatre ils n’avaient pas deux coups mais les 400 coups c’est aussi François Truffaut et c’est aussi Jean-Pierre Léaud, et je crois que votre maman était très amie avec le père de Jean Pierre Léaud ? Oui il s’appelait Pierre Léaud…
Votre père habitait à quel endroit à l’époque ? A quelle époque ? en 1930 à peu près … Ils habitaient Rueil, mes parents au départ, je suis né euh… oui à Rueil peut-être…
Près de l’imprimerie donc… oui, oui, son job c’était à l’imprimerie et il avait un petit appartement là-haut ou une maison je ne sais pas…
Et à quel moment arrivent-ils à Paris ? Ah ben il a dû arriver… bon hein il a eu un problème pulmonaire, il a été dans un sanatorium, il a eu cette idée de librairie automobile, je ne sais pas si vous voyez ce que c’est ? Le bibliobus… le bibliobus qu’il a réalisée et je crois que le premier appartement qu’ils ont eu à Paris, mes parents, ça a été rue de Condé, tout de suite après Rueil, ils sont passé de Rueil à la rue de Condé…
Oui, donc la rue de Condé c’est dans le 6° arrondissement à Paris, hein près du Luxembourg et c’est dans le quartier dans lequel vous habitez aujourd’hui, donc vous êtes revenu dans le quartier de votre enfance… Ben oui, oui c’est vrai que je l’ai quitté plusieurs fois ce quartier, j’ai eu des appartements dans d’autres quartiers, oui, mais enfin oui, je suis revenu…
Et es-ce qu’il y a des lieux particuliers qui ont marqués votre enfance ? Il y a le café de Flore, il y a Luxembourg, la fontaine Médicis…
Le café de Flore, c’était un lieu qui était hanté par des noms un peu magiques comme Prévert… Oui.
Prévert c’était un ami de votre père ? Oui, c’était une bande d’amis oui… Il y avait Prévert…
Et c’était qui la bande donc ? Ben il y avait Prévert, Marcel Duhamel surtout… Donc Marcel Duhamel l’inventeur de la Série Noire… Et autour d’eux, ben beaucoup de…beaucoup de gens qui passaient comme ça, il y avait Brunius, il y avait Daquin, il y avait… il y avait… et puis des gens moins connus, Loÿs, Roger Blins, oui, c’était des copains…
Alexandre Trauner ? Trauner, absolument, qui était un type très.. très à mon avis très sympathique parce qu’il s’occupait beaucoup de moi, il était très gentil avec moi, j’étais gosse…
Et Alexandre Trauner, c’était donc un grand ami de Prévert, oui… Oui décorateur.
Le grand décorateur de cinéma oscarisé pour « La Garçonnière » Ouais..
Et vous à l’époque vous alliez au cinéma vous ?… ? Ah ben oui j’ai commencé à aller au cinéma très tôt oui…
Votre papa est connu pour avoir filmé un chef d’œuvre inconnu, un film de Cocteau, qui s’appelle « Coriolan » Oui… que je n’ai pas vu, mais vous l’avez vu, et vous devez même l’avoir … Je l’ai vu cent fois, oui… Alors comment fait-on pour le voir, Coriolan, qui est un film qui est absolument invisible ? Ben je vous le montrerai, si vous voulez, je l’ai en DVD… Ah volontiers… Et alors, qui il y a dans Coriolan, qu’est-ce que c’est que ce film ? ben on voit, on voit principalement Jean Marais et Josette Day et Cocteau et ils font les clowns, enfin, bon et il y a quelques amis… C’est un film d’amis… C’est un film d’amis, oui, on voit le directeur, le patron du Catalan qui est un restaurant où ils allaient, je crois qu’on voit, on aperçoit Georges Jugney, on aperçoit Paul Mauriennes, enfin des amis de l’époque… Genêt, Jean Genêt ? Oui. Jean Genêt vous l’avez très bien connu ? Ben j’étais… oui, assez bien oui… Vous avez même publié je crois un de ses textes, « Haute Surveillance »… Oui, c’est un petit tirage à 25 exemplaires de « Haute Surveillance », il a fait ça pour me rendre service, voyez, parce que il était très gentil et il a fait ça, il m’a donné ça, évidemment ça n’intéressait personne à l’époque, mais… non j’étais assez copain avec Genêt oui…
