Eté atelier 2017
Episode 1 : 11 personnages (fois deux)
On contribue à l’atelier d’été de François Bon, qui prend pour objet le (ou les) personnage(s) (j’ai vu sur une des tables de la librairie du cinéma du canal le livre, chez le nouvel Attila, de Benoît Vincent Genove 20 euros qui a l’air magnifique) (déjà lu quelques bribes sur le blog tu me diras mais n’importe) (Gênes est déjà, en français, au pluriel) les choses viennent comme elles peuvent : une première fois, j’ai vaguement saisi l’idée des six étages d’un immeuble et ça a donné
1.
Ils ont trois fils qui vont à l’école confessionnelle dans la rue d’en face, elle travaille dans une agence de publicité des grands boulevards, il est technicien radio dans un laboratoire. Il joue au tiercé le dimanche matin, regarde le foot quand il y en a et ne fait rien pour la maison. Elle se tape tout le ménage, fait les courses, la cuisine, les lessives et les devoirs avec les enfants.
2.
Sur le même palier, ils sont quatre dont un fils, vingt deux ans, handicapé léger qui vient de décrocher son Cap surveillance sécurité. Le père fait le même travail, cent douze kilos, un mètre quatre vingt dix, ne rigole jamais et boit de la bière. La mère est aide-soignante, cent kilos un mètre quatre vingt, boit de la bière et chante des chansons tristes en créole.
3.
Ils viennent du Mali et il ne doit pas se savoir qu’ils vivent à sept dans un trois pièces. Ils sont là, le père a quarante trois ans, travaille ici ou là, boit ici ou là, fume et rit toute la journée, dur à la tâche quand il en trouve, magouille ou homme de main, peu importe si ça rapporte. Il n’est pas méchant, est même doux comme un agneau sauf quand il a fumé et trop bu où il devient un vrai chien enragé.
4.
Lui, quarante sept ans, est plombier jovial, à lunettes et casquette, elle est aide-maternelle, cinquante ans cheveux courts et robe à fleurs. Les enfants sont grands et sont partis vivre en banlieue, ils viennent parfois déjeuner le dimanche. Le gendre, trente ans, a fondé une entreprise de climatisation qui marche fort : il vient de s’acheter une audi marron glacé, neuve, l’autre fille, cadette de deux ans, a marié un gendarme crs chauve à présent, et s’ennuie au fin fond d’un trou perdu dans un appartement de fonction, sans encore d’enfant, mais c’est pour bientôt, elle a bon espoir.
5.
Elle est infirmière en psychiatrie depuis plus de trente ans, son mari est mort elle ne veut pas savoir où, probablement dans une rixe, en prison ou ailleurs, elle ne veut pas en entendre parler. Avec lui, elle a fait ces deux enfants, elle les déteste : l’un, trente ans, infirmier psychiatrique mais ailleurs Dieu merci, l’autre vingt neuf ans laborantine en surcharge pondérale comme on dit (c’est une garce, et elle est trop grosse, et ça, depuis qu’elle est née).
6.
Il porte des dreads dans un fichu de sa fabrication, adore le thé vert et joue des claviers dans un groupe d’électro-fusion qui commence à marcher. Trente six ans, un enfant et un autre qui arrive : sa femme commence à reconnaître les douleurs qu’elle a ressenties il y a près de trois ans avant la naissance de leur fille. La sueur au front, elle tente de contenir les cris qui vont lui venir sans doute d’ici une heure ou deux.
7.
C’est l’informatique qui le fait vivre, il ne fait que ça, à longueur de journée et de nuit, du code comme si sa vie en dépendait, à se fusiller les yeux, alors que son père, cinquante ans, manœuvre éboueur égoutier ou balayeur, regarde la télé en éclusant du cointreau mélangé à de la bière tout en mangeant des cacahuètes ou des chips, affalé dans le canapé du salon. Sa mère est partie depuis si longtemps qu’il ne la reconnaîtrait pas s’il la croisait dans la rue, ce qui ne risque pas d’arriver puisqu’il ne sort jamais ou presque. Il a dix sept ans et rêve de trouver le moyen de pirater le site d’un ministère ou d’une grosse boite pour se faire connaître et gagner des millions.
8.
Elle est née dans un camp du sud de la France, quand ses parents sont venus s’y réfugier à la fin de la guerre du Vietnam (on disait Indochine) et puis quarante trois ans plus tard, elle vit dans un trois pièces cinquième gauche avec sa fille, métis née de son premier amour, et le fils qu’elle a eu avec son mari, vietnamien lui aussi, qui tient le petit restaurant du bas de la rue. Elle lui donne un coup de main de temps à autre, mais il n’aime pas qu’elle vienne fourrer son nez dans ses affaires. A son fils qui vient de se faire tatouer une immonde rose rouge au creux du bras avec la bénédiction de son père, elle préfère sa fille, dix huit ans, parfois un peu triste, lycéenne en sciences économiques et sociales qui passe son bac dans quatre jours.
9.
Elle a quarante cinq ans et a fait trois enfants avec trois types différents mais ils s’aiment quand même et sont unis comme les doigts de la main. Elle vend des disques et des livres dans une boutique des grands boulevards qui ne marche pas si bien que ça, on parle de fermeture et de revente à un grand groupe depuis quelques semaines. Les enfants dans leurs chambres font leurs devoirs avec peu d’assiduité : l’aînée, une belle brunette de seize ans se fait les ongles, très appliquée, pendant que ses deux frères jouent à un jeu vidéo.
10.
Au cinquième droite, elle vit avec trois chats et deux enfants de la pension de réversion de son mari, militaire sous-officier mort en service commandé en Afghanistan. La fille, quinze ans, va au lycée, en seconde, et réussit tout ce qu’elle entreprend. L’aîné, trois ans de plus, fume et boit n’importe quoi, tout ce qu’il trouve du moment que ça brûle et tente de trouver une occupation, sans y parvenir jamais : la nuit, il lui arrive de rester prostré devant sa fenêtre qui donne sur la cour et de pleurer sans bouger.
11.
Ils sont seuls au dernier étage, c’est un couple de retraités, il a soixante neuf ans, elle en a soixante six, ils aiment la musique et la promenade. Lui court depuis qu’il a douze ans, plusieurs kilomètres par jour, et il en était de même du temps où il était assistant dans une boite de production de cinéma à Nogent. Elle n’aime pas la course à pied et prépare pour lui et leurs enfants, parfois, des recettes des îles comme ils les aiment.
Je ne sais plus ce qui ne m’a pas plu mais j’ai dû recommencer (au vrai, ce n’est pas ça : j’avais établi -fermement – la liste des personnages qu’il y avait à positionner et mettre en scène, trois phrases de description, une de position actuelle. J’avais dans l’idée cette histoire des treize ou cette autre magnifique description de Pierre Michon en son « Onze », je ne voulais pas de lieu ni de mots de paroles, (histoire sans paroles c’était le titre d’une émission de télé l’une des rares permises début soixante et un) c’est que les trucs, si tu les cherches, reviennent et cela devient une disposition, sans chercher, ils te reviennent, d’autres formes d’autres liens d’autres lieux aussi. Je n’ai pas tout mis non plus évidemment, mais je pose ça ici en attendant d’en faire plus, ou d’en constituer un corpus plus étendu (je ne vois pas pourquoi onze, sinon que c’est le quantième du jour de ma naissance).
