Trente deux cent quatorze
Un passage rapide sur la rive gauche, toute ma jeunesse (enfin, un peu quand même) (les études de maths, physique, durant trois ans, avant d’aller se faire réformer à Compiègne, soixante treize quatorze quinze) (dlachiotte que l’armée putain) alors j’ai pris le métro, là des pickpockets – quatre jeunes filles qui agissent de concert, les unes bousculent, les autres chipent, elles s’en vont en courant : ici elles n’ont pu parvenir à leurs fins
je déteste cette façon d’agir (est-ce une vie ? est-ce un métier ?), repérer le touriste, plutôt vieillissant, en couple le plus souvent, ici elles oeuvraient sur la ligne la Courneuve-Villejuif, je les vois souvent – elles ou d’autres – sur celle qui va de Nation à Etoile en passant par Barbès, je ne fais rien, j’ai peur parfois, je photographie, quelle est cette délation, je ne sais, mais j’aime ceux qui jouent de la musique, c’est un des séries de photographies paparazzi
tu sais quoi, j’étais en avance, j’ai fait un tour dans une librairie de la rue Linné, occasions dans tous les tiroirs, beaucoup aimé retrouver certains exemplaires de disparus dans la maison brûlée, pris celle-ci de Jimmy Joyce
qui se tient un peu comme le musicien tuba, puis retrouvant mes amis (invité : rôti de boeuf purée verre de côte du rhône service d’une gentillesse formidable, les Arènes), dans le poste pendant que j’écris passe GianMaria Testa, le ciel était au clair, on alla ensuite regarder les travaux enfin terminés de l’ex-halle aux vins (il y a quarante ans, punaize, le crois-je, ici des merguez, là les disques à vendre, là les journaux, les livres…) ici le tipee
en dessous on trouvera une bibliothèque, plus bas un arc en ciel où avance le prolo
mon premier métier – 69 – est-ce bien un métier, après tout une usine, un arc en ciel une cour d’université, balayer revient au même (regard caméra, oui)
on fait du propre, on trouve une serre
un couple d’étudiants légèrement flou*
on marchait ensemble, A. et moi, tandis que E. passait son temps à sa prérentrée liégoise (elle joue ce soir, comme hier, comme demain, au rond point), enfin le temps passait, les enfants s’en allaient, on allait passer dans une autre partie, probablement, en quelque chose de plus posément attentiste, on ne sait rien de ce qui nous arrivera tu sais bien, on est là, un vent léger et doux nous parcourt les joues et les yeux, doucement, se mouillent, il y a dans le ciel quelque chose qui indique que l’été n’est pas indien, mais qu’il n’est pas fini, non, il fait doux
on passe au droit de l’institut du monde arabe, on a dans sa poche l’« Istanbul » de Pamuk qui pèse un peu, on s’embrasse, à la prochaine, oui voilà, à la prochaine, parcourir les rues, avancer regarder le monde vivre et s’en aller, un café ici, une photo là, il faut que je pense à la suite des choses, les carnets de voyage (je pars en région, je fais réparer l’auto s’il se peut, je cesse de ne pas croire en la pluie, je regarde le monde qui s’en va, les jeunes gens qui courent, les anciens qui peinent), il fait encore ce temps magnifique et magique qu’il y avait sur Paris, je me souviens, en soixante treize, cette première année de fac, je me souviens, le temps en est passé, sur la place toujours plane cet ange-là, celui qui protège ou bénit ou aide à survivre, je ne sais plus, je reprends le tube – à lundi…
L’arc-en-ciel à terre : beauté ici-bas.