Vases Communicants #50
Pendant le week-end accueille avec un plaisir toujours renouvelé, pour ce cinquantième vase communicant, Dominique Hasselmann tandis que celui-ci, sur son blog Métronomiques a la gentillesse de recevoir Piero Cohen-Hadria.
Une carte postale du Portugal
En recevant mardi cette photo parmi les cinq attendues, je la distinguai tout de suite par ses couleurs qui la faisaient ressembler à une carte postale ancienne : comme si Internet jouait les auxiliaires, en plus rapide, de la Poste.
Il me manquait néanmoins le verso, mon adresse d’un côté et le petit mot gentil que j’imaginais aussitôt :
« Cher Dominique, un bonjour ensoleillé de Belém , au Portugal, où nous passons des vacances enfin reposantes et enrichissantes (sur le plan culturel, il est vrai qu’Antonio de Oliveira Salazar a quand même créé quelques musées dans le coin). Le Tage, tous les jours, nous fait songer à des embarquements, à des expéditions, à des navigations où la découverte de pays inconnus serait la récompense ultime…
J’espère qu’à Paris, en ce début septembre, le canal Saint-Martin réussit à te faire cependant rêver !
Piero »
Je regardais cette image qui ressemblait presque à un tableau impressionniste (Seurat, pourquoi pas ?). Les baigneurs sur la plage apparaissaient figés sous le soleil dans l’attente d’un événement imprévisible – ne parlons pas de tsunami, simplement, peut-être, de l’arrivée du marchand de glaces ambulant. Vers l’horizon curieusement penché, on apercevait des bateaux, n’étaient-ce point, là-bas, si loin, de jolies caravelles ?
Un lampadaire, sur la gauche, éclairait la scène, comme pour un tournage de film (pourtant capté en noir et blanc mais colorisé par la suite, c’était à l’époque de la fin de la dictature, après 1970). Un cinéaste avait recruté quelques figurants, une véritable aubaine pour eux, il avait suffi qu’ils ressortent des maillots de bains aux couleurs délavées de leur malles à souvenirs. Mais qui avait joué le rôle du photographe de plateau ?
Le titre du film, comme je l’appris plus tard, était Le sable de Belém, et le réalisateur Manoel de Oliveira (qui aura 106 ans le 11 décembre cette année). Il avait tourné cette histoire en 1974 puis n’avait jamais souhaité diffuser son œuvre : elle ne figure d’ailleurs pas dans ses diverses biographies officielles et je n’en ai jamais entendu parler que par ouï-dire.
Il estimait en effet qu’il avait raté ce qu’il voulait montrer, l’élan qui saisit, comme un aigle sa proie, un « conquistador » pour partir de son pays vers l’aventure, abandonner tout derrière lui sans savoir ce qu’il va trouver en échange ou en perte, la propulsion dans l’inconnu, la coupure de toutes attaches, à commencer par les cordes épaisses qui retenaient le navire choisi et ses hauts gréements au port.
Les personnages sur la plage représentaient quelques-uns des occupants du bateau : ils n’avaient pas encore grimpé à bord et savouraient les feux du soleil qui les faisaient bronzer avec des crèmes filtrantes qui n’existaient pas à l’époque des grandes explorations.
Je rangeai précieusement la « carte postale » que j’avais imprimée afin de lui donner une existence que je pouvais maintenant toucher de la main. Je pouvais ainsi la contempler à loisir, sans avoir dû la mettre en « fond d’écran » de mon ordinateur.
Il ne me restait plus que trois jours avant le vendredi fatidique où le rapprochement pourrait ainsi se faire naturellement entre Les Vases communicants, pour lesquels je l’avais reçue, et Vasco de Gama, ce qui me permettrait d’imaginer de longs voyages où j’aurais sans doute, forcément, le mal de mer.
texte : Dominique Hasselmann
photo : Piero Cohen-Hadria
Merci à Brigitte Célérier pour sa présence toujours aussi efficace et attentionnée dans l’élaboration de la liste de Vases Communicants de septembre qu’on trouvera ici.
[…] Aujourd’hui, j’ai le plaisir renouvelé d’accueillir ici Piero Cohen-Hadria, tandis qu’il me reçoit fort aimablement là, sur son blog intitulé Pendant le week-end. […]
savoir regarder, et entre amoureux du cinéma, savoir trouver le film en résonance, et ouvrir l’image sur une histoire
Je ne penserai plus jamais au Tage autrement, initiateur d’expéditions, charrieur de rêves
@ brigetoun : ceci est de l’ordre du raccord (difficile d’être parfait !)…
@ walachniewicz : la photo y est pour beaucoup !!!
Envie de saluer cette mer, à la manière de Courbet
Merci de réveiller le souvenir d’une longue marche en novembre près d’Estoril, temps tourmenté et l’appel irrépressible du large.
@ Dom A : merci pour ta visite (attention aux courbatures) !
@ philippe : je pense que l’image joue son rôle évocateur…