1.
C’est étrange comme on le connaît mal, mais voilà, fumant des Gitanes, il aime rire mais se trouve toujours assez malade. Il commence comme gratte papier et finit comme chef des achats de la filiale France d’un trust automobile. Il roule dans une R16 bleu ciel, a le goût des livres, celui des œufs frits et des plats cuisinés qui lui sont formellement interdits.
Il repose près de sa mère – sa femme est à deux pas – et de ses frères, du côté de Montmartre.
2.
Ses airs préférés, ceux que chantent le Buena Vista Social Club (prononcer cloub, à la cubaine, svp), lui rappellent sa jeunesse lorsqu’elle dansait et chantait, juste après guerre sans souci du lendemain, avec l’amour du présent, des cigarettes américaines et des gin fizz. Le temps s’en est allé, ses enfants ont grandi, elle joue toujours au poker, boit un verre de whisky avec son frère au bar de l’Intercontinental, sur la terrasse intérieur, ou à l’annexe de l’Harry’s bar (malgré les maux de tête du lendemain).
Elle repose près de sa mère, vers Berlioz.
3.
C’est lorsqu’il croise le médecin-anesthésiste qui vient de participer à l’opération qui a sauvé la vie de son frère à l’hôpital américain, et qu’il lâche un « négro ! » méprisant qu’il a pris un gros pain dans la tronche, et ce n’est que justice. Depuis, il continue à haïr les quatre vingt dix neuf pour cent de l’humanité qui ne pensent pas comme lui. Il est enterré au cimetière de Meudon qui domine la vallée de la Seine. Bien installé.
4.
Elle a vécu toute sa vie, de quarante six à deux mille dix dans un hôtel, draps propres et ménage accompli vers onze heures. D’abord au Port Royal, ensuite au Montalembert, puis ailleurs encore et encore, mais jamais rive droite (quelle horreur). Elle finit ses jours plutôt heureuse, à ce qu’il me semble, rue de Rivoli, la pauvre.
5.
C’est en vendant des morceaux de ferrailles qu’il a fait fortune, un peu comme certains Tziganes. Mais lui, gadjo de la plus pure espèce (si on peut dire), s’acoquinait avec des chefs d’Etat, avait un carnet d’adresses envié et épais comme une bible, et disposait d’un appartement de deux cent cinquante mètres carrés sur le quai d’Orsay, près de l’église américaine (c’était une location). Deux faillites plus tard, puis deux fortunes refaites à nouveau un peu comme un bousier remonte toujours et encore sa boule vers le haut du terril, il s’est endormi tranquillement dans une chambre d’hôpital, une nuit, à Neuilly.
6.
Je ne l’ai connue qu’en Suisse, je ne sais pas exactement dans quelle circonstance, mais elle l’a épousé (deuxième noce) je n’ai pas assisté au mariage, et deux enfants leur sont nés, L. le garçon, et D. la petite fille. Si je les ai vus trois fois, c’est le bout du monde. Un soir d’août soixante-dix-sept, un énorme camion les a tous fauchés, dans la Jaguar je crois, du côté de Deauville et depuis, cette partie de la côte m’est un peu insupportable.
Ils sont avec lui, sous le pont bleu ces temps-ci, à Montmartre, comme tous ceux-là.
7.
Sait-on jamais ce que les gens sont, même ceux qui nous sont proches (elle m’appelait monsieur riche va comprendre ou alors non, pierre le grand comme le tsar, tu vois le topo), aurais-je jamais imaginé qu’elle mourrait d’un cancer, comme sa sœur, un peu avant la fin du siècle dernier, riche à millions, mangeant des pâtes à l’eau, elle n’aimait pas le beurre, elle n’aimait pas tant que ça l’huile d’olive (il n’y en a pas d’autre), et lorsqu’on a ouvert le petit coffre-fort qu’il y avait dans la chambre à coucher de son appartement (deux cent cinquante mètres carrés, via del Corso, au premier étage presqu’en face de l’hôtel Mozart), qui se trouvait derrière une lithogravure originale de Miro, il y avait un petit carton où elle avait écrit « de moi, vous n’aurez rien » de son écriture tremblante.
8.
Quand il allait à Venise, il ne descendait jamais qu’au Gritti, c’était ainsi. A New-York, à l’Algonquin, de la même manière que sa femme lorsqu’il sera mort et sous la terre italienne, du coté de Latina je crois, ne descendra jamais à Paris qu’au Plaza. La lutte sourde qui l’opposait à son beau-frère, il n’en fera jamais état, que dans ses mauvaises manières lorsque celui-ci viendra visiter sa propriété, un jour de juin soixante quatre : il faut sans doute dire que l’autre était ruiné et était venu lui taper quelques millions (et il les lui prêta).
9.
C’est l’autre partie,c’est une autre manière, une autre forme, quelque chose de la légitimité du monde, comme de la défense du droit – son père avait été bâtonnier, avant de disparaître dans les années quarante, en cette Pologne maudite – mais lui vendait des pantalons (le père des autres vendait bien du fil de fer) dans le Sentier, habitait le seizième, avait une maison de campagne dans l’Yonne ou quelque chose, roulait dans le dernier modèle Volvo. Blond, yeux bleus, drôle, le plus jeune et sans doute le plus aimé, peut-être, il jouait au gin rami avec son frère cadet, des parties intéressées sur un guéridon couvert de feutre vert.
Il est avec sa mère et ses deux frères, vers Berlioz.
10.
Il en est qu’on connaît mieux que d’autres : lui, non, je ne sais pas bien, courtier sans doute, quelque chose avec la Chine dans les années soixante, fortune sans doute, chance peut-être, divorcé fin cinquante et très mal vu de ce fait (l’époque, la famille, le qu’en dira-t-on, le rang et la société), on m’a appelé lorsqu’il est décédé, je ne sais plus, c’est trop loin, ne m’en demande pas trop non plus, je ne sais plus, et je vois juste ses lunettes, ses complets Prince de Galles croisés et ses chaussures à boucles. Lui aussi, là-bas.
11.
C’est sa première femme, la voilà ici cousine de l’une, et belle-soeur dans le même temps (elles ont épousé les deux frères, le troisième a épousé une L. que j’aimais bien), c’est avec elle qu’on s’est embarqué en juillet, le Mac Donnell Douglas, je crois ou quelque chose, le Super Constellation, oui, l’aéroport de Nice, l’arrivée à Orly, la nuit, un nouveau monde, nouvelle ville, nouvelle vie. Elle aussi jouait au poker, buvait assez sec, il me semble, riait aux éclats, et tu vois, je l’ai perdue de vue. Si elle est encore là, je ne sais.
On mettra peut-être des images, à mesure et au fur des réminiscences (la via del Corso, mais je vais mettre Orly quand même – finalement non, c’est tombé sur la mer du Nord) (finalement je le mets – image retournée quand même)
(année soixante, août, vers la quinze, sortie vers le Crotoy, la quatre cent trois bleu nuit, les galets, la mer gelée, mon père en maillot de bain, sa peau blanche et ses lunettes d’écaille, j’ai une image que je cherche avec le robot).
Episode 2 : 3 paragraphes, 3 personnages.
