Quatorze cinq cent un
Rubrique(s) : Carnets de Pierre Cohen-Hadria / journal quotidien / le(s) tour(s) du monde
14 juillet, 2017 2
et c’est une vieille femme (peut-être un mètre cinquante et quelques tics nerveux), rousse auburn sans doute quelque chose dans les boucles de ses cheveux assez courts (blond vénitien probablement), chemisier rouge orné de petites fleurs dorées pantalon beige un petit sac banane aux hanches mocassins beige
« j’ai quatre vingt neuf ans et je vole toujours, mais moi j’ai appris avec des planeurs en quarante six, on avait un plafonnier et l’altimètre et c’était tout, pour se poser on choisissait un champ de betteraves pas de blé, ah non jamais… »
Elle souriait là, en se souvenant de sa traversée victorieuse de Paris à la nage, fin des années trente disait-elle, elle avait gagné un vélo sur les jeux du canal
elle regardait l’avion solaire « non mais quelle envergure, comment voulez-vous, vous les connaissez ? moi je les ai vus mais ils sont complètement fous…! attendez il décolle à 35 à l’heure avec cette envergure non mais attendez…! » elle parle des deux suisses héros d’un feuilleton d’ici elle parle des cadeaux offerts par la Patrouille de France (c’est le jour…), c’était hier elle avait de l’avance, de Catherine Maunoury, des amis de l’air, des avions
« mais quand j’ai commencé sur l’aile volante, là ils n’avaient pas prévu pour une femme alors j’étais loin des pédales comment voulez-vous là j’ai vraiment cru que j’allais y passer… j’ai failli… mais elle s’est redressée avant que je ne tombe… »
de la gymnastique de tous les matins, de la piscine deux fois par semaine, son fard, son fond de teint, ses yeux qui clignent ses doigts un peu crochus qui frappent son front « non mais tout ça c’est là que ça se passe » une femme qui passe, elle s’en va, parle avec une jeunesse dans le hall, elle s’en va ainsi que la petite marcheuse aux cheveux blancs d’Aubervilliers qui venait voir la rétrospective Joris Ivens (Jeanne je crois)
demain on reprend un peu de collier avant de cesser jusqu’à la Toussaint – c’est ainsi que ce métier se supporte.
A l’image vers onze heures trente zoom avant au dessus des toits.
En dvd de Todd Haynes (ouvertement gay explique sa notice wiki) « Loin du paradis » (Far from heaven, 2002) (Julianne Moore parfaite) une sorte de portrait inversé du « Carol » (le même, 2015) .
qu’elle reçoive ici mon admiration fervente
(j’aime tant ce genre de femme que j’en reste à l’admiration mais franche et à la sympathie ce qui est arrogance)
Histoire de vol (à l’époque il n’agissait pas de pickpockets sur les Champs-Eoysées, Bresson n’avait pas encore réalisé un de ses chefs-d’œuvre.
Oui, Paris est étrangement calme et on respire (même si Macron n’est pas encore parti en vacances, sa fonction, s’il la prend au sérieux, devrait les lui interdire totalement).
Belles photos avec zoom…