Journal des frontières (Champagne #1)
Il y avait une promenade à suivre avec le Centre Social, et ainsi qu’il le faut assez régulièrement donc, durant ces six/huit ou cinq derniers mois, le train, à la gare. C’était peut-être une erreur d’ailleurs mais on ne peut guère faire autrement, donc on sait qu’il faut partir en avance : le site (rien que la dénomination sent son suranné : ne surtout pas s’y fier, non plus qu’à la société qui le produit) transilien ligne R comme Rien suit son chemin et indique (quand on parvient à le comprendre) que le train qui dessert Champagne-sur-Seine directement de la gare de Lyon nous y déposera en moins d’une petite heure .
La technique, les petites fiches horaires qui sont oubliées, obsolètes, tellement inutiles et montre d’un tel gâchis, depuis la trop fameuse et si vite oubliée conférence sur le climat vingt et unième, le malheureux pékin est bien obligé de se fier à quelque chose cependant.
En face de la voie L se trouve un bureau d’information qui indiquera, tout de même, qu’il faut changer à Melun, vers midi si je me souviens : j’ai oublié. C’est que le train de 11h19 n’est jamais parti. On prendra le suivant – départ 49 quand même – opportunément stationné sur le même quai (le son mécanique et programmé des « excuses pour la gêne occasionnée » a quelque chose de révoltant). On se serrera, n’importe -ce n’est pas cette société qui y trouvera à redire (bon, évidemment pour la correspondance à Melun, ce sera bernique, tu l’as cherché tu l’as eu, tu auras juste à attendre…) (non mais le populaire, le samedi, ça va quand même, ça ne travaille pas et ça voudrait aussi des trains et pourquoi pas à l’heure, n’importe quoi : je travaille, quelle affaire…) . Il n’empêche, le train passe sous les aéronefs
le gros porteur est en haut du cadre, inscrit dans le soleil, et durant toute cette difficultueuse traversée du Val-de-Marne, puis de la Seine-et-Marne (je marne) l’astre viendra sans cesse se rappeler à la photographie, à son champ, à son exposition parfois excessive
lignes et pylônes au ciel
(toujours ce monsieur cent mille volts cravate à pois et fatuité, dimanche, Orly, etc.) on croise de si nombreux tags partout, inscrits sur n’importe quel support, on en cite (on n’a pas la graphie, et on ne la cherchera pas) même si on sait bien que ces inscriptions sont là pour qu’on les répercute ailleurs que sur ces murs (c’est moche certes) les GREK COBAYE TEWFIK H RAV SPAK et compagnie qui enlaidissent tout autant la vue de ces banlieues que les marques, les autres marques, (ces épiciers livreurs loueurs toute cette théorie de métiers qu’il faut absolument promouvoir, couleurs clinquantes et effigies de la même eau), on passe devant la gare de Pompadour – elle n’est pas plus publique que celle de Valenton, je me souviens – on parviendra à Melun sans s’arrêter (c’est beau, mais il est déjà midi trente)
(image difficile à comprendre proposée par le téléphone lui-même), on attendra un grand moment (dans l’ordre des trois quarts d’heure) puis on embarquera voie 2C (précisera une cheftaine de gare, il me semble bien, en habits fluorescent dans les oranges les blancs talkie walkie à la main)
on patiente, le train va partir, ici un homme est assis sur un banc (ressent-on le confort dont il dispose ?)
à quoi ça pense, un voyageur qui attend son train ? là, un autre en capuche
debout, basketts/sac à dos/pantalon serré ça pense à quoi ?
ça guette le train ça patiente ça ne s’énerve pas
de quel côté vient-il, part-il, va-t-il ? Samedi il est une heure passée d’une demie, on part on sera à l’heure, attention au départ fermez les portières (on ne le dit plus elles se ferment seules, les traîtresses) assurez-vous que votre titre de transport se trouve bien dans votre poche (on doit « valider » c’est une des ignobles obligations qu’on nous serine, il ne suffit plus de payer son billet, non) amende sinon (abus de pouvoir oui), les rails sous le train parallèlement indiquent la route à suivre on s’en va on est parti aiguillés on stationne dans le dur côté cour rive gauche passons
on croise le fleuve qui s’en va au Havre (la ligne de partage des eaux en amont, la bête humaine en aval (Jean Renoir, 1938) (d’après celle à Milou, sans doute -1890)
il fait beau, Champagne est rive gauche, le train suit ce chemin, assis à gauche dans le sens de la marche on regarde ce qui se passe, le livre ouvert sur les genoux
on avance, on va, les bruits (tout à l’heure une blonde entressée s’époumonait dans le train dans son anglais, c’était à ne pas croire, mais n’importe il fait beau) il fait beau
on va marcher, on va bien voir cet espace protégé, on verra, se succèdent les arrêts
ici la campagne (en est-on au mitage ? ), là les pavillons
bord cadre à droite on discute ferme, ralentir, arrivée en gare, Livry-sur-Seine
trois ou quatre humains descendent et marchent
avance le train, et passent les secondes, je ne suis pas tellement sûr d’avoir lu, il n’y avait pratiquement personne
on passait ici, on suivait le cours du fleuve vers son amont,
la qualité des verts s’affirme (je l’aide mais elle est présente)
non le printemps n’est pas loin, même si les pylônes se penchent
on est passé côté jardin
le truc est omnibus sur cette partie
il fait doux, la coupe des arbres tient un cordeau d’acier
l’immobilier pathétique des gares; est-ce vraiment un banc ? Y poserait-on trois séants ?