Elle aime à descendre dans le métro sans le prendre à la station Rue de la Paix quand il faisait trop froid à son goût (c’était en automne, souvent, elle avait les cheveux presque mauves et portait un manteau d’astrakan et une toque du même métal, on aurait pu la prendre pour madame Nikita Kroutchev). Assise sur l’un de ces bancs de bois bordeaux, les mains croisées sur son sac noir, elle regarde passer le monde courir vaquer, ignorant d’elle, tandis que la maison blanche et bleue de la Marsa hante ses rêves.
Le poil roux taché de blanc, au cou un tissu dans les jaunes devenu écharpe par son élégance, sur la tête un chapeau de paille, debout son ukulélé aux bras, il chante doucement cette merveille que Jose Eduardo Agualusa a intitulée « Milagrario Pessoal »(musique Ricardo Cruz). Du sac qu’il porte à l’épaule dépasse un mélodica vert clair au bec blanc et noir.
Ce n’est pas en métro qu’on doit rentrer du cimetière. Surtout quand on y a croisé ces gens toujours plus ridés, toujours plus voûtés, toujours plus aigris. Une voilette cache la petite mouche qu’elle s’est dessinée sur la joue, avant de partir, parce qu’il aimait cette façon, elle regarde les voies de chemin de fer au dessus desquelles passe la rame et serre dans sa main gantée la rose (« rose rouge, cœur ardent ») qu’elle n’a pas jetée dans la tombe.
Episode 3 : fait divers un paragraphe.
il a bien fallu puisque c’est comme ça, il a bien fallu lancer une date, une nuit, tu dors dans ta chambre – qui proposer comme sujet, qui prendre comme objet, lui, elle ? – deux êtres humains dans un immeuble habitation à loyer modéré lui noir français repris de justice récidiviste, toi blanche française juive rasée perruque docteure en médecine directrice de crèche à la retraite, lui vingt-sept balais, musulman peut-être, toi orthodoxe mère de deux filles, soixante-six ans, des frères des sœurs sans doute je ne sais pas, mais certainement, lui des sœurs, lorsque l’une d’entre elles croise l’une de tes filles, elle crache, lui balance un « sale juive » dans l’escalier, ta fille ne veut pas en parler au téléphone à la journaliste en juin, mais on en parlera quand même, un fait divers, trois semaines peut-être avant le premier tour des élections présidentielles cette mascarade, la nuit du mardi au mercredi de la première semaine du mois d’avril, ce sera là, au vingt-six, tu y vis depuis que c’est construit, une grosse vingtaine d’années, je le sais je l’ai vue se construire, cette rue, tu vis là, on t’affuble de tes deux noms, sans doute celui de jeune fille, celui de femme mariée, je ne sais pas, quatre heures du matin, le type on connaît son prénom, on sait son nom, on ne le cite pas ici, il est à présent chez les fous si ça existe encore, on attend de savoir l’expertise est en cours, on l’a interrogé mi-juillet : quelque chose s’est emparé de lui, il avait sans doute pas mal fumé, du sheet, pas mal bu (ah non, pas de ça), ses amis en avaient peur, il est monté chez eux, lui vit au trente depuis dix ans, eux au vingt-six, comme toi, on a dit qu’il avait ôté ses chaussures, on a dit qu’il était énervé, tourmenté sans cesse à bouger, ne tient pas en place et fait peur, on l’a vu faire sa prière, quatre heures du matin dans le salon, une prière, il commence probablement à hurler pour faire fuir les esprits, lui, des types comme lui qui déjantent comme on le dit des pneus, et la bagnole qui s’écrase contre un arbre, un mur, une autre caisse un camion, ou qui s’enroule contre un poteau électrique, des jeunes gens de son âge, soûlés de trop de haines, trop de refus, trop de chienne de vie, noir, déclassé, le bas de l’échelle, mais qui parle de lui, qui l’appelle « bébé », qui se soucie de ses hurlements envers le diable, contre lui, qui ne sait que c’est ainsi qu’on les fait vivre, ces goules, lui sans doute ne le sait pas, quelque chose l’a pris, voilà tout, en vérité je ne sais pas si tu dors à ce moment-là, peut-être as-tu pris des somnifères, ou alors as-tu à tes tympans ces boules qui promettent la quiétude, on n’entend rien, il est quatre heures passées, il crie, dans la nuit, il crie et on a peur, il escalade ton balcon, entre chez toi, ses amis appellent les flics quand même, on en est là, quatre heures vingt-deux, le téléphone, la brigade anti-criminalité est sur les lieux trois minutes plus tard, elle stationne (ils sont trois, si ça se trouve je les connais de vue) dans le couloir de l’appartement des voisins, ses amis à lui, qui sait les relations que tu avais avec eux ? qui ? personne, on ne sait pas, on sait seulement que la brigade n’est pas intervenue – ils étaient trois dit la chronique – mais lui, dans ton appartement, lui criait, lui cognait contre le diable, lui, il lui brisait les os, et d’un couteau il tuait, et il frappait il frappait, il te bat encore, on n’intervient pas, il hurle des sourates de ce texte qu’hier sans doute il marmonnait à la mosquée de la rue Jean-Pierre Timbaud, tu sais bien ce qui se passe ici, tu le sais, ici c’est en France et c’est du lourd les veilles d’élections, tu sais bien comment sont ces jours-là, on éteint on essaye d’étouffer parce que la peste brune est là, tellement présente, qui déverse sa haine contre les arabes, tu sais bien aujourd’hui ce sont eux, mais hier c’en était d’autres, tu le sais aussi bien que moi, le premier mai quatre-vingt-quinze, qui a oublié ? la Seine, Jeanne d’Arc et Brahim Bouaram, nommons les gens, qui a oublié ? il est mort comme toi, jeté dans l’eau ils l’ont tué, parce qu’il était arabe, ces abjects personnages, tout comme ce matin, ce matin du 5 avril, de cette année, oui, deux mille dix-sept tandis que dans quelques semaines, on portera au pouvoir un jeune homme propre sur lui, blanc, les yeux bleus, éduqué comme il se doit, banquier, conseiller, un ex-ministre, plein d’avenir, de certitudes et d’amitiés efficaces, tu ne verras pas ce nouveau chapitre s’écrire, non, cinq heures moins le quart, le cinq avril, une autre brigade est arrivée, elle attend dans la cour de l’immeuble tandis que lui – pour toi j’espère que tu es morte, j’espère que pour toi c’en est fini de ces tortures immondes – pour toi, je te jure que je l’espère – tandis que lui hurle encore puis tire ta dépouille vers la fenêtre, il hurle encore sans doute puisqu’en toi, c’est en toi que le diable gît, le diable, il hurle et trois étages plus bas, dans la cour se trouve la force publique, on aime à la savoir présente, inactive sans doute, mais présente et enregistrant faits et gestes, comme les voisins qui enregistrent ses éructations, comme le monde entier sans doute, une vieille femme (écoute, elle a mon âge plus deux ans) s’est éteinte sous les coups de couteau répétés, sous les coups de pieds et de poings, sous les coups d’un homme une femme meurt (combien en France, sous les coups de leur conjoint ? combien dans le monde, sur cette Terre-là ?), il hurle à nouveau avant de te jeter du haut de ces trois étages, il hurle « attention une femme va se suicider » puis te jette, il en est ainsi, les hommes et les femmes de la brigade, des brigades – à présent ils sont quinze – entendent sans doute ton corps s’abattre, ils investissent les lieux, des ordres viennent d’en haut, il commencera à faire jour, cinq heures vingt-cinq, un forcené sera mis hors d’état de nuire sans opposer de résistance à la force, on l’emmènera dans des lieux plus sereins, ou plus sûrs à l’abri des regards, plus tard il tentera bien de faire quelque chose, le diable probablement l’aura à nouveau pris dans ses rets, probablement encore aura-t-il hurlé, se sera battu, sept ou huit fonctionnaires seront nécessaires pour le ramener à la raison, toi, que veux-tu qu’il se passe pour toi, le dimanche suivant, dans cette rue ils furent des centaines à marcher en ton souvenir, roses blanches a-t-on vu sur les images, je n’y étais pas mais toi, on t’aura emportée, je crois bien vers Jérusalem, il me semble avoir entendu quelque part, promise tu sais, cette terre, moi la liturgie, ces arabesques créées par la religion, ces choses sacrées qui restent dans la mémoire des vivants, moi tu sais bien que je les ai laissées ailleurs, sans doute avec mes propres morts – ceux-là, je ne les aime pas, je ne trouve pas que ces mots-là soient de quelque secours, mon amie est morte c’était un matin à sept heures m’a-t-on dit dans une chambre cent un de la Pitié, eh bien je n’ai pas suivi la boite de bois dans laquelle reposent ses restes, non – eh bien voilà toi, à ton tour sans doute, quelque part, sur cette terre, perdue, tandis que l’autre est en asile, c’est un mot qui portait un droit, dans le temps, tu sais bien aussi, au siècle dernier, combien d’entre eux aussi bien, combien d’entre elles, disparues en fumée combien d’entre eux pour que cette terre-là puisse te porter ? Vaucouleurs, sur cette terre-là
Episode 4 : deux autres qui parlent d’un autre encore
Vous auriez dû le voir peler une pêche, ça vous aurait certainement édifiée ma chère… Oui, il aimait beaucoup les fruits, d’ailleurs c’était son métier… Comment, vous ne le saviez pas ? Mais des vignes, des hectares et des hectares de vigne… Ah le cépage, vous dites ? Je crois me souvenir qu’il s’agissait de mornag, de carignan quelque chose… Mais je croyais que vous en aviez entendu parler par ailleurs, non ? … Ah non ? Je croyais, mais alors vous ne savez rien de lui ? … Seulement ce que je vous en ai dit ? C’est bizarre, il me semblait que Colette vous en avait touché un mot, non ? … Ah oui, juste qu’il était marié avec sa sœur, mais rien d’autre… Oui, je comprends c’est un homme qui avait tout pour lui, et vraiment ça a été une perte… Emporté comme ça par une attaque, un avécé comme on dit maintenant… Je vous parle de cela mais c’était il y a peut-être trente ans… Ah ça, je ne sais pas exactement, mais je crois que c’était à Tripoli… Non, pas celle du Liban, celle de Libye, quoiqu’il ait eu le type levantin, ça ne fait aucun doute… Très à l’aise, oui, oh il avait hérité de son père une usine de transformation de métaux, vous avez entendu parler de ça je suppose, ça a fait un de ces baroufs en trente-cinq… Vous vous souvenez ? … Non ? … Oui, voilà, c’est ça, il était très proche de Balbo… Non, pas lui, mais son père évidemment… Non, lui était de vingt-six ou vingt-sept, je crois, il était encore en culottes courtes à cette époque-là je suppose… Mais oui, voilà, la génération précédente… Mais c’est ensuite qu’on a compris qu’il avait un goût assez bizarre, par exemple ses chaussettes, vous en avez entendu parler, de ses chaussettes ? … Non ? Mais je vous jure, c’était à ne pas croire parce que je vous assure que c’était vraiment un homme élégant, dans le genre gentleman-farmer vous voyez ? … Oui, voilà, distingué… Très… Des vestes de tweed léger dans les roux, des foulards de soie sur des chemises du même métal… Ahahah… Et voyez, c’était à la mode à cette époque-là, il fumait ses Craven A avec un fume-cigarettes… Oui, vraiment d’un chic… Eblouissant… Il en avait les moyens certainement mais ses chaussettes, non, je vous assure, colorées, clinquantes, il se les achetait par douzaines chez un faiseur parisien de la rue de Castiglione peut-être, mais des jaunes je vous assure, des mauves, des vertes, ça pétait, pardonnez-moi mais il n’y a pas d’autre terme… Alors évidemment sahariennes sable, complets en lin tout aussi beiges, je crois même qu’il avait adopté, mais c’était après-guerre bien sûr avant les événements, lorsqu’il y a eu un roi là-bas… Oui, un roi, mais il avait adopté le casque colonial, ça le faisait rire… C’est à ce moment-là qu’il a bazardé tout ce qu’il avait et qu’il est allé s’installer là-bas… Oui, pour épouser Myriam, le croyez-vous ? … Eh bien c’est la vérité tout ce qu’il y a de nue, en somme il est passé de l’Italie à la France via la Libye et la Tunisie, avant de revenir ici… Bon, ensuite ça s’est un peu gâté, mais c’est parce qu’ils n’ont pas réussi à avoir d’enfant… Ah on ne l’a jamais su… Elle ou lui, elle disait… Colette, oui, pas Myriam non, je n’avais pas de relation assez intime avec Myriam, mais Colette… Oui, enfin, je ne sais pas et je ne veux pas le savoir, après tout, ce sont leurs affaires… Enfin, c’était, oui, vous avez raison, oui… C’est du passé, certainement, mais tout cet apparat ce n’était pas le prince de Galles, tout de même… Remarquez qu’il m’est arrivé de le voir un peu en débraillé… Lorsqu’il allait sur ses vignes, oui, en compagnie de son régisseur, il a toujours engagé des arabes à ces postes, des types durs à la tâche, et qui lui tenaient ses employés, oui, alors là, il fallait voir ça… Violents, je ne sais pas, je ne pense pas, non, mais sévères certainement, ça ne rigolait pas tous les jours, croyez-moi… Mais alors il portait des bottes de caoutchouc d’un commun, vous n’imaginez pas… Comme vous et moi… Je vous parle de cela ce devait être en cinquante-trois ou quelque chose… Ou alors lorsqu’il lui arrivait de surveiller la récolte des olives… Ah mais oui, mais des dizaines d’hectares d’oliviers aussi, oui… Oui, certainement, d’un très bon rapport, évidemment… Moi ? Oh non, je restais là avec Myriam et Colette, sur la terrasse et nous admirions le Boukornine… Le soir vers six heures, c’est un enchantement, vous connaissez ? … Oui, bien sûr une anisette comme tout le monde, comme tout le monde… Vous disiez, les pêches ?… Ah oui, c’est moi qui vous disais oui, les pêches rendez-vous compte : il les pelait avec une fourchette et un couteau… de la très haute distinction… C’est amusant, comme les choses reviennent quand on en parle, j’avais complètement oublié… Mais, ce soir, comment les trouvez-vous, ces pêches ? Pas si mal hein… ?
