Robert D.
Ce sont des couleurs justes, et puisque l’exposition a été parcourue dans le sens inverse de celui du temps, on en a trouvé d’abord de tendres
presque une sculpture, de petits cailloux collés
mais ce ne sont que merveilles, au mur exposées ou en vitrine proposées des mosaïques
la joliesse de la lumière au carré des néons qui sy reflète
même s’il en manque un coin ou deux (en haut, droite cadre une jambe noire devant la limite noire à ne pas dépasser -mais pas de radar pour hurler, et tant mieux), il s’agirait d’un transport, il s’agirait d’un mouvement, des couleurs, parcourir deux petites salles les mains au dos (non, faire des photos – apparemment c’est autorisé…)
c’est une exposition sur les rythmes (ces tableaux portent souvent ces titres) , si beaux ces tableaux, tellement magnifiques
la photo cette injustice, ce pillage, mais on croit aux reflets dans les blancs, on croit aux abîmes dans les noirs, on sait les ronds dans l’eau des cailloux qu’on y jette, on sait les beautés des contrastes et des amitiés
ici, c’est un détail, le tableau (déjà vu ici, dans un « Oublier Paris 46« ), qu’il a nommé « manège des cochons » y reproduisant son ami Tristan Tzara monocle et chapeau melon
dada, après cette guerre qui tua Guillaume Apollinaire aussi son ami (au deux cent deux saint Germain rive gauche), mais à dix ans Robert Delaunay avait vu naître le cinéma (comme la psychanalyse) et à quatre la Tour Eiffel, faire des portraits (les oeuvres sont des années 1920 et 1930, donation consentie par sa femme Sonia, et leur fils Charles, en 1964)
mais aussi donner des couleurs et des images, des émotions et des choix, des précisions et des abstractions, donner à voir comment on ressent le monde
accouder la toile au cadre, le fil noir de la frontière à ne pas dépasser, la lumière artificielle (c’est Tristant Tzara, en bas du manège des cochons, oui), tenter de ne pas se trouver au droit de l’angle, sans le faire exprès mais à la vision sur l’écran, tenter de partager ce qu’il a voulu montrer, donner à voir, ressentir, aimer, voici son autoportrait (au fond, oui, c’est encore le manège)
c’est que l’espace de ces deux salles est limité aussi, on trouvera deux autres salles qui présentent des esquisses d’une architecture de deux palais (l’un de l’air, l’autre du chemin de fer) pour l’exposition universelle des techniques de Paris de 1937
rythmes encore, probablement, certes je connaissais quelques unes de ses oeuvres, je ne connaissais pas sa vie prématurément (probablement) interrompue en 1941 en zone dite alors libre (Montpellier) due à une maladie pulmonaire, et pour finir cette sculpture
Exposition à Beaubourg, musée d’art moderne 4° étage dans le musée, jusqu’au 12 janvier 2015.
Les musées, ce devrait être gratuit, ce ne serait que le minimum que devrait consentir cet Etat, laisser entrer librement les gens (comme on disait pour le soleil, dans le temps) s’il en avait la dignité, mais non : il préfère regarder chiffres et entrées et les multiplier par le prix du billet (13 euros), il préfère la logique strictement comptable, parce que ainsi il veut nous la faire croire responsable alors qu’elle n’est qu’épicière, et consacrer plutôt cet argent à autre chose (sa communication, les subsides à ses publicitaires, l’élaboration d’algorithmes stupides, ou ses centrales nucléaires de nouvelle génération pour produire électricités mais déchets…), tout est politique et celle qui est menée n’aime pas la culture, n’en connaît d’ailleurs pas un traitre mot et s’enorgueillit de son état lamentable, s’en trouve exactement comme la précédente, « décomplexée », il y a de quoi hurler. Alors, bien sûr, les artistes devant leurs toiles, leurs papiers, leurs écrans peuvent bien ne pas manger à leur faim, suer pour une oeuvre sincère, je sais bien, des couleurs justes oui, des mots simples aussi, des attitudes et des abstractions, oui, rythmes et précisions, ronds et déliés, regarder le jour se lever, écouter la planète se plaindre et, devant nos yeux ouverts, croire encore à la beauté ?
L’idéal de la gratuité dans un monde marchand : le paradoxe est toujours amusant.
Je rêve aussi du cinéma où l’on entre sans payer ou sans carte d’abonnement, et le métro idem et les autoroutes sans péage et les TVG à l’œil, les avions (pour aller à Lisbonne ou en Italie) portes grandes ouvertes – avant le décollage -, et les châteaux de la Loire (ou Versailles) qui font partie du patrimoine français, oui, Monsieur…
Delaunay a peint, Tzara a écrit (ils ont vendu leurs tableaux ou leurs livres, quelle compromission !), ils vivaient dans le monde. Pour l’instant – trois fois hélas ! – on n’a pas encore réussi à changer son aspect vénal.
Juste une précision concernant le Centre Pompidou (de Paris) : son budget annuel est d’environ 100 millions d’euros, dont 60 % subventionné par l’Etat.
Or, à l’heure des restrictions budgétaires planifiées dans la nouvelle politique (ce n’est pas exactement la NEP), il semble pour le moins difficile de rendre sa fréquentation gratuite !
On peut juste espérer que les réductions des dépenses de fonctionnement du Centre (sur lequel Rossellini lui-même réalisa un documentaire en 1977) n’entravent pas la mise à la disposition du public d’expos aussi intéressantes que celle sur Delaunay que tu as pu voir, même en payant une obole correspondant à l’installation des tableaux, à leur transport, à l’entretien des salles – il faut aspirer de temps en temps – au paiement du gardiennage (qui laisse prendre des photos des tableaux sans souci, apparemment), à la pub faite pour attirer quelques amateurs d’art, etc.
C’est un peu comme lorsque l’on va chez le psychanalyste (dit-on) : l’acte de payer fait partie de la cure.
@ Dominique Hasselmann : tu t’énerves, tu t’énerves, mais la préconisation de la gratuité dans les musées n’est pas si insolite (ils sont gratuits outre-manche, je te ferais savoir); il ne s’agit que d’une volonté politique (je ne sache pas que le gouvernement de sa Gracieuse Majesté, ces temps-ci comme au temps de « à part peut-être madame Thatcher » (d’ignoble mémoire) (RIP peut-être, mais ignoble tout de même) puisse être qualifié de socialiste, ou de gauche). Et par ailleurs, quand même, tu permettras aux gens de rêver. N’est-ce pas.
Je suis un partisan du « droit de rêver » (et un admirateur, entre autres, de Gaston Bachelard).
Je n’ai aucune permission à délivrer, ni d’ailleurs, je me demande bien pourquoi, des commentaires à faire sur ce genre d’apostrophe.