allons-nous en, quittons Fontaine, allons vers Héricy
l’ombre de la rive droite, le convoi freine s’arrête
une seule auto dans le parc (on pense navette, on pense pendulaire, on pense ville secondaire dortoir campagne)
le train sonne, les portes se ferment, il est une heure quarante peut-être (je n’ai pas regardé l’heure)
il y avait cette casemate (abritant encore le banc unpleasant design à lak) pour jour de pluie ou de froid, accompagnée de ces deux malheureux totems de validation -pas envie de se moquer de ces pauvres choses (qui dira jamais leur tristesse…)
au moins sont-elles ensemble, allons-nous en, pensons à autre chose
laissons les quais, l’immobilier grotesque, regardons plutôt à travers les arbres
encore cette échelle, ces boites, ces barrières mais au loin la péniche
et les verts et les bois
rien n’est jamais facile, il y a des roses, il y a de la lumière, il y a des usines
des pylônes des constructions des routes mais partout la forêt
une nature à midi
touffue et foisonnante et tant mieux, on s’arrête c’est Vulaines, Samoreau ou je ne sais plus
on passera face à Thomery
là-bas est la communauté de communes (ce n’est pas encore le printemps, ce n’en sont que les prémisses)
mais ici où on roule -une frontière va passer, inutile et fortuite, fondée et administrative –
on ne sait pas, c’est joli
comme un livre d’images
de loin on croirait voir ce roman « Un début dans la vie » (Honoré de Balzac) il me semble (je me souviens d’Honoré, cet ami dessinateur mort sous des balles idiotes en janvier quinze, je me souviens)
ressentir quelque chose fin dix-neuvième
ou Flaubert (Gustave) et sa si sentimentale éducation (que de classiques)
on s’en fiche on ne choisit pas, gauche cadre on dirait une plage (mais ce sont des pavés, c’est un port, ou une sorte une espèce un genre)
peut-être a-t-on manqué un arrêt, je ne sais plus, on arrive à Champagne,
on remet livre en sac, téléphone en poche
il y a aussi des mauves, le fleuve quant à lui s’étire, gonfle (la bonne blague de la crue centenanale est toujours à l’esprit -les hommes aiment à prévoir mais jamais n’y parviennent -, le principe de précaution toujours autant apprécié dans les fantasmes; les comptes à rebours, ou les comptabilités toujours précises, anxyogènes et calculées)
on descend quarante trois mille kilos chiffres lettres, à l’oreille encore le rythme des rails, le bruit des jeunes gens qui écoutent leur musique en en faisant profiter le monde alentour, on descend, il fait doux, certains sont attendus à la gare (aussi jeunes gens sacs au dos ou valises à roulettes, de retour sans doute des lieux d’études, je pense à l’internat de l’ERPD) et s’en vont de la place de la gare, passent le rond-point (encore une invention formidable de nos jours), moi aussi un éclair au chocolat en prévision de la longue marche qui va s’annoncer, je monte cette rue
(je me trompe, certes, mais ne le sais pas encore), deux heures, le temps de marcher un moment, d’entendre celui-ci parler avec celle-là (ils rentrent leur poubelle spéciale « verre »- le tri sélectif, les économies et éviter l’énorme gâchis qui, cependant, fait tellement bien marcher le commerce par la généralisation de son obsolescence programmée : parlez-moi de précaution, oui…) (je mélange tout, pas vrai ?) celui-ci tient son chien dans ses bras, parle de sa fille, une certaine M. qui s’en fut au Japon, ailleurs en croisière (j’ai oublié), indique que la petite maison a été vendue, celle-là l’aurait bien acheté mais n’a pas d’argent, je me suis assis sur le rebord d’un jardin
soleil fleur comme on aime, je me repose un peu (tu sais quoi, sans déconner, je suis vieux maintenant), je me demande (il commence à être quinze) personne, j’entre et avise une porte ouverte, des femmes assises en rond suivent un éveil musical (ce n’est pas ça, non, c’est pour la promenade…), je téléphone pose des questions le rendez-vous n’est pas là mais à la bibliothèque municipale, ah par ici ou par là ? je redescends, emprunte ce passage sous les voies de chemin de fer
au fond s’est garée l’espace, on aboutit ici
il en est toujours ainsi, on croise l’avenir au présent en se souvenant du passé et rien, sinon, ne peut exister, on croise cette jolie maison anciennement commerce de quelque chose sans doute
(j’apprécie la marquise rayée, il est vingt cinq, je me souviens du passage –même erreur entre le collège Gregh et la bibliothèque – par ici mais c’était en auto nous avions juste le temps de nous garer) j’arrive, la place, le café tabac bar jeux, les jeunes gens en survêtement qui chauffent le béton, ici à gauche, voilà, au bout de la rue, en impasse, j’arrive
La suite dans quelques jours…
Les jonquilles sont décidément partout (merci), et vers le bout de vos peines L’Avenir, avec le meilleur café, bien mérité, tout de même !
Champagne en Seine : des bulles partout !
L’hôtel « L’Avenir », oui, belle destination, j’espère que tu y a pris une chambre.
Sinon, avalanche de photos : ça a dû te prendre du temps…
Honoré, ses dessins noir & blanc, son style hors normes (copié depuis dans le même Charlie) mais « balles idiotes », peut-on les qualifier ?
@l’Employée aux écritures : je l’ai croisé, m’y suis arrêté… voilà, il est là… (merci de passer en tous cas)
@le Chasse Clou/Tourne à gauche/Irréductible/etc. : pour les balles, oui, idiotes sans aucun doute… (merci aussi pour tes commentaires)