Episode 5 : fantôme de soi écrivain
Il est fort probable qu’en tournant la consigne, je l’aie un peu oubliée. Je ne sais pas exactement ce que j’ai écrit : s’agit-il de mon portrait comme un désir ? ou d’une sorte de repoussoir qui décrirait, je ne sais pas moi, mais Bernard-Henry ? La citation (sic) est de Jeff Koons, mais qui se cache derrière cette nécrologie anticipée, retrouvée dans les archives du « Monde » détruites lors de la grande crue centennale de la Seine en 2034 ? On se perdrait bien en conjectures…
Il n’y a que quelques rares prototypes de cette ampleur dans nos auteurs contemporains. On ne peut envisager le vide qu’ils laissent lorsqu’ils quittent ce monde et l’au-delà, sans doute aucun, accueille comme il se doit (n’en doutons pas) les personnages de cette envergure. Leur image hante depuis des décennies les magazines des diverses rentrées littéraires, leurs mots d’humour sont repris là, ici, ailleurs, leurs « lorsque j’ai besoin d’argent, j’écris un best-seller » répétés sur les ondes du régime, on aime tant à entendre leurs rires et à récapituler leurs amitiés avec les puissants, lesquels eux-mêmes reprennent dans leurs dîners les propres mots de leurs ouailles. Ils disposent d’un pool de collaborateurs (et/ou trices), vivent dans des lofts, roulent en décapotables crème, visitent les manoirs du Perche et savent s’offrir aux flashs des paparazzis sur les marches des casinos et autres festivals, à Montreux ou Toronto. De mœurs profondément libérales, ils aiment à poser en compagnie d’actrices étoiles de cinéma, de danseurs de l’Opéra ou d’autres qui, comme eux, savent que la liberté se gagne plus dans les champs de la publicité que dans ceux de la morale, serait-elle bourgeoise, bohème ou télévisuelle. Ils n’aiment pas le sérieux, mais font les choses sérieusement et c’est en cela qu’on reconnaît leur caractère éminemment professionnel. L’amitié qu’ils revendiquent avec le clan de la famille du président US, celle qu’ils évoquent avec les oligarques russes ou même leur mentor suprême, la passion qu’ils montrent lors des agissements du hongrois ou du jumeau survivant polonais, le plaisir qu’ils ne peuvent cacher lorsqu’ils visitent Topkapi en compagnie du locataire ad vitam, tout cela indique leur profond désintéressement des affaires du monde. Leurs livres se vendent et sont traduits dans une dizaine de langues ; ils adorent ça ainsi que les royalties afférentes. Régulièrement classés dans les « meilleures ventes », auteurs de gare par la force des choses du commerce mais nettement plus adulés et conscients de leur valeur (sûre) que certains auteurs de livres policiers, ils chérissent leurs images lorsqu’elles s’étalent dans les magazines « peuple », ainsi estampillés par une antiphrase bien comprise.
Ils agissent aussi ailleurs que dans la littérature, et lui particulièrement, adorait l’art qu’il disait « avec un grand a », il aimait les installations et les performances, côtoyait les grands collectionneurs (cette grandeur étant synonyme et proportionnelle au nombre de zéros que ceux-ci peuvent aligner sur le chèque qui leur permet de s’offrir ses œuvres, et de les exposer à la douane ou à Billancourt). On se souvient encore de la fête qu’il a donnée lors de son exposition photographique dans la vallée de la Mort (en février 2010), ou en France, dans le parc du château de Versailles (d’octobre à décembre 2019), lorsque le champagne (ici placement de produit : la marque est importante aussi, pour tout) de son mécène coulait à flots et que même le minuscule président de la République d’alors avait rendu visite à cette majesté du bon goût et de l’esthétique du régime économico-culturel de ce début de siècle. La neige elle-même avait, à cette occasion, recouvert les allées tracées par Le Nôtre. L’homme laissa tomber d’ailleurs à cette occasion aux oreilles complaisantes, avides et expertes en murmures laudateurs le désormais légendaire : « Avec toute l’histoire de Versailles et tout l’aspect esthétique, il se crée des échanges, des interactions, des connexions multiples sous de nombreux angles, à commencer par celui concernant aussi bien le contrôle que l’absence totale de contrôle ». On se doit d’applaudir à une telle hardiesse conceptuelle qui évalue tout et son contraire dans un même élan formidablement altruiste et oxymorique. L’intelligence de l’action augmentée de la connaissance des rouages de l’entregent, les voyages en jet privé multipliés par les séjours dans les lieux les plus en vue, Moustique, Dubaï, Crans Montana, Gstaadt ou Kuala-Lumpur, les organisations d’événements où les œuvres sont données à voir (et les livres donnés tout court) font de lui l’un des amis des arts les plus en vue et les plus enviés de ce monde. Les doctorats « pour l ‘honneur » d’institutions philanthropiques, mais de droit privé, pleuvent sur lui, les décorations, ordre de Saint-Georges ou Sainte-Catherine, les « mérites » littéraires et artistiques, légions, médailles, titres, grades, insignes, tous ces colifichets ornent ses états de service : connu, reconnu, aimé, adulé, ainsi en est-il de l’auteur et de l’artiste qui, en lui, ne sommeillent qu’au petit matin, lorsque, seul et mélancolique, il se promène sur les grèves du cap Ferret (ces promenades solitaires et rêveuses sont immortalisées par l’un de ses plus grands admirateurs, YB, dans l’exposition qu’il lui consacra, au tout début de cette décennie, qui fut un succès énorme, à la galerie YC).
L’écriture de chansons constituait aussi une de ses marottes qui a à voir, essentiellement de très loin, avec la littérature mais permet, elle aussi, la connaissance des diverses et complémentaires qualités de ce chantre de la culture européenne, et plus précisément française : on aime à savoir qu’il est l’auteur (entre autres bijoux) de « Sans toi » interprétée par une kyrielle de stars d’envergure internationales, dont Linda Ronstadt, Philip Kirkorov et Hatsune Miku notamment et d’autres grandes stars d’outre atlantique ou d’Asie (du sud-est ou non), territoires qui lui réservent, à chacune de ses venues, des accueils dignes d’un chef d’Etat, et de fait, c’est bien ce qu’il paraîssait être puisque la plupart d’entre eux le tiennent en grande estime. Ambassadeur du bon goût et de l’esprit de sa patrie, il endossa avec une joie sans mélange ni gêne des habits qui conviennent à sa haute et digne stature : L’Académie lui ouvre ses portes en 2024, créant pour lui le quarante et unième fauteuil, dont il reste encore de nos jours, le seul occupant – la vacance d’icelui devrait être comblée, dit-on, dans les semaines à venir. On ne peut guère présager de l’avenir, mais nul doute, cependant, que ses restes finiront en haut de la montagne Sainte-Geneviève, en ce Panthéon qui reconnaît leur immense valeur aux plus grands et plus illustres prosateurs qu’il a été donné d’enfanter à ce grand et noble pays. C’est tout le mal qu’on peut désormais lui souhaiter.
