Carnet de voyage(s) #41
Rubrique(s) : Carnets de Pierre Cohen-Hadria / Carnets de voyage(s) / Ville (ma) vue du sol
14 mai, 2013 4Nous étions allés boire sur ce bateau café-restaurant, un salep (le salep est une boisson chaude, douce, blanche, à base de racines d’orchidées, servie avec de la canelle) et un fanta (qui me rappelle Carthage, les bulles mais la bouteille de verre, pas la canette) et il me souvient , la gentillesse et le sourire de l’homme qui nous apportait les boissons (moi j’y ai vu un Gitan, j’y ai vu son teint de soleil et ses dents blanches sur son rire même s’il ne riait pas), sous le toit vert derrière ces fenêtres rangées et carrées, c’est dans la salle où il n’y avait personne que nous nous trouvions
nous avions marché un moment sur le quai, il faisait frais, un bateau et nous longions la Corne d’Or
le vent, la lumière cachée par les nuages
le quai et les milliers de personnes qui y marchent
ici au fond, la mosquée de Souleyman, que nous avions été voir, proches, le Magnifique, quelque chose de la constitution, quelque chose de l’exotisme, le bateau avançait
je garde au coeur cette eau magnifique du Bosphore, on croisait des énormes navires
la mer de Marmara, au loin cette île, probablement Imarali, les multitudes de bâtiments qui croisent dans ces eaux
le fond formé de la mosquée Bleue, Sainte Sophie qui lui fait face, Topkapi et ses jardins (la résidence du Sultan d’alors, mais l’i sans son point se prononce « eu » : au clavier, ici, il n’en est point…) (on dit donc, sans doute « Topkapeu »), l’eau qui scintille, nous allions en Asie, c’est juste de l’autre côté de cette sorte de baie, là où aboutit le pont sur le Bosphore
le bruit de chacun des essieux de chacun des véhicules qui l’emprunte se répercute sur les piles, nous avons visité un petit palais, la visite était guidée mais en turc, nous avions couvert nos chaussures pour ne pas froisser les sultanesques tapis, en sortant un froid terrible, un vent incisif et mordant mais le soleil, arrivés là, loin de quelques guichets pour revenir au port, Üsküdar, nous n’avions pas de tickets, nous cherchions, là un autobus qui s’arrête, le conducteur lunettes de soleil qui nous fait signe, dans notre anglais sommaire nous lui parlions « no ticket » disions-nous, et lui, « Come in, you’re my guests… » avec un sourire magnifique (penser à Paris, aux autobus) une circulation à couper au couteau, une gentillesse spontanée
reprendre le bateau vers l’Europe et croiser cette petite gare de chemin de fer (Haydarpacha), bateau, train, croiser à nouveau la tour
la tour de Léandres, de laquelle on tirait une chaine pour barrer l’accès au Bosphore paraît-il, des porte-conteneurs énormes
l’activité d’un monde qu’on ne discerne que dans ses ports (cet oiseau qui vole en bas du cadre), nous touchions à l’Europe, Eminönü le port où aboutissent et partent les navettes, vers Sultanhamet
au loin ces tours, ce quartier neuf peut-être, si loin, les quelque dix huit millions d’habitants que compte cette ville, Istanbul (y mettre devant le « b » un « m » ou un « n » est-ce si important ?)
