Atelier d’été 18.33
consigne 33 :
transactions : souffler la pierre et le ciment, pour une accumulation de tous les gestes, métiers, chantiers, actions, échanges
il aurait fallu rester quelques heures pour noter le passage du temps, les chiens, les vélos, les coureurs à pied, les marcheurs, les autres encore, les poussettes, les agents de sécurité et les techniciens de surface, ceux qui soufflent sur les feuilles
qui réparent les matériels détériorés, ceux qui ramassent les déchets, qui remplacent les sacs remplis d’immondices, il aurait fallu sans doute un moment pour se rendre compte que ces gens comme sur la place de l’Étoile s’évitent les uns les autres ils ne sont que peu mais passent sans trop se parler, ils ne se connaissent pas de vue peut-être rester et observer un moment on est en plongée, ils passent – ceux qui élaguent les arbres qui s’occupent des bosquets qui nettoient les miroirs
– il faudrait regarder les photos observer les oiseaux les pigeons les moineaux et rester un moment pour entendre le bruit des gouttes d’eau qui tombent sur la surface plane du canal, les péniches le dragueur qui nettoie, observer le monde qui bouge et vaque, la vitesse d’exécution, les atours les habits les couleurs, les avions dans le ciel, au loin les autos sur le périphérique – le pont qui s’est écroulé à Gênes, les paroles et les écrits qui mettaient en garde contre ce type d’accident, les bétons des années soixante dix comme celui qui a construit Fessenheim – à la même époque ici on détruisait la moitié d’une salle des marchés qui n’avait jamais servi pour faire de l’autre moitié restante une espèce de musée d’un genre nouveau, nouveau style comme aujourd’hui nouvel internet appli réalité virtuelle communauty manager et le reste à l’avenant – comme le monde aime à se fourvoyer dans des impasses, c’est après guerre qu’on s’est rendu compte qu’il faudrait rénover cet instrument mais sans tenir compte sans doute probablement de l’état du monde, mais de la nécessaire obligation de ne pas laisser en ville – on aurait ôté les halles pour les refouler vers Rungis, un marché d’intérêt national plus tard, Marco Ferreri et Marcello Mastroinanni dans le trou ainsi creusé organiseraient un western avec le blonde Deneuve – on penserait à sa sœur Françoise
quand même – on aurait détruit sur le plateau Beaubourg pour y mettre autre chose aussi – un peu d’ordre et un truc « dédié aux activités de l’esprit et aux loisirs » (qu’en termes galants ces choses-là sont dites) – dans cette ville-là surtout qui se transformait en une espèce de relique des temps anciens avec son Louvre encore ministère – on y mettrait aussi un peu d’ordre plus tard –la maison du roi, la tête tranchée un vingt et un janvier sur la place de la Révolution (ex Louis 15, future Concorde), la fuite à Varennes et sa reconnaissance par son portrait sur une pièce comme Saint-Exupéry sur les billets de cinquante francs : les temps changent – ne pas laisser en ville les usines, à Javel, aux Morillons et un peu partout mais pas dans le seize, non, ni Neuilly quand même pas – ne pas empuantir l’espace mais c’était compter sans les autos, les chauffages, les avions, la multiplication des humains l’évacuation des plus pauvres au plus loin – il y aurait eu aussi par exemple ces enquêtes à cinq heures du matin dans les villes nouvelles et ces gens qu’on interrogeait, deux heures et demie aller, deux et demie retour tous les jours que dieu fait sauf le week-end, le salariat, les immeubles à reconstruire, le prolongement du réseau express régional – aujourd’hui on a trouvé à intituler ce trafic, ce travail, ce bazar « grand » et c’est tout – c’était compter sans les quinze pour cent l’an de rentabilité de tout et de quoi que ce soit – il aurait fallu aussi s’occuper de ceux qui ne bougent pas, qui ne font rien, assis sur ces chaises malcommodes
inconfortables qui geignent et crient quand elles tournent – le créateur inventeur faiseur réalisateur dizaïgneur on en a déjà parlé, Burano sans portable etc. – il y avait les lumières bleues, petites qui marquent l’accès il y a aussi ce mobilier ces poubelles en triangle bouchées
après les attentats de quatre vingt quinze rue de Rennes ou Port-Royal Saint-Michel ou marché de la Bastille – mais est-ce qu’on allait cesser pour autant de prendre le métro ? la peur mais on le prenait pour faire mentir ces fumiers – ceux qui ne bougent pas allongés sur l’herbe qui lisent, ceux qui ne font rien qui bronzent dénudés à l’été, ceux qui s’embrassent qui se parlent la main dans la main assis sur le quai du canal tandis que glissent doucement les bateaux les péniches les transports de pondéreux, il aurait fallu regarder ceux qui ne font rien, mains croisées dans le dos manteau sur les épaules, casquette vissée sur un crâne chauve, clope au bec, ou elles en blouse sans manche, fleurs en couleurs, mains croisées sur les jambes repliées assises sur le banc en marbre vers cinq heures, les familles ou les enfants qui courent crient roulent s’amusent tandis que les parents pouvoir d’achat offrent une gaufre une glace une gifle – ça peut dépendre – il y aurait aussi mais on ne l’entendrait pas, une musique tranquille qui se glisserait dans le mouvement des arbres au bout de l’allée
il y aurait un peu d’air qui s’en irait vers la basilique, au nord au loin en vert, il y aurait surtout le silence et l’absolue règle de ne pas faire chier qui que ce soit avec des questions idiotes inutiles insensées stupides ou tellement bêtes, voilà, bêtes – alors on les regarderait simplement, il y aurait des fleurs et des couleurs, du vent et une sensation de bonheur, on attendrait on sait que les choses viennent et vont comme elles vont, comme dit la chanson « de temps en temps la terre tremble »
cette fois c’est ici que je trouve d’abord ces conditionnels voués à devenir réalité