Episode 6 : dizuiskondes
il faudrait se lever le matin mais c’est quoi le matin, pour qui, c’est quoi, quatre heures, plus tard ou plus tôt, tu as déjà vu les gens qui prennent les bus de nuit, les noirs surtout qui vont au turbin, tu sais ce que c’est, je ne crois pas, travailler à cinq heures pour un salaire de merde, nettoyer un bureau ou une salle de soins, je ne crois pas, les malades qui geignent, les fin de vie, les escarres, les plaies, les pansements, les douleurs, sait-on ce que c’est ? je ne crois pas non, tout à l’heure la porte va s’ouvrir, le froid l’hiver, la lumière qui ne vient que dans le gris de huit heures et demi, la consigne donnée par le chef, la chef, les gants, le bonnet, les bottes, le survêtement jaune, on ne sait pas ce que c’est, huit heures du matin repartir par le même trajet, on ne sait pas trop, les gens arrivent vers six, on les croise, il y avait ce type qui débarquait avec ses six litres de vin dans ses sacoches, du blanc oui, il y avait les autres des bureaux, il y avait du monde pour travailler, pour gagner sa croûte, ne pas employer de mots grossiers non, apprendre à écrire oui, écrire ce qu’on pense directement au clavier, à quatre heures du matin, dizuiskondes, pour quoi pas, faire comme si on avait compris, des mots que je ne comprends pas distension, il y avait, dystopie, végan, cette saloperie d’anglais, macron, travail, envie de vomir mais ça rimerait à quoi, il y avait une fois c’est comme ça que ça doit commencer, assis devant le bureau dans les bleus on attend un peu, on regarde sur la peau sur la main, bronzée, il y a cette marque on avait été voir le médecin, trente euros, le chèque pour entendre non ça n’a pas changé en 2011 c’était la même et c’est la même chose qu’il y a deux ans, la même chose, ça n’a pas évolué, mais c’est quoi, on n’en sait rien, ça vient des lymphocytes souvent non pas la lymphe ce sont les globules blancs vous voyez non je ne vois pas, on ne sait pas bien comment ni quoi en dire, mais si vous voulez on peut vous faire une biopsie, vous savez ce que c’est une biopsie? un prélèvement, pour diagnostiquer le crabe j’ai fait, une biopsie pourquoi faire ? pour déterminer ce que c’est, et on le saura alors ? on en aura une idée plus précise, certainement, j’adore les certainement tu sais comme je les adore, il faudrait que je me souvienne du moment où j’ai pour la première fois observé ces choses à même ma peau, sous le bras droit, gauche sur le mollet droit, gauche, il faudrait que j’y arrive mais non, c’est là, c’est venu, ça vient bien de moi, on sait soigner ? Ça dépend de ce que c’est, mais si on ne sait pas, on ne peut pas soigner, mais est-ce qu’on saura quand on aura fait votre biopsie, là ? on en saura plus, alors j’ai regardé, j’ai plié la manche de ma chemise grise, celle que j’ai achetée à Salonique, il y a quelques années, non c’était l’année dernière, pas la portugaise, je ne sais plus ce qu’elle est devenue celle-là mais elle était grise aussi, du côté du Parc des Nations, on attendait que les autres reviennent on a vu ça, dans un bac, ça devait faire dans les cinq ou six euros je ne sais plus, quelque chose je l’ai achetée, elle était à rayures, c’était celle de Salonique que je portais, j’avais pris une douche, j’étais là attendre, j’ai relevé cette putain de manche parce que ça me grattait un peu, j’ai regardé il y avait une espèce de halo qui entourait l’ellipse de la chose, je ne sais pas comment dire ce que ça peut bien être, la fois d’avant Garçon (il s’appelait Garçon) avait fait la moue quand je lui avais dit « non, la biopsie ça ne m’intéresse pas si on ne sait pas soigner », il avait fait ce n’est pas qu’on ne sache pas soigner, c’est que si on ne sait pas ce que c’est on ne sait pas soigner, oui, mais comme on ne saura pas… et j’étais reparti avec cette ellipse sous le coude gauche, sous le droit il y avait eu l’apparition d’un rond comme sur les deux mollets et sous les cuisses c’était des trucs que je ne pouvais pas voir si je n’y faisais pas attention, ça ne bougeait pas, c’était là à même ma peau, ça avait adopté ce halo plus rouge, c’était plutôt dans les roses, c’était comme si la peau s’était fripée, quelque chose de léger et d’anodin presque, ça ne piquait ni ne grattait, c’était là et parfois, ça avait l’effet de quelque chose qui pulse, le soir en m’endormant je pliais sous ma tête mon bras et de ma main droite, je tenais mon coude, le gauche et je sentais doucement cette légère et souple différence et je m’endormais, il y avait la peau et ce halo qui entourait le reste de l’ellipse ou du rond, ils étaient semblables, des surfaces de peau roses plus roses que le reste et puis j’ai repris rendez-vous, ça a été une autre fois encore je ne sais plus quand et puis j’ai dit il suffit de faire une biopsie donc, et on en saura plus ? on en saura plus, le scalpel, il a frotté légèrement posé les résidus dans une espèce de petit tube à essai, rendez-vous dans dix jours, alors ce sera le sept à neuf heures trente, le sept à neuf heures trente, j’y suis, devant ce bureau dans les bleus, diskondes le centre médical à l’entresol, pousser la porte et dire son nom, installez-vous s’asseoir, une femme marche dans le couloir les cent pas comme on dit, une fois, deux fois trois fois, encore et encore, passe, repasse, d’autres patients arrivent, patients oui, le livre quelque chose sur Torcello, je ne sais pas bien quoi penser mais la lagune, la porte rouge dermatologue écrit en blanc sur une plaque de plastique transparent, en capitales d’imprimerie, la femme qui entre, j’attends oui il a du retard, j’attends, je ne sens rien sous le coude, je ne sais pas exactement ce qu’il y a à attendre du futur, je me souviens de Cléo de cinq à sept et de sa chanson, de la Varda qui disait « ce qu’il y a de bien avec Corinne Marchand c’est que c’était une chanteuse avant d’être une actrice », il y avait cette histoire aussi, il y avait une fois, celle du grand père allongé sur son siège, la fenêtre donnait sur un champ, une forêt était tapie au loin, c’était le début de la fin d’après-midi et il ne parlait plus, siskondes sa femme l’avait foutu là, elle ne pouvait plus le supporter, il n’est pas certain qu’elle ait jamais pu le supporter, mais il était allongé sur une espèce de transat, la tête tournée vers la fenêtre et au loin les arbres de la forêt, prendre ce qu’on peut de ce monde pour en faire ce qu’on peut et puis pour le reste attendre là, la porte qui s’ouvre la femme qui sort le type qui dit « c’est à vous » entrer, s’asseoir, carte vitale elle ne marche pas vous serez remboursé, alors voilà deuskondes laisser aller son regard vers le dehors, la vitre est opaque le ciel est un peu gris c’est septembre, on s’en ira bientôt tu verras le ciel bleu les palaces le soleil la mer bleue toute la vie oh Suzie, j’entends un peu le clic de la souris, alors voilà les résultats il va les cracher oui, le regard vers lui, le sien de regard, sa peau de dermatologue, là tendue il fait doux il fait chaud
Episode 7 : un personnage (et un autre)
Pour F. (et M. « vous n’aurez rien ») et par extension J. , O., L., G. (ses belles-soeurs et beaux-frères) et évidemment d’abord sans doute P. et M.(ses beaux-parents)
« Mais une pêche, mon ami, ça se pèle avec une fourchette et un couteau, tout simplement… Mais il faut qu’elle soit fraîche. Or cette chose ne l’était pas, emportez-la à l’office, je vous prie et rapportez-moi ce que j’ai commandé ».
Tu sais quoi ? le client a toujours raison, c’est un fait, indiscutable, de ce monde-ci.
