Pendant le weekend

Atelier 18. 2. 13

consigne 13 : un point précis de la ville, et laisser faire le temps, ce point livré à son ordinaire (illustrations en fin de partie)

 

des trois arbres au quai de l’oiseau

 

Un rond-point, un peu différent, trois arbres en marquent l’un des pôles, on en est là, parfois il fait beau, parfois c’est gris, on est là on s’en fout pas mal gris bleu blanc vert on s’en fout, un peu comme des couleurs de peau, c’est quelque chose qui agite le monde – cette imbécile instance : la façade, l’apparence, la vision de quelqu’un devant soi, un autre et plus le temps passera et plus les autres seront nombreux, c’est indubitable – l’absolu crétinisme des fachos d’Italie de Hongrie ou de Pologne – jte parle même pas de la Turquie d’aujourd’hui – pas tous probablement, sans doute – je me souviens du sourire de ce type, il était polonais et portait une casquette sur son sourire, mais aurait pu tout aussi bien être n’importe quoi, oui qui souriait mimant la gorge tranchée, geste qu’il donnait à ceux qui passaient en convoi, au début des années quarante, dans son pays maudit – comment dire ? est-ce le pays, sont-ce ses habitants ? dis moi si tu sais – dis moi ni l’un ni l’autre s’il te plaît, ce ne sont que les hommes… – des images de Shoah (Claude Lanzman, 1985) c’était au Balzac, on entrait par la sortie parce que le film durait quelques heures, six huit ou neuf, je ne sais plus (613 minutes dit la chronique) , on fumait à l’époque, philip morris doré je me souviens 11.50 le paquet je me souviens ça me revient, c’est là, juste là, crois tu que ça puisse s’effacer ? c’est juste là à portée de main, il y a dans le champ, au fond du cadre, au fond entre les moulins et le canal, les voies de chemin de fer qui sont là, toujours sensiblement semblables, ça ne bouge pas , c’est là, elles viennent et vont, le même chemin plus loin c’est Drancy et puis plus loin encore, et dans le contrechamp il y a ces arbres, au rond-point, tu sais comment c’est, on est là, on regarde l’entrée, un humain passe on appuie sur la manette, on est là, le pont de chemin de fer au loin, la centrale qui avait encore raison de vivre (une centrale vit-elle?) au fond derrière ces hlm peuplés pour la plupart par des gens de confession (confession ? kézaco?) juive, on y peut quelque chose ? c’est là, ça ne changera pas, la centrale sera démolie, les trois arbres resteront là, c’est sur le bord du rond-point, ce mot avait un sens aujourd’hui il faudrait en parler aux édiles des bourgs, qui vient les démarcher pour en construire un ici à l’entrée, ici à la sortie, un rond-point l’assurance de la sécurité et de la précaution, ces ignobles tentatives de prédiction d’un futur qu’ils tentent de maîtriser du haut de leurs dizaines de milliers d’euros, on n’a même pas envie d’en rire, et non plus d’en pleurer, ce n’est que notre monde, il est là , ces trois arbres bientôt multipliés par deux puis encore et encore, on en plantera d’autres, le monde comme l’eau lente du canal continuera de tourner, de vivre, on saura pour nos morts, on saura pour ceux qui s’en sont allés (pas sûr du « s » là) l’écriture, c’est ça, la musique de Moondog a cessé, celle de GianMaria Testa « poudre de craie »  commence, c’est égal le temps en est passé, il y avait aussi dans la mémoire ces mots de Maryse Hache

« l’écriture des fois on dirait ça s’épuise

ça grignote une matière si fragile ça consume

ça croise aussi les fers et ça pousse »

simple et clair, calme, passent les gens, leurs animaux, quelques années plus tard au loin on verra quelques grues on construira au fond vers la porte, mais pour le moment, les arbres croissent, tentent de rejoindre le ciel, immobiles et gracieux, autant au monde que nous autres, autant propriétaires (ces actes, ces signatures, ces factures) que nous, qui en dirait plus ? Eux autant que nous, eux y seront sans doute plus longtemps et qu’est-ce que ça peut faire impliquer donner droit à quoi de plus ? eux sont immobiles et fondés, le soir ils respirent le matin aspirent la rosée, ils sont là, au bord du monde, une autre dimension calme et pacifique, accueillant oiseaux et autres, au besoin, des êtres plus volages qu’eux, ils sont là, n’attendent sans doute rien qu’un peu d’eau, un peu de vent, peut-être, vivent avec les éléments tellement plus adaptés que nous autres, au coeur de toutes les villes, centre périphérie qui en a quelque chose à faire ? Il y a cette chanson qui fait « jm’en fous pas mal » qui ressemble à ce que c’est, l’aptitude de ces êtres-là à absorber quelque chose comme les années qui passent et vont s’ajoutent continuent et pèsent plus passe le temps plus lourde devient la somme, « j’ai mon passé qui est à moi » disait Edith

 

 

 

 

Cette fois, la treizième du nom quand même -le temps passe, et avancent les itérations – ce sont les images qui ont prévalu à l’élaboration du texte – pas vraiment mais quand même – il y avait le rond-point qui est un lieu particulier – inexistant pour le passant mais cependant explicite dans les toponymes de cette ville –  et il y avait ces arbres qui vivent et croissent et embellissent à mesure que les jours s’en vont – ces arbres peut-être centenaires qui m’accompagnaient sans que je le sache vraiment, mais plus que l’eau les berges les autres composantes de ce paysage assez contemporain qui commençait à vivre à mesure que j’en comptais les passants.

C’est ainsi, passants et immobiles se côtoient et comme d’habitude, j’étais entre deux chaises, immobile mais mouvant, assis mais marchant, allant ici, là, comptant les entrants – jamais les sortants – dans cet entre-deux qui se constituait sans que je le sache vraiment, entre cette visite à la bibliothèque de l’Idhec, fin soixante dix huit ou neuf et aujourd’hui, quarante ans plus tard, revenant du travail et enregistrant, pour la proposition onze quelque chose comme les bruits humains causés dans ce jardin dans les verts – l’important, comme on sait, reste la qualité des verts

 

Et donc, ce livre d’images, une quinzaine, prises au robot pour montrer la subsistance de ce lieu – pour le moment – il durera ce que dure le monde – on ose l’espoir – merci d’être venu-e-s et de partager…

la centrale qui se démollit (contrechamp)

les 3 arbres

les 3 arbres juillet 2014

les 3 arbres juillet 2017

les 3 arbres juin 2012

les 3 arbres juin 2012, les grues de la philharmonie en fond de cadre droite

les 3 arbres mai 2008 (ils sont 5 en effet)

les 3 arbres, mai 2014

les 3 arbres mai 2015

les 3 arbres octobre 2016

les 3 arbres et tous les autres – mai 2016

un jour d ‘été, les 3 arbres et le monde qui passe

les 3 arbres : on plante encore (juillet 17)

Pour finir cette merveille que capte, sans le savoir, sans le vouloir, sans préméditation, un robot passant (quai de l’oiseau, ah oui…!)

 

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1 Comment

    pour une fois je découvre le texte (suis toujours époustouflée par ce qui s’écrit là) en même temps ou plutôt avant les images – suis privilégiée
    (un regret pour l’oiseau qui n’a certainement pas survécu au temps)