Mais on a l’impression que vous avez été entouré de gens qui ne sont que des gens exceptionnels, qui sont tous dans le dictionnaire… Il y en avait aussi beaucoup d’autres qui n’étaient pas exceptionnels et qui ne sont pas dans les dictionnaires… Dans vos amis d’enfance, il y avait les frères Mouloudji… Oui… j’ai vu une photo un jour des frères Mouloudji qui étaient avec Marcel Duhamel qui étaient dans un livre de Trauner justement… Oui, c’était une photo de foire où ils ont la tête dans les trucs,là… Oui c’était une photo de foire; ils sont dans une espèce d’avion… Oui, il y en a une avec mon père aussi… et les frères Mouloudji, c’était des copains à vous ? Mon père était surtout ami avec André qui était le plus jeune, et qui ne faisait pas de cinéma ni rien, à l’époque, qui était un joueur d’échec, on jouait aux échecs, très sympathique… Et qui est devenu ? Oh il est mort très tôt, il était tuberculeux, il est mort très jeune, je crois qu’il avait seize ans quand il est mort… Parce que Marcel Duhamel s’est occupé de… ben il les avait pratiquement adoptés… Oui, c’était des petits orphelins…
Et j’ai lu dans votre livre, que Marcel Duhamel avait créé la Série Noire, que le titre était de Jacques Prévert et que la maquette était de votre père… Oui, c’est mon père qui avait fait la concept… oui, qui avait fait la couverture oui…
Donc il y a déjà cette, il y a un gène, il y a un rapport au papier qui est quand même particulier très tôt… Absolument oui.
Vous alliez au Flore avec votre papa et vous alliez petit au Deux Magots avec votre maman… Ben oui je passais de l’un à l’autre, oui, enfin j’allais de l’un à l’autre parce que ils étaient tous les deux, là, l’un au Flore l’autre au Deux Magots…
Et ils ne se croisaient pas ? Si, ils se croisaient, mais enfin ils n’avaient pas les mêmes amis…
C’était qui, les amis de votre mère ? Ah ce n’était pas des célébrités comme mon père, c’était des gens sympathiques, toujours bien habillés avec des cravates, ce n’était pas le même genre… (rires)
Votre père était provocateur ? Non… Non, loin de là, on ne peut pas être provocateur quand on n’a pas de papier, non…
A un moment il a eu des papiers… Assez tard, oui, il s’est fait naturaliser assez tard…
Votre père au travail, vous vous souvenez de ce que c’était ?… Vous alliez le voir ou… Non, non, je ne me souviens pas être jamais allé dans cette imprimerie, non, je ne me souviens pas non…
Parce que moi ce qui me frappe, c’est que vous êtes tout de même modeste pour votre papa, parce que tout de même votre papa a créé le Livre de Poche… Oui… Il a été aussi l’un des inventeurs de la collection de la Pléiade… Oui… Il a été éditeur de musique aussi… De musique non… Ah il tenait un magasin de musique oui, mais éditeur de musique non… C’était un grand collectionneur de jazz… Ah oui c’était un grand amateur de jazz, oui… Un des premiers j’imagine… Un des premiers en France, oui…
Il était ami avec Delaunay ? Il était ami avec Charles Delaunay, oui…
Et vous écoutiez les disques de votre père ou bien vous écoutiez une autre musique ? Ben j’écoutais en douce les disques de mon père parce que il n’aimait pas beaucoup ça… Parce que vous savez à l’époque quand on écoutait des disques on les usait… Oui… Forcément c’était des aiguilles qui travaillaient les sillons, alors je les écoutais en douce, mon père n’aimait pas que je tripote ses disques…
Et si on revient un petit peu à votre enfance, votre école communale est à quelle endroit ? Rue de Vaugirard… C’est à dire à quel endroit, c’est la plus longue rue de Paris…
Oui c’est à dire entre le boulevard Saint Michel et le Sénat… Entre la Sorbonne et l’Odéon… C’est ça… Et à cet endroit là il y a une rue qui est la rue Monsieur le Prince… Oui… Et là, vous allez découvrir deux de vos passions, en fin de compte… C’est à dire ? Ben la bibliophilie… Oui, c’est vrai oui, il y avait la librairie Pierre Béarn où j’ai acheté mes premiers livres surréalistes oui … Lesquels, vous vous souvenez ? Ben oui, c’était « Le Revolver à Cheveux Blancs » sur lequel je suis tombé à l’époque, j’étais très amateur de romans policiers, alors j’ai cru que c’était un roman policier… (rires) Eh non… Et ça n’était pas un roman policier, mais ça m’a plu quand même…
Et le fait d’avoir connu, Desnos tout petit est-ce que vous pensez que ça influence ? Non, non, parce que je ne m’en rendais pas compte, Desnos c’était un copain comme les autres de mon père, je ne voyais pas très bien ce qu’il faisait dans la vie, il était drôle mais à part ça, euh… je ne savais pas qu’il avait un talent de poète…