« C’est détestable de trouver un résidu de peau dans un Bellini, allez… »
J’ai pris le cocktail que venait de préparer Guido pour ce fat aux chaussettes mauves – des chaussettes mauves pétantes, quel goût jte jure… – et je suis reparti vers le bar.
Il a toujours raison d’autant plus qu’il loge dans la Ruskin, et à des gens de ce calibre on ne refuse rien – il ne descend qu’ici, toujours la chambre du troisième, le coin le plus proche de la Salute, des lubies… Mais ici, on ne refuse rien à personne, de toutes façons. Sauf aux rustres. Ce que cet homme n’est assurément pas, bien qu’il ne possède, comme nous tous, que deux yeux, deux oreilles et un nombre semblable d’orifices. Sur la terrasse,
l’air est surnaturellement doux – pour un onze novembre, c’est assez rare. Trouver des pêches en ce moment l’est aussi, je te dirai mais c’est égal, si l’homme a vu un infime morceau de peau dans son verre, inutile de discuter – ici on ne discute pas non plus, sauf bien sûr, si ces majestés le désirent. Mais ce n’est pas son cas. J’ai posé le verre sur le bar de Guido, lui ai expliqué la teneur de la demande, de concert nous avons soupiré et je suis revenu à ma place, à l’entrée de la terrasse.
(l’oiseau posé sur la bâche, moi dans l’ombre, puis moi à nouveau
).
D’autres clients sont assis et parlent presque silencieusement. Je le regarde. Un sourire amusé sinue vaguement sur ses traits. De la dureté. Il reste là, à fumer ses petites cigarettes à bout de liège, laisse passer le monde et le courant, face à la Salute. S’il se tourne un peu vers sa droite, il voit le palais de la Guggenheim (elle est enterrée dans le jardin) qui venait ici en gondole, boire des gin fizz ou des martinis avec ses amis artistes, comme ils viennent tous ici dès que quelque chose leur réussit. Il y a du soleil, il n’est que quatre heures. Il y a du snobisme, de l’apparat et de la bonne humeur, c’est la ville du carnaval, inutile de le nier. L’autre, là, avec sa coiffure noir corbeau au cordeau et son foulard de la meilleure soie, dans les verts, très beaux, tweed et cachemire, ses Craven A et ses chaussures sur mesure, se targue des trois en même temps. Il regarde, à travers ses verres fumés, le passage des taxis, il balance négligemment son pied, Guido n’a pas été ravi : je n’ai pas attendu, j’avais à faire. Je suis revenu : le voilà sur la terrasse qui pèle une pêche devant le type, là. Fourchette et couteau. Celui-là rit à présent, je me suis approché.
« Oui, très bien, mais montrez-moi donc comment vous vous y prenez… » il rit encore, Guido pèle sa pêche « bravo, bravissimo ! » le type applaudirait presque, puis dans le mixer puis dans le shaker, deux doses de prosecco de Belluno, sans trop secouer, un trait de grenadine ? demande-t-il, « non malheureux ! surtout pas, non… », il sert son altesse, lequel monte le verre dans la transparence du soleil, « ah voilà ! » fait-il, et il déguste. Guido s’incline en souriant, remporte son attirail sur sa petite table roulante, l’homme boit doucement sa liqueur. Il se penche vers l’eau, verte écume reflets il fait un signe aux deux mariés qui passent sur le côté, sur l’Alboro en gondole, se lève et va vers le ponton, mains dans les poches, fumant toujours. Une sorte de conscience de soi, peut-être de force, quelque chose du Levant, d’où vient-il seulement, qui s’en soucie ? Le pedigree que ces gens se tatouent sur l’âme leur appartient et ils ne le dévoilent qu’en présence de ceux de leur milieu, et encore : non, ils ne le dévoilent pas, mais tout se sait, gentleman farmer, des centaines d’hectares de vignes et d’oliviers en Tunisie, multi-millionnaire ami des puissants, d’hommes d’affaires ou d’escrocs de haut vol, qui peut savoir, qui le voudrait d’ailleurs, certainement pas moi, moi je reste calme et droit, au moindre signe j’approche, j’écoute j’enregistre, je fais face et sers, ce qu’on attend de moi, je m’emploie à l’honorer, ce n’est pas qu’il fasse froid, le fond de l’air est doux, à ses poignets des boutons de manchettes en or sans doute gravés à son chiffre, il sourit encore au soleil, il y a sur la lagune quelque chose qu’une douce lumière transforme en merveille, on ne peut que sourire, les heureux du monde, les gens rient, bientôt ce soir ils danseront tout comme lui, mambo ou passo doble, oublier et laisser filer la vie, le temps et les jours, il tire une bouffée de sa cigarette, retourne s’asseoir, son verre qu’il déguste, à nouveau face à l’étendue à peine brumeuse, tout au fond
San Giorgio tout à l’heure comme Saint Marc sonnera, des navires par centaines, des hommes et des femmes tous parés ornés parfumés cette position à tenir, à garder, à défendre, l’avoir acquise à la force de sa volonté et de sa naissance, d’où leur vient-elle, cette sauvagerie peut-être qu’on sent quand il écrase sa cigarette, et pourquoi cette guerre contre le reste du monde pour se conserver encore, tenter de garder sa jeunesse, cette façon de se présenter et de parler en grasseyant légèrement les finales, cette idée qu’il se fait de lui-même, il m’appelle, je m’exécute, j’approche, il ôte ses lunettes, dans ses yeux quelque chose comme une vague tristesse ou alors n’est-ce que le regard qui réagit au léger vent qui pousse un peu les tentures des parasols, il me sourit, il me remercie, il s’en va, laisse derrière lui une vague senteur, quelque chose dans son allure qui marque une langueur irrésolue, une faiblesse dans la direction de ses pas, il marche pourtant assuré, s’en va signer au bar l’addition, puis disparaît dans l’ombre des salons.
Episode 7 bis (TEC)(ou WIP) (travail en cours)(ou work in progress)
Pour Y. et C. (et par extension, F. et S.)
