#2 Cahier 44-45
C’est une affaire compliquée, bien qu’il n’y paraisse pas. C’est une décision difficile à prendre : ce ne sont pas des mots posés, écrits encre bleue au hasard, quelle légitimité ? Personne ne s’est levé, c’est vrai. Personne ne dit (d’ailleurs jamais) rien. C’est probablement parce que on est toujours et de tout temps on a été et on restera, toujours, tout seul. Alors on tente, on envoie (ma fille dit parfois, dans une de ces expressions triviales, ou légèrement obscènes, imagées et drôles aussi : « ça envoie grave du pâté hein » afin de marquer une sorte de reconnaissance de quelque chose d’une qualité peut-être admirable). Je pose la première page ici. Je ne choisis pas la graphie (ici on appelle ça « la police » et c’est vraiment tout dire) (ce n’est pas de la méfiance vis à vis des outils, non, de la défiance oui) (c’est certainement la raison pour laquelle, au CLOM j’avais tant de peine- c’est une autre histoire, tout en étant la même) (je fais tourner les variations G. par GG, c’est pour apaiser ces troubles et les torrents de souvenirs tellement distincts de tout ce qui est écrit, mais tellement proche de la façon, la manière, le style, l’attachement dont c’est écrit). Ici une photo des quais de la Seine (jamais je ne l’ai vu à Paris sauf cette soirée de juillet 60-et un autre moment, oui, je me souviens, lors de l’achat de ce manteau en peau retournée, avais-je dix sept ans ?).
Le 12 Mai Le bataillon stationné à Torrello degli Lombardi reçoit l’ordre de faire mouvement vers le front.
Le 16 Mai au soir, nous allons relever le B.I.M.P qui a été durement arrêté sur les hauteurs dominant Chiaïa, et qui a perdu son commandant. Entendu pour la première fois la « katoutchka ». Arrivée à 4 heures sur la position. Demain sera le premier jour de combat. Il y a exactement 1 an que je me suis engagé.
Le 17 mai à 5h30, départ de la marche d’approche ; à 7h30 la 1° section de la 5ième compagnie (groupe Cantet) découvre l’ennemi. 08h00 Je vois passer Cantet blême. Nous allons rester au contact, accrochés à cette portion que les boches défendent avec énergie. La 7ième compagnie essaye de déborder. Insuccés complet. Nombreux blessés parmi les Européens (fusils à lunettes) : Cantet, Allain, Raymond, Avamusa, Luc. Les officiers et gradés surtout sont visés : commandant Hugo Sockeel, capitaine Hervé (tué en soignant un blessés sous le feu des mitraillettes), lieutenant Romiglier, Pinbehede, Cabret, Henry. Enfin le tir d’artillerie arrive. Les T.D tirent sur les maisons, tout tire : chahut d’enfer. Les quelques boches qui restent décrochent. Le soir, le P.C est pris sous un violent tir de mortier jusqu’à 9h. Nous faisons un bond en avant : des A.M boches, des chars brulés, des cadavres noirs et blancs sur la route. A 12h la Luftwaffe vient nous rendre visite. Devant nous, sur le Monte Majo les obus américains, des gros lourds, ont allumé un incendie de forêt.
C’est la fin de la première page. Il l’a commencée en laissant libres deux lignes dans le haut de la page. Le travail commence. C’est moi qui vais à la ligne avec les dates.
Torello degli Lombardi existe comme Torrella »dei » Lombardi. C’est une commune située dans l’Avellino, à l’est de Naples. Il y a bien ce monument
au coin de la via Pietro Toselli (je regarde wiki indique « combattant de la guerre italo-éthiopienne, la première puisqu’il est mort en 1895, dans cette guerre contre Menelik 2 (empereur d’Ethiopie jusqu’en 1913). (La 4° de couverture mentionne Menelik, j’en ferait le #3, je crois). Approcher du monument, ne rien déceler que , peut-être, des casques d’une soldatesque…
Je n’ai pas trouvé de Chiaïa dans les environs. Je n’ai pas trouvé non plus de Monte Mojo-en revanche, grâce à MT, il peut s’agit du mont Majo un peu plus au nord.
La « katoutchka » doit être ce qu’on nomme les orgues de Staline.
Le BIMP est le bataillon d’infanterie de marine et du Pacifique. La division à laquelle il appartenait est la 1° division française libre (à laquelle appartenait aussi Gérard Théodore, un de mes amis des années 90- 2000, car le monde reste petit), il occupe dans le fichier excel recensant ceux qui composaient cette division la ligne 4474 (Gérard Théodore, quant à lui, est à la ligne 22412).
Les « orgues de Staline », les fameuses Katiouchas, je me suis toujours demandé qui avait inventé ce nom… Prokofiev ?
Wikipédia abolit les frontières et les voyages…
Catarina Chiaïa, je te renvoie à Mac Orlan, celle qui « chante à chaque départ d’émigrants pour les Amériques, de bersagliere pour l’Afrique, de touristes pour quelque part » celle à qui on envoyait des pièces « qui rebondissaient sur le quai et les soldats criaient encore » car elle leur lançait des baisers, et puis, elle a gagné au loto « ça vous change un peu une fille » et puis elle a « épousé toute la famille d’un entrepreneur de travaux » alors Chiaïa, ce serait une ville portuaire prés de Naples, une sorte de banlieue.
Melenik je te signale, le père du négus Hailé Selassié, roi des rois lui même, a foutu une déculottés aux italiens en 1895, pendant la première guerre d’Abyssinie, et le Mussolini, a utilisé cette défaite pour inspirer sa revanche, bombe et gaz asphyxiants contre sagaies, j’ordonne disait l’ordure, que l’on utilise tous les moyens, je dis bien tous les moyens. tout ça pour finir pendu par les pieds.
Katiouchka c’est une chanson populaire en Union soviétique en 1938, écrite M Isakovski sur une musique se M. Blanter, les orgues de Staline, autre nom de ces canons à fusées s’inspirent du couplet
Vole au vent vole chanson légère
Vers celui qui au loin s’en alla
Vers celui qui garde la frontière
Porte le salut de Katiouchka
humour soviétique de la grande guerre patriotique, comprenne qui pourra