Et votre rencontre avec Eluard, ça s’est passé comment ? Oh ma rencontre avec Eluard ça a été assez bref, parce que c’était finalement à l’imprimerie, donc je travaillais finalement à l’imprimerie qui imprimait un de ses livres, j’étais typographe et lui est venu sur… c’était les Éditions de Minuit…
Vous avez découvert la bibliophilie à ce moment là … Oui… Et vous avez découvert une autre passion, rue Monsieur le Prince, non ? Euh, non… Non… Ah je croyais que vous étiez un petit peu un fétiche pour une maison, pour un hôtel… Ah oui, oui, oui, non mais ce n’était pas une passion, non, c’était un besoin…
Alors vous aviez quel âge alors pour ce besoin ? Ah ben c’était à la même époque c’était… euh, pendant l’occupation, je ne sais pas je devais avoir treize ans…
Donc c’était une saine occupation… Plus tard que Pierre Béarn, je devais avoir treize ans…
Donc un peu plus haut que la librairie Pierre Béarn il y avait un hôtel qui… C’était plus bas
Plus bas alors (rires)… J’ai essayé d’élever le débat mais… (rires) Non, c’était au 9, donc c’est à dire pratiquement au début de la rue…
C’est une maison qui existe toujours ? Ah ben je suppose hein, on n’a pas détruit ce quartier hein… Non, non, au contraire Oui, elle doit toujours être là… C’est une des plus vieille rues de Paris … (rires ) Oui… C’était une rue intéressante… Oui, oui… Donc vous découvrez le plus vieux métier du monde, mais vous découvrez justement on vous offre, vous êtes un testeur, un goûteur… Oui, oui, parce que j’étais très jeune, j’étais mignon, et une ancienne femme de ménage de mes parents travaillait là, donc elle m’a amené là, mais elle n’était pas, elle était femme de ménage c’est tout, et elle m’a amené là c’est tout (6 13)
et vous vous étiez… moi j’étais écolier, j’allais au 9 rue de Vaugirard, et ça c’était au 9 rue Monsieur le Prince et voilà c’est tout, c’est comme ça que j’ai eu… mes premières relations, dirais-je… oui…
et vous pensiez que les femmes étaient un sujet qui allait hanter votre vie de cette façon-là ?
Ah non pas du tout non… c’était pas du tout une obsession, c’était très accessoire, sympathique très bien hein… très bien
et vous racontez dans votre livre que vos parents se sont séparés très tôt…
Ils se sont … heu oui physiquement séparés oui très tôt tout en restant ensemble
et c’est quelque chose qui vous paraissait normal ou…
Ah franchement non, je ne me suis jamais intéressé à ce problème je ne cherchais pas… je ne voyais rien de particulièrement tout au moins au tout début… après je me suis rendu compte qu’ils avaient chacun leur vie, mais plus tard, plus tard
Vous aviez une tante ou une cousine qui était une des plus belles pin-up de la période de l’occupation, qui était Corinne Luchaire, qui était une actrice vedette… Oui c’était même avant la guerre elle avait tourné un film avant la guerre , ce n’était pas une pin-up
Elle était très belle
Oui bon enfin elle était pas mal elle avait fait un film qui a eu un succès énorme et d’ailleurs sa carrière s’est pratiquement arrêtée là parce que ce qu’elle a fait après ce n’était pas très… pas très bon… Le facteur sonne toujours deux fois,vous l’avez vu ?
Oui bien sûr… Votre papa faisait des projections de films dans votre appartement
Mes parents sont passés de la rue de Médicis, dans un appartement que j’avais trouvé pour eux, à la rue d’Assas que j’avais également trouvé pour eux…
Oui parce que vous étiez agent immobilier à l’age de 12 ans…
Oui (rires) je faisais l’agent immobilier, et donc tous les dimanches il y avait une projection qui était évidemment très très courue parce qu’il avait des films il était copain avec Langlois, j’étais moi-même devenu ami avec Langlois que j’avais amené à la maison, Langlois qui était de Smyrne aussi comme mon père…
Oui c’était un pays
Oui, et c’est lui qui amenait les films dans un club pour enfants qui s’appelait le club Cendrillon, qui choisissait qui faisait les programmes
Quel genre de films il amenait chez votre père ?