comme j’ai aimé cette ville, tu sais, ces énormes bateaux de croisière, souvenir de ce lundi à Tunis jour de fête de l’Aïd où les commerçants des souks avaient ouvert « il y a un bateau qui est arrivé, il faut ouvrir… » le commerce et le travail à l’impératif, et le lendemain, je crois que c’est ainsi que les choses se sont passées, le lendemain, nous cherchions l’entrée d’un caravansérail, au flanc de la colline qui domine le port, c’était le dimanche non ? Je ne sais plus, nous l’avons trouvé, petite porte dissimulée sous des vêtements pendus à des cintres, un homme y entre, « oui, dit-il, allez voir le gardien, c’est cinq lires, je l’appelle » téléphone, nous cherchions
et montions, longions ces sortes de corridors (ici c’est le même)
et sur les toits, la découverte de la mer
au loin, le gris des nuages et le pont du Bosphore
ces gros bâtiments qu’on voyait hier, ou tout à l’heure le temps se brouille comme la géographie, au fond c’est l’Asie, au premier plan l’Europe, la mer, l’eau, les mosqu&ées les minarets, et cinq fois par jour l’appel, si on se retourne
cette autre merveille, au loin, auprès des tôles qui ondulent, un toit, une autre vie, une autre ville, comme j’ai aimé ces contrastes, ces chevauchements
ces différences, les lieux de vie et ceux du culte, non, croire en son Dieu, pourquoi pas, croire en ses directives ça ne me gêne pas, juste qu’on me laisse ma liberté
d’y voir ce que je veux… et ici, la beauté, voilà tout
plein cadre, le pont Galata, son bleu qu’on ne voit pas ici, qui va vers Beyoglu, le district (plus) européen, ses rues semblables à Oxford Street à Londres, mais piétonne, les mêmes enseignes, les mêmes vêtements, ce n’est pas que ce soit un dépaysement que nous recherchons, mais non, cette vie-là, non, l’envahissement (on ne les voit pas aux photos, parce qu’on aime que les choses soient belles) des publicités énormes, ces affiches et ces sourires, cette plaie qu’on suture en achetant, je n’aime pas ça, je préfère et de loin les souks, les bazars quand même les vendeurs nous y harcèlent,
nous autres touristes, cette alternative entre le marché ou l’église a quelque chose de tellement absurde, elle est là, sous nos yeux, hier une bombe a explosé à la frontière turquo-syrienne, faisant une cinquantaine de morts, les révolutions arabes comme on les appelle, la jeunesse, ces magnifiques jeunes années, voir ces photos, ces trois petites paraboles bord cadre en bas, laisser là le gardien, un billet de dix lires, voilà, continuer à marcher, regarder et voir, mosquées, petites rues qui redescendent vers le port, des jeunes gens qui rient
tellement également semblables à ceux qui jouent en bas, ici, on rit, la rue, les pavés, et ici une maison abandonnée, qui domine la Corne d’Or, une terrasse qui donne vers l’est, la construction du nouveau pont
en doublant un autre, affreux
au loin les tours, est-ce un autre siècle ? cette terrasse si jolie
ici, le pont de Galata, ce bleu qui se confond avec le ciel, l’eau, les bateaux
ici la navette qu’on empruntait hier, un air de vaporetto, quelque chose d’un peu plus confortable, des rives moins étroites
ces ponts, Galata, au loin le bac qui relie les deux continents, ces dizaines d’antennes qu’on aperçoit au loin, répétitrices de quelles ondes, et si on se penche à peine, devant nous
un chat qui s’en va, ce petit hôtel, facade verte
maisons de bois qui me rappellent l’incendie de Moscou
cette Europe de l’Atlantique à l’Oural, les contrastes de la grandeur des églises, cathédrales, basiliques et édifices aux Dieux alors que des humains, ici
vivent et respirent, regardent la télévision
ce noir magnifique du mur, ce tendre vert des arbres, l’air doux de fin avril
redescendre, ici le chantier du pont derrière
des barbelés et des grilles, on a trouvé là un vendeur de loukoums, les quais où on a mangé un sandwich au poisson grillé sur les bateaux à quai, parcourir la ville lorsqu’il y fait beau (c’était l’aprés-midi que venait le soleil)
(ici Sainte Sophie, au fond), les rues, la lumière
viens, reprenons le bateau, allons voir le jour qui s’en va rive asiatique, viens
il y avait cette chanson « des milliers d’oiseaux »
le port de Kadiköy le ciel et les oiseaux, la nuit qui vient
et revenir…
Les photos de ce billet sont dues à MdBC. Merci à elle.
beau périple et belles photos pures.
J’ai adoré la petite gare (les minarets aussi, mais plus connus).
Istamb(o)ul chamboule toujours.
Je suis étudiante en architecture, Bravo… 🙂
Que veut dire MdBc ?
Merci du passage (MdBC sont les initiales de la photographe), j’ai regardé à nouveau ces images de cette villes magnifiques, j’y suis retourné un moment…