Carnet de voyage #31
Il a fallu préparer, regarder, se renseigner (merci à AS) sur les hôtels, regarder la météo, fermer les bagages et s’en aller une heure avant le départ du train (la gare est juste là, trois stations de métro, on ne change plus à Jaurès pour la place d’Italie, ça ne fait rien, on y va à pied, viens). C’est en train qu’on y va, à présent et je n’y avais jamais mis les pieds avant il y a un an (c’est là) pour quelques heures de plus, on ne fait plus attention, le portique et les clés, la douane, les ceintures la montre, la veille dans la rue je suis allé me procurer des livres de sa très gracieuse Majesté (pour cent cinquante euros, on m’en a donné cent vingt), on les nomme sterling, je suis parti, le pain était sur la planche et qu’est-ce que ça fait ? Il a attendu…
C’est que nous avions des places dans la voiture number one (il faut se mettre à l’anglais). Elle se situe en tête de train, pratiquement sous le pont du métro.
C’est un coin que j’aime bien, le métro, les trains, les autos, j’en prends souvent le contrechamp.
C’est ma ligne (enfin, ce possessif reste partiel).
Voilà le métro, il est une heure (P.M), le train va partir, les gens ont regagné leurs places (chacun à sa place, on ne veut voir qu’une seule tête, cette société nationale de chemin de fer, comme cette régie des transports parisiens, autonome, me flanque le bourdon : ne serions-nous réduits qu’à simplement chercher le numéro de la place porté sur notre billet, afin qu’ils correspondent entre eux, tandis que nous autres ne serions rien d’autre que ces choses qui s’installent, posent leurs bagages, ôtent leurs manteaux, prennent leurs livres, leurs lunettes, leurs tablettes, leurs ordinateurs, leurs journaux, ôtant leurs chaussures, et attendant que le chef de train puis le chef de bord, puis le chef de cabine les saluent ? Ces chefs-là se présentent par leurs prénoms, ils nous assurent de leur bienveillance, de leur servilité peut-être, ils sont là à nos ordres et cette apparence, cette sensation, cette idée du « service » fait froid aux os)
Le train est parti, il file, Roissy est passé, Roye, le long des voies, des autos qui filent elles aussi
nous nous croisons
mais il fait beau
au loin brille la paix (je ne sais pas, c’est une chanson qui me parle, ça, je ne sais pas, peut-être Claude Nougaro), des passagers s’en vont au bar, le train dépasse les trois cents à l’heure
ce n’est pas que nous soyons pressés, non, mais le train va si vite qu’il en courbe les pylônes qu’on attrape, mais il faut bien le prendre, comment faire sinon, à pied ? En avion, le temps passe, les villes aussi s’étalent à peine
je n’ai jamais fait le calcul (tiens je le fais, trois cent mille mètres en trois mille six cent secondes, ça fait quelque chose comme) 83 mètres par seconde, tout de même, le temps passe vite dans ces conditions
le temps a toujours quelque condition, on le regarde et il passe, le train, le chef de train indique l’arrivée se fera à quatorze heures quarante heure locale
non, il ne pleuvra pas, on restera assis là, non, on change, viens on change, on se retrouvera ailleurs, pour changer, être l’un à côté de l’autre plutôt que face à face comme le veut le billet, viens, on change, les bagages on n’en a pas, les manteaux, je me souviens de cette arrivée à Bruxelles l’année dernière (était-ce l’année dernière ?) où on nous a volé un portable en passant)
nous avons croisé des villes, il y avait au ciel quelques nuages, et même en comptant simplement sur le temps qui passe, encore à nouveau
le soleil descendait sur l’horizon, les voies de chemin de fer restaient et tentaient des parallèles avec les bouches d’aération du train, comme une sorte de symbiose, tu te souviens de Gainsbourg qui chantait « c’est moi qui boit et c’est mon chien qui est mort d’une cyrhose, était-ce par osmose ? », le train a couru sur ses voies, les traverses et les cailloux, les courbes, les pleins et les déliés
c’est déjà l’Angleterre, pour passer le tunnel, j’ai parlé d’une chose, d’une autre, je me souviens que, lorsqu’il a été construit, une offre a été lancée sur des actions, je ne sais plus des gens ont acheté et puis plus rien, Eurotunnel et l’emprunt russe, cette situation, l’Angleterre, Napoléon, Nelson, Trafalgar, Sir Winston CHurchill « no sport », quelque chose de rigolo, de risible, la perfide Albion, cette reine couronnée alors que je n’étais pas né, toujours là dans son palace, à sa place, de Buckingham, son prince Philippe, consort paraît-il; une famille mais des gens comme vous, moi, eux, n’importe, eh non, une courbure de l’âme, une sorte de sensation « innée » d’être de l’élite, les clubs, les fauteuils de cuir, on en était là, le temps était passé, les montres avaient des aiguilles auxquelles le temps lui-même avait intimé de reculer, nous étions partis à une heure (P.M) et nous voilà arrivés à deux heures quarante (P. M certes), Saint Pancras, marcher dans la rue et croiser, le palace où logent l’élite et la crème, l’un des dessus du panier, aller vers Travistock, c’est où, par là non ? longer, à droite, en sortant, puis à gauche, Euston Road, puis à gauche voilà, attends
La suite demain, ou après demain…