Alors il amenait souvent des films inédits, des films qui n’étaient pas encore passés en France les principaux étant « le Dictateur » et « Autant en emporte le vent » et c’est des films qui faisaient baver tout le monde évidemment tout le monde voulait voir ces films et lui il les avait il avait des copies… mais il en avait beaucoup d’autres
et donc tous les dimanches soirs il y avait une projection chez Henri Filipacchi où il y avait Simone Signoret…
Oui souvent Simone était là, il y avait Micheline aussi
Micheline Presles…
Oui, il y avait des gens ça dépendait des époques parce que ça a continué encore ça a continué après la guerre
Et vous vous essayiez de rester aux projections
J’essayais de rester mais on me foutait dehors en général
Mais « le Dictateur » vous l’avez vu ? Oui
Pendant la guerre ?
Oui et « Autant en emporte le vent » mais il y en avait d’autres par exemple il y avait un film de Julien Duvivier qui m’avait frappé, un film qui s’appelle « Six destins » avec Charles Boyer des gens comme ça, parce que ça c’était vraiment le Hollywood moderne, actuel vous voyez
Oui et vous avez vu Casablanca justement
Non, je n’avais vu ni Casablanca ni Citizen Kane, que je n’ai vraiment vu qu’après au cinéma
Et Citizen Kane c’est un film qui vous a marqué particulièrement…
Beaucoup. Oui alors là oui…
Et vous l’avez vu combien de fois Citizen Kane ?
Je ne sais pas mais je l’ai vu plusieurs dizaines de fois parce que ensuite je l’avais en cassette non je le connais par cœur j’étudiais chaque plan, chaque dialogue, non ça c’était vraiment extraordinaire pour moi…
Je l’ai vite reconnu, ton DF dont tu caches, on se demande pourquoi, le nom…
J’attends maintenant une biographie de FT… car je me souviens de leur émission « Pour ceux qui aiment le jazz », sur Europe N°1 (le numéro a disparu depuis) au cours de laquelle j’avais gagné mon premier 33 tours en répondant à la question du concours nocturne.
Le nom du gagnant était diffusé sur les ondes ! 🙂
@Dominique Hasselmann : il ne s’agit pas de MON df imagine toi – charbonnier est maître chez choi comme tu sais – je ne le nomme point car il en est ainsi. Quant à la biographie de FT (disparu voilà quinze ans – on l’aimait à cause de la merveilleuse pataphysique) tu devrais t’y mettre (trouver un éditeur, travailler, prendre de la peine…) (bon courage l’ami !) – et qu’était-ce 33 tours ? Dizzy ? Duke ? Count ? MJQ MJQ MJQ ??? (faudrait chercher à l’INA je suppose…) Merci du commentaire…
@ Piero Cohen-Hadria : À partir du moment où tu choisis de ne mettre que les initiales du personnage principal (sans mettre son nom au tout début, comme cela se fait, car les initiales ensuite permettent de ne pas l’étaler en entier), c’est bien de TA version qu’il s’agit.
Quant à tes conseils concernant Franck Ténot, sa biographie (qui n’est pas une pipe) ne me tente pas spécialement ou alors il faudrait que je retranscrive, comme toi (travail de titan) toutes ses interventions suivant ou précédant la diffusion de tel ou tel disque de jazz, ce qui dépasse mon… entendement !
Et puis, comme tu dis, trouver un éditeur, alors, là, merci pour la perspective ! Je n’ai fait ni l’ENA ni l’INA.
Le disque que j’avais gagné et que j’ai toujours (mais rangé au fond d’un placard faute de ne plus disposer d’une platine avec le diamant ad hoc) est celui-ci (c’est plus facile de le retrouver sur Internet). Déjà – c’était bien tombé comme récompense – j’aimais la trompette (mon frère s’est mis depuis un an au cornet car il semble avoir exploré toutes les possibilités de son piano à queue).
@DH (!!!) : Gagné !!!(pour le disque) (et travail de titan non, compter quatre à cinq fois la durée de l’enregistrement…)