Carnet de voyage(s) #85
Voilà bien longtemps que je pose des photos qui vont dans les bleus – je me disais ça en regardant les diverses images prises et laissées depuis quelques années, pour retrouver ce premier voyage ici – une sorte de paradis – les vacances, les ami-e-s, la joie de vivre et l’oubli du stress et de cette torture, même si parfois il nous est agréable, qu’on appelle travail
on aura fait du pain (pas moi, mais toi), on aura cueilli des tomates
(la même, mais de plus près
) la bassine qui semble la baignoire dans laquelle « on baigne bébé » (film des frères Lumière – on purge peut-être seulement) ( je ne sais plus, je ne veux pas chercher) il y a du repos et de la tranquillité, peut-être, on s’en est allés conduire à l’aéroport l’une d’entre nous, puis de retour
(ici c’était la jetée désaffectée : on distingue, au loin, le bac qui s’en vient) on a mangé une glace à Oropos (c’est sur le continent, en face), (ou alors il s’en va) on l’a pris, le bac, les heures bleues, (on s’est dit qu’une fois, il faudrait le prendre uniquement pour reprendre le suivant au retour, mais on en l’a pas fait) la chaleur mais l’eau qui ondoie
(tiens, j’ai changé ce qu’on nomme « fond d’écran » comme si ça en avait un, j’ai mis cette photo dessus
prise ce jour-là), dans le bac le monde est à l’air libre et fume
il s’agit, je crois bien, du rouge, de celui qu’on voyait, à la nuit illuminé et rêveur
on buvait quelque chose (la dernière fois, il y en avait un jaune et bleu) voit-on à peine cette jolie guirlande de lumière, on était assis au bar, l’ouzo, le jus de pêche, le vin blanc, des gens parlaient
dans ces moments-là, (ici on la voit mieux
), dans ces moments-là on aime à rire, à plaisanter celui-ci ou celle-là, ça n’a pas d’importance – on ne se vexe pas, on peut bien en rire, c’est une sorte de départ qu’on fête, on se reverra, les uns et les autres
il fait doux, mauve et clair, quelque chose intime de n’y pas faire attention
(plus claire, c’est qu’il a pris une pièce) seulement rester calmement assis, oublier les imbéciles, laisser le pouvoir à la lumière, la maîtrise de la couleur et des êtres à des forces inconnues, seulement poser l’une après l’autre des images recueillies
les gens disparaissent, chacun s’en va alors que les bacs continuent leur ronde, aller venir sur l’eau, aller
puis revenir
la nuit va tomber, elle est là, on va dîner
ce sont des effets – là-bas, sur le continent, ailleurs les gens continuent à se maudire, à se haïr, ce n’est pas qu’on ne le sache pas ou qu’on l’ait oublié, c’est là « têtu comme une bourrique » (c’est de l’amour dont il est question dans ce poème de Prévert (le Jacques) dit par Serge Reggiani qui revient, avec la nuit des images)
ici un autre port (on a été chercher d’autres ami-e-s à Chalkis, ils venaient en train d’Athènes), je me tiens sur le quai de la gare et je prends cette image
et c’est ici que je la pose, on les attend, on les ramène, on rit, on passe par le port (mais l’autre) (oui c’est compliqué, les routes vont ici, là, se séparent, nous rapprochent parfois nous sauvent), on a baissé les vitres aux fenêtres de l’auto, les sacs sont dans le coffre, on rit de la fatigue des nouveaux venus, on avance, on arrive ?
oui, bientôt…
et me voilà toute attendrie pour l’archer dans le désir de cette mer et la nostalgie de ces îles que ne connais pourtant pas (peut-être amour que m’a refilé le père qui y a beaucoup tourné, lui et ses veines pleines de Méditerranée)
et cela ne rend pas insensible à la saloperie du monde, cela la rend juste un peu plus distante, la contamine
Tout ce bleu fait du bien (à l’âme)… Mais la jetée, je l’aime bien aussi à la Marker – en noir et blanc !