Ce sont les choses qui décrivent le mieux les êtres, par exemple Y. : ses clubs de golf restent dans le garage, sous une wassingue peut-être bien à peine usagée, pour abriter de la poussière ce nécessaire que porte le caddy sur son dos – ou alors on le pose sur une sorte de petite chose à roulettes, comme dans ce film où l’agent double zéro sept dit au vieillard qui lui tient lieu de caddy « on va s’amuser avec monsieur Goldfinger »
, le golf n’est pas un sport de tout repos ni de pauvre, c’est un lieu où se montrent les attributs de la réalité de la puissance. Y. ne s’en préoccupait pas trop, il devait marcher, son cardiologue le lui avait prescrit : marche longue, tranquille mais soutenue. Il y a son nécessaire (ses clubs et des tees, un gant, un pantalon de pluie d’autres chose encore, récupérées auprès de Habib, son caddy je crois, au golf de Chambourcy, fin deux mille un)
et de ce temps-là reste aussi à la mémoire son amour immodéré pour l’aviation. De toute sa vie, disait-il, il avait voulu voler et à présent qu’il en avait les moyens (il doit être de 28, ce qui fait qu’à cette époque, il était à la retraite, devait avoir passé les soixante dix ans), il n’allait pas, pour un vague diagnostic cardiaque, se priver de cette joie. Il n’irait pas tout seul, très bien, il se ferait accompagner, d’accord, mais il le ferait, il le fit, voilà tout. On a coutume de se souvenir des lieux pour aussi bien qualifier les attitudes des gens, où vivent-ils, dans quelle mesure et pour combien de temps dans ce quartier-ci, pas celui-là, cela décrit aussi précisément leurs habitudes que les rides qui forment leur visage, la peau de leur front, les ridules au coin des yeux, les bords des lèvres qui descendent, les taches sur les mains. Pour Y. il s’est d’abord agi d’une rue
non loin de Bir-Hakeim (la station de métro, à Paris dans le quinze, pas l’oasis libyenne où l’ami Gérard Théodore a perdu sa jambe, pour freiner l’avancée de Rommel – ça n’est pas loin, parce que ce sont des amis, non pas l’un avec l’autre – ils ne se connaissaient pas – mais de cœur et de même histoire). Il y avait construit une espèce d’estrade de trois mètres sur deux, haute d’une quarantaine de centimètres (sur le dessus la salle à manger une table et six chaises) elle dissimulait le lit, et gagnait un espace considérable (mines ponts polytechnique, de quelle école équivalente, mais londonienne était-il sorti, mystère… mais son métier était ingénieur et il avait coutume de dire qu’il construisait routes et ponts, ports et infrastructures un peu partout dans le monde et dans les pays arabes –
il est né à Karachi (image de Karachi, Manora beach (c)Azam Rehman pour GSW -PCH :recadrage/épaisseur du contraste ), au Pakistan, puis a été chargé de famille alors qu’il n’avait pas dix ans, puis a continué ses études au Royaume-Uni, bilinguisme forcé, mais en français, il avait une certaine paresse, ou alors ne voulait-il pas faire l’effort, impossible non plus de le savoir : il avait épousé une française, probablement au début des années cinquante, ils avaient tenté de vivre un moment au Pakistan, puis impossible, étaient revenus (ou simplement venus) en France où ils s’étaient installés. Un fils plus tard, un voyage en voiture jusqu’au Pakistan en passant par l’Iran et l’Afghanistan, le môme n’avait pas deux ans (on pense, de loin, à Nicolas Bouvier et à son usage du monde, dans les mêmes années…). Puis une fille (hier , sur sa ligne facebook, un signalement de celle-ci indique qu’elle prend un petit déjeuner à Londres avec l’un de ses fils, à elle).
Plus tard, ils vécurent au Pecq, banlieue assez chic mais éloignée de la capitale (probablement trop pour elle : elle finira par convaincre, sur le tard…).Voiture : Citroën GS, puis Honda Civic, grises toutes les deux. L’appartement était-il en rez-de-chaussée ? C’est possible, tout en étant éventuellement tout autant situé au deuxième ou au troisième étage : une soirée de Noël, ou dans ces eaux-là, une soirée informant de leurs voyages, diapositives, champagne, foie gras, des amis dont la fille leur était née trisomique (et c’est pourquoi, aussi le film (magnifique) « Carré 35 » parle : dans les années soixante ou dix tout autant – moins peut-être – , la terrible rumeur sur les handicaps et les monstres marquait les esprits au sceau du scandale, de la honte et du silence – sinon du diable). Souvenirs de ce temps-là, retour de leur maison de campagne dans la GS, dimanche soir, tard, embouteillages de la fin des années soixante-dix – retour des coteaux de la Somme, petite maison (quatre vingt mètres carrés ( elle existe toujours, mais est-elle toujours à eux?) un jardin devant, un jardin derrière, arbres fruitiers, à main gauche en entrant un petit muret s’est effondré, derrière cette petite ruine trois hibiscus, bleu blanc et rouge, à main droite, le garage où on trouvera la calandre de la petite MG qui avait servi à ce voyage de la fin des années cinquante). Lui avait restauré le lieu avec l’appoint des divers artisans du coin : tellement dur en affaire que personne ne voulait plus y mettre la main (parisien, tête de chien, en plus à moitié noir, quand même pas juif, mais musulman minimum, qui ne parle pas un mot de dialecte, il y avait de quoi agonir le type qui était, pourtant, d’une gentillesse formidable – mais peut-être pas en affaire : cette discussion, un soir tard, à Cambo-les-bains, où il disait« les pots de vin ? Mais c’est no’mal, pas de p’oblèm » (il disait mal les « r »), il négociait des contrats en millions de dollars, potentats ou chefs de tribus, ministres ou hauts fonctionnaires…) .
Cette phrase aussi : « non ce n’est pas une (r)éponse… » et son sourire.
La maison de Cambo, de plain pied, l’architecture basquaise (comme le poulet…) au loin dominait la petite montagne (la Rhune)
et par beau temps, on peut y déceler l’océan, tout au loin. Le golf de Chilberta, dans l’horizon la maison Latécoère,
vertes les pelouses rases, le club house, une photo qui a disparu dans l’incendie, le soleil et la plage de la Madrague, le jaune du sable et l’océan, le rire, les pleurs aussi, le mariage de sa fille, mairie du seize, décapotable blanche, intérieur cuir rouge (l’image de la voiture de L. dans les rues de Genève et celles de Morgins…), rien n’est loin que dans le temps, existe-t-il vraiment, qu’en savoir, il écoutait, assis seul dans l’auto, sous l’auvent, la radio, ne fumait pas, préparait des manchons de canards, ne voulait pas ennuyer mais ne mangeait pas de porc, non merci, on riait, vraiment on se marrait bien.
La rue Pierre Demours, dans le dix-sept (le bon, tu sais bien), cinquième étage, coin de l’immeuble, les canapés de cuir (où sont-ils?), le fax qu’il donnait, la table de verre épaisse et transparente au pied moderne (quelque chose de l’esthétique des années soixante dix), les chambres pour les enfants, le couloir qui longe celui des maîtres – celui de la valletaille – la cuisine où dînent les enfants, le balcon qui court tout au long de l’appartement, au fond, là-bas, si tu veux bien y regarder,un vague bout de l’arc de triomphe sur la place de l’Etoile…
Et puis voilà, septembre deux mille un peut-être, (était-ce septembre, dis- moi, était-ce septembre ?) ce cœur qui tient bon mais pneumonie hôpital maladie nosocomiale, il s’en est allé septicémie, il repose comme on aime à dire, à espérer en sachant que non, à côté de la petite église de Y. il n’y a pas de pierre tombale, à son enterrement, je n’y fus point, pourquoi ? Mon mémoire, soutenir mon diplôme, mon travail, autre chose, la représentation de ma famille tenue pourtant mais moi, non, rien de rien, pas de regrets, il est là, non loin, présent, son rire, sa couleur de peau, son intime foi, sa joie de vivre, et sa mélancolie. Y.
(c) Diego Moralès. Certaines images de ce billet atelier 7bis prises à l’échange ourdi il y a quelques années (juillet 14) avec Wanatoctouillou dans le cadre des Vases Communicants (#49)
étonnement au début : je ne reconnaissais pas, et puis sont venus les onze que j’avais déjà rencontrés (moi j’aime bien onze.. et puis treize, vous n’y pensez pas 🙂 !)
et plaisir de découvrir avant sa parution tiers livre le triptyque
vu et (re)lu tardivement…
J’aime bien, notamment, la photo des boutons !