Welcome back
celle-ci plutôt que celle-là – dix degrés centigrades de moins –
sur le siège près de moi, un jeune type, Bengladais « mon oncle habite à Naples, je vais voir des amis à Paris » – bienvenu, bon séjour – l’avion a vingt minutes d’avance – il est déjà parti, n’a pas quitté son caban, mangé quelques frites croquantes et bu une limonade – on sort abreuvé jusqu’à l’écœurement de consignes et d’injonctions – le monde moderne : il fait nuit – on regarde, on demande « ah Orly-bus c’est à Orly 4 il faut prendre la navette » – on doit attendre 6 minutes – on a fait basculer Orly dans cette modernité idiote qui numérote tout, on a posé d’immondes totems rouges estampillés de chiffres blancs, tout est semblable mais Ouest et Sud ont vécus, sont morts, enterrés probablement incinérés cendres jetés aux vents froids – on attend, la navette arrive – un chauffeur qui rit, îlien, d’une gentillesse qu’on ne connaît guère ici cependant – un air de liberté, il chantonne, « ah non monsieur c’est dans trois arrêts », une dame entre sourit va au Novotel « oui tout à fait » dit-il, il rit on va partir, une autre dame, valises manteau écharpe « Orly bus, oui, à Orly 4 » on y va, on part, on tourne, ici là ailleurs un arrêt, un deuxième « le Novotel c’est ici », elle descend passe devant le bus, il ouvre la porte « Vous savez où aller ? – Euh non, mais pour demain c’est en face pour retourner à Orly ? – Oui, c’est là…. Le Novotel, c’est juste à droite après le feu, un petit chemin… – Ah merci », on se sourit, rien mais seulement une appartenance au même monde, on tourne, on va ici, là, ailleurs, un camion, des autos, des camions des bus, on avance, il fait nuit et froid, ici et là, on s’arrête, il fait froid « Voilà, vous en avez un juste là »- on descend on remercie, le bus est plein, attend, le froid, la nuit – dix minutes – l’autoroute – la petite demi-heure, c’est Denfert et son lion, non loin la rue Varda Daguerre – les catacombes – pour les métros, c’est zéro – la nuit, les chats gris, on fait quoi, un taxi ?
Non, on attend, alors le trente-huit, on monte – dans ce monde on n’est pas tout seul – Bécaud chantait « ça n’existe pas » son Orly le dimanche, celui de Brel « avec ou sans Bécaud » – du monde, on parle, « la gare de l’Est, oui il y va « , la gare du Nord aussi, le Châtelet, le monde le Sébasto – je me souviens de Jean-Roger – je me souviens de « Ruelles » – ici ce magasin de canapés qu’on avait visité, là la fameuse rue Blondel (« qu’elles poussent au moins rue Blondel » disait le poète) – le conducteur du bus annonce « je ne passe pas par la gare de l’Est ou celle du Nord mais je prends le Magenta – comprenne qui peut – le grand noir avec son gros sac à dos « mais la gare de l’Est ? – Si si descendez là, elle est là, vous la voyez ? Ah oui, il rit, merci… Il sourit, pardon », il sort – cette dame âgée sans doute infirmière si tu veux mon avis – « hier, il s’est arrêté loin, et il a fallu marcher » – il s’arrête sur le Magenta (je pense à Willie Deville, je garde un œil sur mon sac – on se fait des bisous – on sourit, on descend à la Chapelle, il fait froid, sur le pont qui domine les voies de la gare du Nord, peu de trains, un bordeaux et gris pour Bruxelles peut-être – je me souviens des couleurs du Trans Europ Express je me souviens du commissaire qui fumait, qui riait, qui buvait du whisky – il y a plus de quarante ans dis-donc comme le temps est passé… – il fait froid, à la station service, les zubers font le plein, ils sont quarante, ils attendent, on regarde, un cinquante-quatre qui passe sans s’arrêter ce con – on marche, il fait froid, au Paris Fried Chicken, ils sont trois ou quatre à manger, ce que j’aime à Paris c’est cette diversité des gens, Pakistanais, Indiens, Bengladais, Comoriens, Mauriciens, îliens ou Corses, Sardes et Tunisiens, on n’en finirait pas – c’est Paris c’est comme ça et ça ne changera pas – tant mieux – on avance, là un quarante-huit qui attend : vous partez bientôt ? Le type a une barbe (pas celle des bobos, celle des Muslims – je me souviens qu’on les appelait musulmans quelques uns, là-bas la ville est pleine de sous-entendus – on parlait aussi du Canada, on parlait des Sonderkommando) au bout de la ligne, vers Aubervilliers, un couscous avec des amis – il fait froid, le bus avance, les gens sont un peu gris, ils sommeillent, il est onze heures passés, du soir, autant de temps de Rome à Orly que pour arriver là – il fait froid, il fait beau – il fait froid il fait beau : c’est Paris…
Welcome back !
J’espère que le café a « carillonné » dans ta gorge au retour ! 🙂
tout de même il y a de la gentillesse entre nous (enfin pas toujours mais souvent)
– et suis contente Avignon devient peu à peu plus bigarée – un petit manque asiatique mais juste proportionellement
@Dominique Hasselmann : il est bon de revenir « at home » (merci de tes commentaires)
@brigitte célérier : oui, en effet – mais il y a aussi pas mal de cynisme (par exemple, cet oubli de mentionner son appartenance à un groupement d’assurances privées de ce type chargé de la réforme des retraites… On ne lâche donc rien, n’est-ce pas (merci des commentaires)