Carnet de voyage(s) #91
(dommage, aujourd’hui, il pleut, il pleut, il a plu) (il y a dans le petit livre offert « Venise » (Dezsö Kosztolanyi, des extraits de 1912 à 1928,trad. Cécile A. Holdan, Cambourakis 2017) les paroles des voyageurs du vaporetto, alors que sur la ville tombe la pluie, italien, français allemand hongrois -c’était fatal – et anglais) c’était alors j’avais emporté des livres brûlés pour les nettoyer dans le garage, c’était avant on avait refait la petite chambre qui sert de bureau à présent, on était parti un matin, il faisait beau, c’était un autre jour d’une autre semaine, j’avais mal aux yeux, la voiture tournait comme une horloge et un peu avant L. on s’est aperçu qu’on avait oublié les clés
(je commence par celles-ci puisqu’elles se trouvent sur le bureau) quatre vingt kilomètres, on retourne ? On a appelé, ici, puis là, puis encore là, et on a fini par trouver un trousseau (il y a là-bas de la famille), on est arrivé, les courses, on a garé l’auto dans la rue, ils étaient là, on est entré, un bouquet magnifiques de tulipes sur la table de la salle à manger (du lion’s club ? du rotary ? je ne sais plus, quelque chose comme ça) (dit comme ça, ça a l’air assez huppé, peut-être, mais on verra demain, sur le marché, un stand de ces mêmes fleurs : c’est une affaire de classe, c’est entendu, oui) , on a discuté (je vais te dire, on vieillit, les artères se bouchent, on diagnostique, on pose des stents ça va mieux : moi, depuis, je suis essoufflé, il me semble qu’il nous a dit que c’était le signe avant-coureur de ce diagnostic, est-ce mimétisme ? je suis coutumier de cette disposition, je la reconnais, puis elle s’en va), on est reparti, on est arrivé c’est juste là, pas loin (elle est toujours là, cependant, quelques jours après)
c’est un épisode du carnet de voyage(s) un peu intérieur, il y avait un beau soleil, comme toujours, il y a toujours un beau soleil quand on s’en va, non ? ou alors, mal au ventre, on ne veut pas partir, on est arrivé, il faisait un temps magnifique et comme c’était le début du mois d’avril, il y avait aussi de l’étonnement dans l’air
les arbres étaient en fleurs, ça n’importe pas vraiment, c’est le rythme normal du monde, probablement, on ne s’attend pas à autre chose, mais on a sorti le banc dont les pieds sont comme des espèces de faux morceaux de bois, peints en vert, champêtre et rural, on a sorti la table beige aussi, les chaises, on a posé les courses dans le frigo, je ne sais plus, il n’était pas si tard
il y a toujours des photos qu’on double, aller savoir pourquoi ou juste ne pas prendre le risque de la perdre
ou même triplée, on n’a pas de limite (ce sont les ombres qui me plaisent) – le truc a changé, et on les voit tout de suite – je ne les regarde pas tout de suite en même temps – je n’avais pas exactement vu le fil de fer barbelé, par exemple – c’est juste un exemple – je fais autre chose, souvent je lis, dans le métro c’est ainsi, mais là, il y a le jardin
parfois au zoom, parfois non
cependant je ne vais pas remettre la même image, je fais attention, je regarde ce qui reste (dans le dossier vingt et un documents -ça s’appelle un document, un dossier un fichier des noms qu’on apprend, je fatigue très souvent à ce propos, j’agonis ce vocabulaire, là-bas au moins, je ne dispose pas de connexion, au moins pourquoi au moins ? – j’ai des choses à faire (d’ailleurs je ne les ai pas faites)
ce qui n’a rien à voir avec le fait de prendre des images
de fixer la lumière qu’il y avait alors, ici plutôt le soir, là vers deux heures, après le repas, sur la table beige, le calme et la douceur de vivre simplement (cette chance que j’ai, cette chance)
je les prends, les coups de téléphone des amis des enfants
ah non, les films à la médiathèque, oui, rendre les précédents, c’était je ne sais plus, n’importe, c’est marqué (il faut que je reprenne, si j’y parviens, les articles du journal) et puis le soir vient, on a de la chance parce que la lune vient par ici
au dessus des fleurs du poirier ou du cerisier ( je ne sais plus exactement)
son passage soyeux, il commençait à être un peu tard, il commençait à faire frais, on allait partir
même si on la double on n’est pas non plus obligé de la publier, mais j’aime aussi ces redites, des choses qu’on n’a pas vues, c’est tellement toujours la même chose, on parle avec des gens, on oublie, des choses, des mouvements de mains, ou des tics qu’on n’avait pas remarqués avant, ou ils sont apparus, ou alors le temps est passé, on s’est promené
bien sûr il y a plusieurs jours, mais ici on ne parle que de ces choses qui partagent avec nous cette partie du monde
nous ne sommes pas les seuls, il y a dans l’air quelque chose qui ne nous appartient pas, qui n’est pas nôtre, on regarde quand même, on fixe, eux ne bougent pas, le petit chemin creux, les arbres qu’on a arrachés pour laisser le champ libre aux machines, oui
on marche encore, il finit par faire nuit, on laisse on oublie on va aller dormir il fait un temps si doux, il n’y a pas un souffle de vent, la terre est là, les oiseaux de nuit filent et bruissent, on a allumé les lampadaires
il faut bien tenter quelque chose, toujours, on reprendra ensuite, s’il faut pousser les noirs, on les poussera, la nuit est tombée (sait-on pourquoi elle tombe, elle choie, elle déchoie ? sait-on pourquoi ce mot, tombe, cette image, cet état ? tomber pour ne plus se relever, comme le jour, demain…), il fait nuit contrechamp la petite maison, les lumières allumées
c’est à onze heures du soir que s’éteignent les lumières municipales, on attendra peut-être
(elle a l’air doublée mais elle est recadrée) je ne sais pas, une partie de cartes, un peu d’un film peut-être, ou en entier, dehors il fait nuit, on ira dormir, cet amour pour les films, pour les personnages et les acteurs, cette façon qu’ils ont de vous raconter des histoires idiotes auxquelles vous allez croire, un moment, puis les esprits recouvrés non c’est impossible, deux heures, la nuit, les rêves demain le soleil encore quelques jours, oui, quelques jours et de retour
les fenêtres de nuit rendent toujours bien… l’attention qu’on leur porte.
vaporetto : merveille de celui de Venise, les gens partent au travail le matin tandis que l’on va déambuler sans soucis. Le travail fait donc quelques vagues.
mais là moi c’est les fleurs, l’impression de chaleur qui m’ont fait du bien (fait froid dans l’antre)
et oui on bisse pour être presque sûrs de réussir
Ce que vous êtes champêtre, certains jours, et aussi brillamment que vous êtes urbain les autres jours.